Archives

Logement / Urbanisme - Recours abusifs contre les permis de construire : les sanctions commencent à tomber

L'article L.600-7 du Code de l'urbanisme, issu de l'ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l'urbanisme (voir nos articles ci-contre), prévoit que "lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct au juge administratif saisi du recours, de condamner l'auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel".

82.700 euros de dommages et intérêts

Le même article précise que les associations régulièrement déclarées et ayant pour objet principal la protection de l'environnement sont présumées "agir dans les limites de la défense de [leurs] intérêts légitimes".
Si le cadre juridique est ainsi posé, encore fallait-il que les juges administratifs s'en emparent. Jusqu'à présent, ces derniers en avaient fait un usage des plus limité. Ils s'inscrivent d'ailleurs en cela dans la ligne du rapport Labetoulle (voir notre article ci-contre du 7 mai 2013), à l'origine de l'ordonnance du 18 juillet 2013. Celui-ci insistait en effet sur la "vocation surtout symbolique" de cette disposition et recommandait de ne l'utiliser que rarement.
Les choses semblent changer avec un jugement du tribunal administratif de Lyon du 17 novembre 2015, qui condamne plusieurs requérants à verser 82.700 euros de dommages et intérêts au titulaire d'un permis de construire concernant l'édification de deux bâtiments comptant au total sept logements locatifs.

Des arguments multiples pour juger du caractère abusif du recours

Pour conclure que le recours a été mis en œuvre dans des conditions excédant manifestement la défense des intérêts légitimes des requérants, au sens de l'article L.600-7 du Code de l'urbanisme, le jugement se montre particulièrement sévère, en considérant "enfin et surtout, que la requête ne présente aucun moyen sérieux de nature à démontrer l'illégalité du permis de construire en litige, alors que nombre des moyens se trouvent inopérants, quand les autres moyens sont soit manifestement infondés, soit irrecevables, soit seulement assortis de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il ressort des pièces du dossier, que la requête a été présentée dans un contexte de conflit politique [le titulaire du permis de construire étant un élu local, ndlr] et qu'il a été fait une publicité autour de ce recours qui excède largement son cadre alors que les écritures des requérants comportent des allégations non démontrées dirigées contre les époux B. et plus spécialement contre M. B. relativement à l'exercice de ses fonctions d'élu".
Pour justifier le montant inusité des dommages et intérêts dans une affaire de ce type, le tribunal retient notamment le coût du portage du terrain, la hausse de la TVA intervenue entre-temps et la perte de revenus locatifs pour le bénéficiaire du permis attaqué, durant toute la période où les effets de ce dernier ont été suspendus. Il reste maintenant à savoir si cette décision demeurera isolée ou si elle marque un revirement durable.

Jean-Noël Escudié / PCA

Références : tribunal administratif de Lyon, décision n°1303301 du 17 novembre 2015, M et Mme R. et autres.

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis