Recyclage des déchets : Citéo lance la contre-offensive

Lors d’une conférence de presse tenue ce 15 mai, l’éco-organisme lance un signal d’alarme : sans nouveaux leviers, les objectifs de recyclage des emballages ménagers ne seront pas tenus en 2030. Parmi les nouveaux outils proposés, figurent la mise en place sur tout le territoire d’une tarification incitative, un barème à la performance plus incitatif pour les collectivités ou encore… la consigne des bouteilles en plastique.

Après les associations d’élus (voir notre article du 19 avril), c’est au tour de Citéo de rendre publiques ses propositions en matière de recyclage des emballages ménagers et papiers graphiques pour être au rendez-vous de 2030. Car en dépit des sommes consacrées – "13 milliards d’euros d’éco-contributions versées par les metteurs sur le marché depuis 2012" – et des progrès réalisés ces 30 dernières années – 72% des emballages ménagers recyclés en 2021, 66% en retenant le nouveau mode de calcul de l’Union européenne, "soit 2,2 millions de tonnes éq. CO2 évitées en moyenne par an" –, Jean Hornain, son directeur général, souligne que le défi restant à relever pour "atteindre les objectifs déjà fixés par la loi" est considérable. Il entend donc apporter sa pierre à l’édifice, dans un exercice "nécessairement collectif". Et ce, d’abord "en essayant d’avoir une discussion un peu froide, en posant des chiffres et des faits", afin que les pouvoirs publics puissent "prendre des décisions éclairées". 

Carton, plastique, alu : le trio perdant

Ceux ayant trait à l’acier et au verre ne préoccupent guère l’éco-organisme, puisque les cibles sont déjà atteintes. En retenant la méthodologie de l’UE, 82% de l’acier est recyclé, pour un objectif de 70% en 2025 et de 80% en 2030, et 85% du verre l’est également (objectif de 70%, puis de 75%). En revanche, les cartons (66% de recyclés, pour des objectifs de 75%, puis 85%), les plastiques (23% de recyclés, objectifs de 50% puis 55%) et l’aluminium (34% de recyclé, objectifs de 50% puis 60%) restent loin du compte. Pis, l’organisme prédit qu’avec les outils actuels, les taux de recyclage culmineront en 2030 à 71% pour le carton, 32% pour le plastique et 50% pour l’aluminium. Pour Citéo, de nouveaux leviers sont donc indispensables, et doivent être activés "dans l’urgence". "On n’a plus le temps de ne pas décider", pointe Nicolas Furet, directeur de la performance chez Citéo.

Des propositions plus ou moins consensuelles…

Ces nouveaux leviers sont au nombre de six, plus ou moins irritants pour les collectivités – Jean Hornain précisant "qu’il y a beaucoup de choses que nous partageons avec elles". Feront sans doute consensus, puisque également préconisées peu ou prou par les collectivités, les propositions d’une "surpression médiatique sur les écogestes" – "Il faut éviter de connaître avec le geste de tri la même évolution qu’avec le vote", conjure Nicolas Furet –, d’une collecte des "grands cartons" par apport volontaire (qui devrait permettre selon Citéo de gagner 6 points sur leur taux de recyclage en 2030) ou même d’un barème à la performance plus incitatif pour les collectivités (+3 points attendus sur les cartons, +5 sur les plastiques). D’autant que, s’agissant de ce barème, Citéo tient un discours aimable, en précisant que sa refonte vise les seules collectivités "qui n’ont pas encore fait des déchets une priorité – on ne les en blâme pas compte tenu du nombre de priorités auxquelles elles sont confrontées – pour les aider à mettre le dossier en haut de la pile", dixit Nicolas Furet.
 
La volonté de Citéo de "mettre son nez dans les refus de tri", avec un surtri de ces derniers pour éviter le trop grand nombre "d’emballages et papiers recyclables qui sont encore envoyés en enfouissement ou en incinération" (+0,5 point attendu sur les cartons, +1 point sur les plastiques), sera peut-être plus difficile à faire passer, surtout ainsi formulée, même si la mesure ne concentrera pas outre-mesure l’attention des collectivités. Le déploiement de la tarification incitative sur l’ensemble du territoire en 2030 sera davantage débattu. Encore que. Conscient que cette mesure "extrêmement ambitieuse" est difficile à mettre en place, nécessitant "une forte volonté politique" et "beaucoup de pédagogie", Citéo plaide en effet pour que soient apportés "de la souplesse dans la réglementation" et une "meilleure prise en compte des enjeux sociaux". Ce qui n’est pas sans rejoindre le souhait des collectivités de voir le cadre juridique et administratif de cette tarification incitative "amélioré". Reste que "si elle doit se développer, elle n’est sûrement pas une solution pour améliorer les performances dans l’habitat collectif", souligne Nicolas Garnier, délégué général d’Amorce, interrogé par Localtis.

