Recrutement : le conseil général de Moselle anticipe ses besoins

44% des collectivités qui souhaitent recruter affirment éprouver des difficultés. Qui risquent de s'accentuer avec les départs massifs à la retraite d'ici à cinq ans. Le département de Moselle a, d'ores et déjà, déployé son plan de bataille pour anticiper ses besoins, notamment en cadres.

Le conseil général de Moselle n'hésite pas à aller vendre les métiers de la fonction publique territoriale, et plus particulièrement ceux du département, dans les forums pour l'emploi et les salons étudiants. Il distribue à cette occasion un petit guide présentant ses métiers phares, en particulier ceux pour lesquels se posent des difficultés de recrutement (puéricultrice, assistant social, cadre administratif, informaticien, ingénieur des routes...). Des cadres départementaux vont aussi directement dans les écoles pour présenter les possibilités de carrière au sein du conseil général et faire part de leur propre expérience professionnelle. L'organisation de visites de chantiers de la direction des routes est un autre moyen de faire découvrir la réalité du métier à des classes de BTS génie civil ou d'élèves ingénieurs.
Le conseil général multiplie depuis deux ans les actions de communication vers les étudiants pour anticiper les départs massifs à la retraite et ses besoins en nouvelles compétences. Avec un bon retour, vues les nombreuses candidatures spontanées et les demandes de stages. "L'objectif est de permettre aux jeunes diplômés de mieux connaître la diversité de nos métiers, au-delà de leurs a priori sur la fonction publique territoriale, et pour le département de se positionner comme employeur potentiel et de détecter les potentialités en amont", explique Nicolas Thill, chef du service de la gestion prévisionnelle des postes et des compétences.

Des outils de GPEC

Cette politique de communication s'appuie sur une démarche réfléchie de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), mise en oeuvre au conseil général depuis 1995. Celle-ci s'est notamment traduite par l'élaboration d'un répertoire recensant les 147 métiers que peuvent exercer les 1.600 agents de la collectivité et par des études prospectives quantitatives (pyramides des âges) et qualitatives (évolution des métiers et des compétences). Des études qui ont permis d'identifier les filières particulièrement touchées par les problèmes de recrutement ainsi que les compétences professionnelles qu'il apparaît utile de renforcer. "Par exemple, on s'est aperçu que la moitié des cadres de proximité vont partir à la retraite dans les cinq à dix ans et qu'il y a en interne un déficit de management, les cadres se concentrant plus sur leur activité d'expertise que sur les aspects d'encadrement et de management", confie Nicolas Thill.
Forte de ces deux constats, la direction des ressources humaines a planché sur différentes solutions. Premièrement, en externe : des actions de communication envers les étudiants des filières dans lesquelles le conseil général a des besoins de recrutement. Deuxièmement, en interne : l'élaboration d'un vaste plan de formation au management. 250 cadres y ont participé de 1999 à 2002 et une nouvelle session doit débuter en novembre pour les cadres recrutés depuis.

Pépinière pour les cadres juniors

Autre initiative particulièrement originale en matière de formation : la création d'une "école des cadres", véritable pépinière pour les lauréats des concours d'attaché et d'ingénieur recrutés par le département. Ces jeunes recrues sont affectées durant un an sur des missions transversales et managériales (conduite de projet et/ou encadrement), avant de se voir proposer un poste vacant. Ils sont suivis dans les services par un tuteur et bénéficient d'une formation au management dans le cadre de leur parcours de formation initiale. "Cela permet aux futurs titulaires de ne pas s'enfermer trop rapidement dans la spécialité technique de leur nouveau poste au détriment des fonctions managériales et d'appréhender le principe de transversalité", estime Nicolas Thill. Autant de mécanismes qui devraient favoriser une future mobilité.
Cet effort de formation, comme les perspectives qui en découlent en termes d'évolution de carrière, participe à une politique de fidélisation des cadres. Depuis 1998, sur la quarantaine de lauréats qui sont passés par cette école de cadres, seuls six ou sept sont partis.
Au final, riche de l'anticipation des besoins en recrutement et des différentes solutions qu'elle a déjà mises en oeuvre, la DRH affiche une certaine sérénité : "Nous ne pensons pas avoir des problèmes cruciaux de recrutement." Et ce d'autant plus que le régime indemnitaire du département est tout à fait compétitif par rapport aux autres collectivités.


Emmanuelle Yohana / EVS Conseil pour Localtis

 

"Raisonner en terme de gestion des compétences au-delà d'une approche statutaire"


 

Nicolas Thill est chef du service de la gestion prévisionnelle des postes et des compétences au conseil général de Moselle.

La démarche de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) que vous avez mise en place en amont est-elle une condition préalable incontournable ?

