Recensement de la population : une carte à jouer pour l'intercommunalité ?

Rares sont les EPCI à s'être impliqués en début d'année dans les opérations de recensement de la population. La loi le leur permet pourtant. Et le jeu en vaut la chandelle, comme le montre la communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres (44), qui a amélioré sa communication de proximité.

Saint-Mars-du-Désert est une bourgade de Loire-Atlantique. Tout comme 8.000 villes et villages en France, ses habitants ont été recensés au début de l'année selon les méthodes de l'Insee en vigueur depuis le 1er janvier 2004. Mais dans cette cité, le recensement de la population a été organisé par la communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres, en lieu et place de la municipalité. Une expérience originale rendue possible par la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002 et qu'à peine une quinzaine de communes, membres de quatre établissements publics de coopération intercommunale*, ont vécu cette année. "Toutes les communes membres du groupement, à l'exception d'une seule, ont été favorables à la délégation de la compétence au niveau intercommunal, souligne Dominique Garnier, directeur général des services à la communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres. Nous avons donc identifié au sein des services un agent référent que nous avons formé."

Bon pour l'image

Cinq mois après l'enquête de recensement, Dominique Garnier juge le bilan "positif". Il constate une "mutualisation" des moyens et une "professionnalisation de l'encadrement" des agents recenseurs. Surtout, le recensement de la population a représenté un bon vecteur de communication pour la communauté de communes. "L'EPCI a été créé en 2002 et son territoire n'a pas d'assise historique. Nous avons donc un gros travail d'identification à mener, indique le directeur général des services. Dans ce contexte, le recensement nous a paru comme un élément important pouvant nous permettre d'entrer en contact direct avec la population." Pour mener à bien sa nouvelle mission, la communauté de communes s'est tout naturellement appuyée sur l'expérience de Saint-Mars-du-Désert, qui lui a par exemple fourni une liste d'agents recenseurs.
Même délestées de l'organisation du recensement de la population, les communes restent par la loi l'échelon de référence où celui-ci se déroule. En début d'année, la communauté de communes (environ 43.000 habitants) a donc appliqué la méthode de recensement prévue pour les communes de moins de 10.000 habitants (lire ci-dessous : "Recensement de la population, mode d'emploi").

Les candidats sont rares

"La plus grosse commune de notre territoire compte 7.000 habitants", indique Dominique Garnier, qui regrette que l'Insee n'envisage pas d'autre découpage que celui de la commune pour les opérations de recensement. "L'Insee fait des enquêtes dans les villes de 10.000 habitants et plus, qu'elle ne fait pas dans celles de taille inférieure." Or, la communauté de communes souhaite mettre sur pied un observatoire de son territoire, qui sera évidemment friand en données statistiques produites par l'Insee en matière de logement, d'économie, de transports... L'exemple de la communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres relève de l'exception. Et devrait d'ailleurs le rester à court terme. Car, selon l'Assemblée des communautés de France (ADCF), les groupements de communes ne se bousculent pas pour organiser le recensement de la population, une compétence identifiée encore comme spécifiquement communale. L'année dernière, l'ADCF a lancé, via son intranet, un appel à contributions pour l'organisation du recensement à l'échelon intercommunal. La communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres est la seule à y avoir répondu...

 

* Ces EPCI sont la communauté de communes de la vallée de l'Ouche (9 communes en Côte d'Or), la communauté d'agglomération du Val de Bièvre (7 communes du Val-de-Marne), la communauté intercommunale des villes solidaires (5 communes de La Réunion) et la communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres (12 communes).


Thomas Beurey / EVS Conseil pour Localtis


 "La délégation aux EPCI a parfois compliqué la préparation du recensement"


 

Jean-Michel Durr dirige le programme de la rénovation du recensement de la population à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Si elle devait croître ces prochaines années, la prise en charge des opérations de recensement par les groupements de communes pourrait-elle avoir des répercussions directes sur le recensement ?

Il faut rappeler que le dispositif qui permet à une intercommunalité de s'investir dans les opérations de recensement est issu de la loi relative à la démocratie de proximité du 27 février 2002. L'article 156 (titre V) de cette loi prévoit en effet que "les enquêtes de recensement sont préparées et réalisées par les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale". Les élus peuvent donc mutualiser les opérations de recensement s'ils le souhaitent. En fait, l'organisation du recensement sur le plan intercommunal ne change rien aux méthodes employées. C'est-à-dire qu'un cinquième des communes de moins de 10.000 habitants sont recensées chaque année, tandis que pour celles dont la taille est supérieure à 10.000 habitants, l'enquête porte annuellement sur un échantillon de 8% de la population, soit 40% au bout de 5 ans. Dans tous les cas, la commune reste l'échelon de base du recensement.

