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Terrorisme - Radicalisation : "Les élus ressentent un très fort besoin d'information"

Face à la radicalisation, les élus doivent composer avec une réalité qui semble les dépasser : ce sera le sujet de la grande réunion du 24 octobre, alors que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales entame une série d'auditions consacrées "au rôle des collectivités territoriales en matière de prévention de la radicalisation". Sur le terrain, l'échange d'informations tarde toujours à se mettre en place.

Plus que jamais les élus sont en avant-scène dans la lutte contre la radicalisation : le 24 octobre aura lieu une grande journée à Paris sur le sujet, en présence du Premier ministre et du ministre de l’Intérieur, avec les grandes associations d’élus (AMF, ADF, Régions de France). Et ce au moment même où certains maires en vue sont pointés du doigt pour leurs relations incestueuses avec les milieux salafistes et que les premiers centres de déradicalisation ne brillent pas par leur efficacité. Dans la foulée du documentaire de M6 consacré à l’islam, le député LR du Vaucluse Julien Aubert a ainsi interpellé le ministre de l’Intérieur, le 12 octobre, à l’Assemblée : "Par électoralisme, certaines municipalités n’hésitent pas à courtiser les salafistes", a-t-il lancé. "Pendant que la France subventionne les écoles coraniques - 5.000 élèves dans une cinquantaine d’établissements - et se montre d’une coupable indulgence avec les imams radicaux, on s’acharne à décrédibiliser les lanceurs d’alerte", a-t-il poursuivi. Une "indulgence" démentie aussitôt par Bernard Cazeneuve qui a déclaré qu’une vingtaine de mosquées avaient été fermées et 80 imams radicaux expulsés.
 

Le Sénat s'empare du sujet

La délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation vient de se saisir de ce dossier brûlant : elle prépare un rapport le "rôle des collectivités territoriales en matière de prévention de la radicalisation". Ce travail a été confié à Jean-Marie Bockel, président de cette délégation (Haut-Rhin, UDI-UC) et à Luc Carvounas (Val-de-Marne, PS). "Nombre d’élus s’interrogent encore à la fois sur les contours de la notion de radicalisation, sur les mesures à prendre pour y faire face et sur les modalités précises et concrètes du partenariat qui peut être engagé avec les services de l’Etat", souligne avec pudeur la délégation, dans un communiqué. Pour commencer leur série d’auditions, les sénateurs ont souhaité entendre, le 13 octobre, Muriel Domenach nommée cet été secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). C'est elle qui, précisément, est chargée de coordonner le volet préventif de la lutte contre la radicalisation en France. Cette lutte s’inscrit dans le Plan d’action contre la radicalisation et le terrorisme qui s’est traduit dans la convention signée avec l’AMF le 19 mai 2016. La question du partage de l’information est l’une des préoccupations premières des élus. Certains d’entre eux n’hésitent pas à demander que leur soient communiqués les noms des "fichés S" résidant dans leur commune, ce que vient de leur refuser officiellement le ministre de l’Intérieur (voir ci-contre notre article du 11 octobre 2016). Des élus souvent classés à droite mais pas seulement. En 2015, le maire d’Alfortville, Luc Carvounas, se montrait catégorique sur La Chaîne Parlementaire : "De la même manière qu’aujourd’hui on a décidé de le partager avec les agents de Bercy, il faudrait au moins partager le fichier S avec les maires [...] Il n’est pas pensable que le premier magistrat de la ville, qui a les pouvoirs de police, ne soit pas au moins informé par le préfet, dans une relation bilatérale, du fait d'avoir une, deux, trois, dix personnes fichées S dans sa ville", déclairait-il. Le sénateur-maire arguait qu’une fois informés, les élus pourraient empêcher ces personnes d’aller plus loin, en recourant à leurs services ou à des associations.

"Je n’en ai eu connaissance qu'après-coup"

Mais ont-ils réellement les moyens de ces ambitions ? L’un des élus mis sous les feux de la rampe est Claude Arnaud, maire de Lunel, une petite ville de 26.000 habitants, dans l’Hérault, accusée d’être un vivier de djihadistes. Auditionné en mars 2015 par la commission d’enquête sur la surveillance des filières et des individus djihadistes, l’édile expliquait son désarroi alors qu’en à peine un mois et demi six jeunes lunellois partis faire le djihad avaient été tués. "Est apparue, sans que je m’en aperçoive, cette jeunesse marginale qui, pour diverses raisons, décide de quitter la France pour participer à la construction d’un nouvel État islamique où s’appliquera, non plus la loi de la République, mais la loi coranique. J’ignorais ces départs ; je n’en ai eu connaissance qu’après-coup, lorsque j’ai appris par leurs familles que certains de ces jeunes avaient été tués – les corps ne sont jamais revenus à Lunel", témoignait-il.
Ce désarroi serait largement partagé. "Les élus ressentent un très fort besoin d’information, ils ont le sentiment qu’on fait beaucoup en termes d’organigrammes, de cellules… Mais sur le terrain, ils ne sont jamais contactés. Ils ont l’impression d’être face à quelque chose qui les dépasse et ont besoin d’être épaulés", témoigne une source bien informée. Apparemment, les consignes du gouvernement (une instruction a été envoyée le 14 septembre aux préfets) ont encore du mal à se concrétiser. Il devient impérieux de débloquer cette situation d'autant que des plans d’actions sur la prévention de la radicalisation sont désormais prévus pour chaque contrat de ville.

 

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