Pour nous, cela a été une démarche indispensable, qui a débouché sur plusieurs actions, en terme de politiques de formation et de mobilité, en plus d'une anticipation des besoins en recrutement. Pour d'autres collectivités qui ne se sont pas encore lancées dans une démarche de GPEC, je dirais que ce qui est surtout indispensable, c'est plutôt d'avoir un état d'esprit de GPEC que forcément toute la boîte à outils. C'est-à-dire qu'il faut que l'ensemble des personnes de la direction des ressources humaines aient la volonté de mener une réelle gestion des compétences, qu'elles raisonnent pour cela en termes de métiers au-delà d'une approche statutaire classique.

Certaines collectivités misent sur l'accueil de contrats d'apprentissage comme mode de pré-recrutement, est-ce le cas du conseil général de Moselle ?

Non, nous ne ciblons pas particulièrement les apprentis, les profils ne correspondant pas forcément aux métiers du département. Le conseil général mise en revanche davantage sur le développement de l'accueil d'étudiants stagiaires comme moyen de se constituer un vivier de recrutement potentiel. Pour attirer les meilleurs, la DRH propose depuis cette année des stages de 3 à 6 mois rémunérés (niveau Smic) à des stagiaires "à forte valeur ajoutée" (écoles d'ingénieurs notamment). On espère qu'après avoir découvert concrètement l'intérêt de nos missions, ces étudiants se tournent plus volontiers vers la fonction publique territoriale. Cela permet aussi de véhiculer une meilleure image de notre collectivité dans le réseau des anciens élèves de leurs écoles.

Internet est-il un canal privilégié dans vos différentes actions de communication sur les recrutements du conseil général ?

Non, pas encore. Nous préférons pour l'instant utiliser les vecteurs classiques de communication : pages publicitaires dans les magazines étudiants, distribution de plaquettes sur les métiers du département, affichage de posters dans les écoles et présence de stands lors des forums emplois. Nous avons néanmoins une rubrique bourse de l'emploi sur le site du conseil général, qui présente les profils de postes vacants au sein de notre collectivité. Nous allons également prochainement créer une autre rubrique pour les offres et demandes de stages au sein des services départementaux, avec la possibilité pour les étudiants de déposer leur CV en ligne.

 

L'attribution de bourses d'études pour les métiers du social


 

Comme d'autres collectivités confrontées aux difficultés chroniques de recrutement de travailleurs sociaux et de personnels qualifiées de la petite enfance, le conseil général de Moselle propose depuis longtemps des bourses d'études aux élèves préparant ces métiers.

Le département de la Moselle accorde chaque année une petite dizaine de bourses d'études (948,62 euros nets mensuels durant les mois de scolarité) aux élèves qui ont réussi le concours d'entrée aux écoles de puéricultrice et d'assistant de service social, après sélection par un jury. Là aussi, il s'agit d'investir sur de futurs recrutements dans des secteurs traditionnellement en déficit. Les bénéficiaires de ces bourses doivent ainsi s'engager à se présenter aux concours territoriaux et à travailler pour le conseil général. Ce, pendant une période d'une durée égale au triple de celle pendant laquelle ils ont perçu la bourse. En cas de rupture de son engagement, l'intéressé doit rembourser le montant de la bourse dont il a bénéficié à concurrence du prorata du temps de travail restant à accomplir.
Pour faire connaître ce dispositif et attirer les meilleurs élèves, le conseil général de Moselle a créé un poster diffusé dans les écoles de puériculture et préparant au métier d'assistant social du Grand Est et même en Belgique.


 

La Moselle a initié trois observatoires de métiers


 

Dans le cadre de sa démarche de GPEC, le conseil général de Moselle a mis en place depuis 1998 des observatoires ciblés sur trois familles de métiers jugées stratégiques par la direction générale : les cadres, les secrétaires, les contrôleurs de travaux voirie.

Chaque observatoire du département de la Moselle réunit des agents départementaux représentatifs du métier, des représentants de la DRH et des analystes emplois (deux personnes dédiées à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au sein de la DRH). L'objectif de ce groupe de travail est d'abord de définir, à partir des pratiques professionnelles des uns et des autres, un référentiel métier qui est décliné ensuite par fonction (par exemple pour les cadres : responsable de service, directeur de division...). C'est ensuite de repérer les facteurs d'évolution de cette activité professionnelle d'un point de vue organisationnel, technique, économique, juridique, etc. Ce qui doit permettre, enfin, de déterminer un référentiel attendu du métier, qui insiste sur les compétences amenées à se renforcer ou à se développer dans l'avenir.
Chaque observatoire de métier débouche au final sur un plan de formation de deux à trois ans, qui s'appuie en particulier sur les besoins en compétences identifiés dans le référentiel attendu du métier. "Ce travail en amont est important, souligne Nicolas Thill. Il a par exemple permis aux cadres de prendre conscience eux-mêmes de leurs difficultés en termes de management et donc de s'approprier plus facilement la formation que nous leur avons proposée à cet égard."

Conseil général de la Moselle

1 rue du Pont Moreau - BP 11096
57036 Metz cedex 01

Nicolas Thill

Chef du service de la gestion prévisionnelle des postes et des compétences

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