La consigne, ce casus belli…

Nul doute en revanche, la proposition d’instaurer une consigne sur les bouteilles PET (hors lait) et les canettes reste pour les collectivités un casus belli. Citéo estime qu’elle devrait permettre une hausse de 10 points du taux de collecte des plastiques et de 32 points de l’aluminium. Ce qui, avec les autres leviers existants et nouveaux, permettrait tout juste d’après l’éco-organisme d’atteindre l’objectif de 55% de plastiques recyclés en 2030. "La consigne des bouteilles plastiques existe dans plusieurs pays d’Europe. On connait ses performances, c’est un système éprouvé depuis de longues années", considère Jean Hornain. Il estime que grâce à elle "on pourrait atteindre un taux de collecte des bouteilles plastiques de 90% (objectif fixé pour 2030), voire plus", contre 60% aujourd’hui. Une précision qui paradoxalement ne manquera pas d’apporter de l’eau au moulin des collectivités, qui soulignent que le problème n’est pas tant celui de ces bouteilles, "l’un des déchets les mieux valorisés", que celui des autres plastiques (voir notre article précité), sur lesquels il faudrait concentrer les efforts.

… qui nécessitera des efforts

Car efforts il devra y avoir pour mettre en place cette consigne. Jean Hornain relève d’abord que celle-ci "suppose un maillage territorial important". Il estime qu’il faudra déployer "environ 25.000 machines de déconsignation et largement plus de 100.000 points de déconsignation sur le territoire". Ils seront financés "à 100% par les metteurs en marché", assure-t-il. Sauf répercussion sur les prix… Il concède que seraient également nécessaires "une incitation forte" – entendre un montant de consigne élevé – et "de la pédagogie". Cette dernière serait d’autant plus nécessaire si certaines bouteilles, comme celles de lait, devaient continuer à être déposées dans le bac jaune. Sans compter que l’on vient abondamment de communiquer sur le fait que, désormais, "tous les emballages plastiques" vont dans ce dernier... (voir notre article du 3 janvier).
Jean Hornain convient également que cette consigne "est une consigne de recyclage, et non de réemploi". Mais, défend-t-il, "du point de vue du consommateur, c’est identique". À ceci près, relèvent les collectivités, que collecter des bouteilles pour simplement les détruire et les recycler, c’est ce que permet déjà le dispositif actuel, et sans que le consommateur n’ait ni besoin d’avancer la consigne, ni de rapporter les bouteilles dans un point d’apport. Nicolas Garnier n’en démord donc pas : "La fausse consigne, c’est cher, incohérent et inefficace pour gérer globalement le problème des emballages plastiques et mobiliser les Français sur tous les emballages", et le fait de "la diluer dans un plan plus global n’y change rien".

Moins de recettes pour le bac jaune

Enfin, Jean Hornain admet que si la consigne devait voir le jour, le financement de la collecte et du traitement des déchets du bac jaune devrait alors se faire sans la contribution des metteurs au marché de bouteilles et canettes et sans les recettes générées par ce gisement. "De toute façon, les choses vont changer, quoi qu’il arrive. Il y aura moins de plastique à l’avenir", argue-t-il. Citéo prédit en effet que les plastiques réduiront de 20% en 2030 dans les bacs jaunes. Il est toutefois douteux que l’argument emporte la conviction des élus. D’autant que l’éco-organisme prévoit par ailleurs une augmentation de 14% du tonnage total collecté par le bac jaune en 2030. "Il faudra à terme que le bac jaune soit aussi tarifé pour inviter à la réduction", prévient d’ailleurs Nicolas Garnier. 
 

  • Des bouteilles et pot en verre standards pour favoriser le réemploi

À l’occasion du premier "ReUse Day" (journée de la réutilisation) organisée le 9 mai avec Citéo, la secrétaire d’État chargée de l’écologie, Bérangère Couillard, et les verriers français O-I et Verallia ont signé un partenariat pour lancer la fabrication des premiers emballages standards réemployables conçus par Citéo à destination de la grande consommation et du grand public.
La ministre a annoncé qu’un bonus d’écocontribution sera octroyé dès le 1er janvier prochain aux producteurs qui utiliseront ces emballages standards, chargeant les éco-organismes de "faire des propositions en ce sens d’ici fin juin".

 

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