RE2020 : les pistes du rapport Rivaton pour maintenir le cap

Sans rogner sur les ambitions de la réglementation RE2020, ni mettre en pause le calendrier des jalons 2028 et 2031, le rapport remis par l’entrepreneur Robin Rivaton à la ministre de Logement ce 10 juillet propose une série d’ajustements pour en limiter les effets inflationnistes sur la construction et permettre aux maîtres d’ouvrages de mieux concilier performance environnementale, qualité d’usage des logements et résilience des bâtiments aux vagues de chaleur. Un premier décret est attendu d’ici fin 2025 pour traduire ces recommandations.

Fruit de quatre mois de travail, le rapport d’évaluation de la réglementation environnementale 2020 (RE2020), confié à l’entrepreneur, président de Stonal, Robin Rivaton, pour en mesurer les effets sur les surcoûts de construction et la production de logements, a été remis à la ministre du Logement, Valérie Létard, ce 10 juillet. Entrée progressivement en vigueur depuis 2022, en commençant par les bâtiments neufs d'habitation, la RE2020 est soumise à de nouveaux critères depuis le 1er janvier dernier. Et de prochains paliers sont prévus pour 2028 puis 2031. 

Peut-on tenir cette trajectoire sans freiner l’accès au logement ? Dans un contexte de crise durable du logement - avec une production encore inférieure de 25% par rapport à l’avant-Covid - le sujet taraude le gouvernement. "La question de la suspension de la RE2020 et notamment de ses jalons 2028 et 2031 semble une idée inconcevable. Elle l’est car l’instabilité qui s’ensuivrait serait très coûteuse pour la filière qui a besoin d’un cadre de moyen terme", relève Robin Rivaton dans son rapport. 

Pas question de remettre en cause le calendrier garant de la visibilité à l’ensemble du secteur. D’autant que les progrès sont perceptibles, notamment sur les filières de matériaux biosourcés (passés de 1% à 11% du marché de l’isolation entre 2009 et 2023), et la dynamique bien engagée par les acteurs. Le jalon 2028 est déjà en application dans une partie importante des opérations du fait d’engagements volontaires de collectivités territoriales à travers leurs chartes ou lors de la procédure d’urbanisme (Paris, Est Ensemble, Lyon…), de demandes des aménageurs dans le cadre des zones d'aménagement concerté (Etablissement public d’aménagement de Saclay, Grand Paris Aménagement) ou des acquéreurs finaux qui devancent les seuils. De 15 à 25.000 logements sur les 220.000 logements collectifs autorisés entre les mois de mai 2024 à avril 2025 seraient ainsi déjà produits sous le jalon 2028 de la RE2020. 

Pour autant Robin Rivaton pointe un certain nombre de fragilités. Et des ajustements de la RE2020 seront donc à nouveau nécessaires. Pour rappel, un premier décret de simplification était paru fin 2024 (lire notre article) pour "traiter des situations particulières jugées particulièrement contraintes", justifiait le ministère. 

Un surcoût pour le logement estimé à +11% d’ici 2035

Le rapport identifie un surcoût de +11%, hors effet d’apprentissage, d’ici 2035, se décomposant entre +2% pour l’isolation, +3% pour l’équipement de chauffage et production d’eau chaude sanitaire et +6% pour la décarbonation des produits et matériaux. Les effets de volume et d’apprentissage pourraient survenir sur l’isolation et la décarbonation, le neutralisant totalement au bout de dix ans. Le nombre de logements non-construits du fait de ces surcoûts serait de l’ordre de 15 à 16.000 par an jusqu’en 2035. Le surcoût pourrait d’ailleurs être bien supérieur au +11% annoncé si des mesures ne sont pas prises pour améliorer les bases de données environnementales aujourd’hui "lacunaires et hétérogènes du fait des changements de méthode".

D’autres points de vulnérabilité sont ciblés comme une dégradation de la qualité d’usage du bâti (diminution des espaces extérieurs privatifs, baisse de la hauteur sous plafond), une adaptation climatique encore incomplète ("confort d’été" pendant les vagues de chaleur), et des effets différenciés selon les territoires avec des surcoûts plus importants en zone détendue. En projetant les chiffres de construction de 2024 en 2031, l’économie carbone attendue serait de 7,9 millions de tonnes (ramenés à l’empreinte carbone de la France, cela représente 1,2%). "Cette évolution théorique pourrait être 15 à 25% plus faible dans la réalité car le poids carbone de nombreux composants est gonflé", avertit le rapport. 

Un premier décret d’ici fin 2025

Parmi les principales recommandations du rapport (qui en totalise 23), Robin Rivaton propose de rehausser légèrement les seuils carbone de départ de la période 2022-2024 de 40 kgéq.CO2/m² soit environ 5% tout en conservant la trajectoire de réduction pour les jalons 2025, 2028 et 2031 afin de tenir compte du changement de la méthode de calcul (passage des fiches de A1 à A2) qui a augmenté le poids carbone des produits et matériaux. Objectif : donner "une vraie bouffée d’oxygène" pour passer la période critique de 2026-2030. 

Le rapport préconise par ailleurs de "ne jamais arbitrer entre carbone et qualité d’usage", et d’introduire une modulation des seuils pour prendre en compte la hauteur sous plafond au-delà de 2m50 et la surface des espaces extérieurs (balcons, jardins privatifs et collectifs, loggias). Mais également de revoir l’indicateur de confort d’été et de lever les freins à la possibilité de déclarer des solutions de refroidissement ou leur installation. 

Pour valoriser le bâti existant, les extensions et les surélévations "vertueuses d’un point de vue carbone par définition" pourraient être exonérées de la RE2020 (dès lors qu’elles n’ajoutent pas plus de 30% de surface de plancher). Idem pour les immeubles de grande hauteur (IGH) qui seraient délestés des jalons 2028 et 2031 de la RE2020. 

Enfin, il s’agit de "donner un horizon clair" en gardant pour cible le cadre de la RE2020 jusqu’en 2035 "sans ajouter d’exigences supplémentaires". Il est indispensable d’acter le principe de "clauses de revoyure" avant le 31 décembre 2027 et le 31 décembre 2030, appuyée sur des études indépendantes, insiste en outre le rapport. L’ensemble de ces recommandations fera l’objet de débats jusqu’en septembre 2025, a précisé le ministère, avant un premier décret attendu d’ici la fin de l’année sur le volet carbone. Un second pourrait suivre courant 2026 sur la qualité d’usage, dont l’adaptation aux vagues de chaleur. 

 

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