L'Insee a-t-elle intérêt à voir les communes se dessaisir de leur compétence au profit des intercommunalités ?

L'Insee s'en tient à l'application stricte de la loi et ne prendra pas de dispositions particulières pour inciter les communes à déléguer aux groupements de communes leur compétence en matière de recensement de la population.

Quel bilan dressez-vous des premières délégations de compétence en matière de recensement ?

Seuls quatre EPCI ont eu à préparer des enquêtes de recensement. C'est assez peu. Dans ceux qui ont dû le faire, les communes ont eu du mal à déléguer leur compétence, car elles sont attachées au recensement. De ce fait, les opérations y ont été plus compliquées, puisqu'il y avait d'une part les communes et d'autre part un autre acteur. Parfois les rôles ont été partagés, la préparation du RIL [répertoire d'immeubles localisés] revenant à l'intercommunalité et celle de la collecte revenant à la commune. La situation n'a donc pas encore atteint son régime de croisière. On aurait pu attendre de l'intervention des EPCI une simplification. Or, de ce qu'on a vu, on peut dire qu'elle complique le schéma. Il faut en réalité que les responsables du recensement soient bien identifiés.


 


Recensement de la population, mode d'emploi


 

Autrefois, sept, huit, voire neuf années séparaient deux recensements de la population. Avec la version rénovée, les communes et l'Insee procèdent à un recensement annuel, dont les méthodes diffèrent en fonction de la taille de la ville.


Les communes de moins de 10.000 habitants ont été réparties en cinq groupes (A, B, C, D, E) par un décret du 23 juin 2003*. Chaque année, tous les habitants des communes de l'un des cinq groupes seront recensés. Au bout de cinq ans, l'ensemble de la population des villes concernées aura donc été recensé. Dans les communes de plus de 10.000 habitants, le recensement se fait désormais par sondage. Les adresses des logements sont réparties en cinq groupes, mais chacun contient des adresses de l'ensemble des secteurs de la ville. Chaque année, l'un des cinq groupes est sélectionné. A l'intérieur de ce groupe, on extrait un échantillon d'adresses représentant 8% des logements de la commune. L'ensemble des logements correspondants est alors enquêté. Au bout de cinq ans, par rotation des groupes, l'ensemble du territoire de la commune est pris en compte et 40% de la population a été recensée. La collecte est assurée dans toutes les communes selon la méthode classique du dépôt-retrait des questionnaires auprès des ménages. Elle se déroulera de mi-janvier à fin février.
* Décret 2003-561 paru au JO du 27 juin 2003.


 


Des débuts difficiles pour la communauté d'agglomération du Val de Bièvre


 

En Ile-de-France, la communauté d'agglomération du Val de Bièvre s'est impliquée dans la préparation du dernier recensement de sa population. Des débuts jugés difficiles.


La communauté d'agglomération du Val de Bièvre, établissement intercommunal composé de sept communes du Val-de-Marne regroupant 187.000 habitants, s'est engagée à former les agents recenseurs et à apporter un soutien logistique. Surtout, la communauté d'agglomération a payé la facture du recensement à la place des communes. Ce qui est loin d'être une bagatelle, quand on sait que la dotation forfaitaire de l'Insee ne couvre qu'une partie des frais engagés par les communes. Responsable du recensement, la communauté d'agglomération ne fait cependant pas tout à la place des villes (Arcueil, Cachan, Fresnes, Gentilly, L'Haÿ-les-Roses, le Kremlin-Bicêtre et Villejuif). Celles-ci ont encore joué un rôle-clé cette année, puisque c'est sous leur houlette que les agents recenseurs ont collecté les informations de terrain. Chacune de ces villes ayant au moins 10.000 habitants, elles doivent par ailleurs disposer d'un répertoire d'immeubles localisés (RIL), fichier indispensable à la constitution de l'échantillon de recensement. Ce sont précisément les communes qui ont procédé à la mise à jour du fichier. "L'implication des villes restera importante tant que la communauté d'agglomération n'aura pas défini l'intérêt communautaire de sa compétence aménagement" indique l'EPCI. Quand les précisions nécessaires auront été apportées, il deviendra possible que la communauté d'agglomération s'implique davantage, en lieu et place des communes. Sans ces modifications, "notre intervention contribue à alourdir la procédure", reconnaît-on à la communauté d'agglomération. "Pour améliorer la situation, il est nécessaire que la mise à jour du RIL et les moyens de le réactualiser, comme le suivi des permis de construire et des mutations foncières, soient aussi transmis à l'EPCI."

Communauté de communes d'Erdre-et-Gesvres

Nombre d'habitants :

64546

Nombre de communes :

12
1, rue Marie Curie - PA La Grand Haie
44 119 Grandchamp-des-Fontaines

Dominique Garnier

Directeur général des services

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