Réemploi des véhicules : la proposition de loi en faveur des mobilités solidaires définitivement adoptée

Réemployer certains des véhicules destinés à être détruits dans le cadre de la prime à la conversion afin de les mettre à disposition des publics les plus précaires, tel est l’objet d’une proposition de loi définitivement adoptée ce 27 mars, après un vote conforme de l’Assemblée nationale. Sur la base du volontariat, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) seront au centre de ce dispositif destiné à conforter les services de mobilité solidaire, notamment de type associatifs (garages solidaires).

Après le Sénat le 13 décembre dernier, l’Assemblée nationale a adopté à son tour, ce 27 mars, la proposition de loi (PPL) écologiste visant à favoriser le réemploi des véhicules au service des mobilités durables et solidaires. Un consensus transpartisan s’est formé sur ce texte porté par l’ancien sénateur du Morbihan, Joël Labbé, Guillaume Gontard et plusieurs de leurs collègues, conduisant à un vote conforme et, à l’unanimité, des députés. L’objectif est de rendre plus effectif le droit à la mobilité, consacré par la LOM en 2019, notamment pour les personnes défavorisées, en partant d’une "idée, simple en apparence mais empreinte de bon sens" a souligné la rapporteure du texte, la députée écologiste Marie Pochon. 

La proposition consiste à "prendre deux problèmes pour en faire une solution", a-t-elle schématisé. D’un côté, bon nombre des véhicules mis à la casse dans le cadre de la prime à la conversion (PAC) en état de fonctionner - dont quelques 50.000 véhicules classés Crit’Air 3 mis au rebut chaque année - pourraient voir leur durée de vie rallongée, de l’autre, 13,3 millions de Français en situation de "précarité mobilité" rencontrent des obstacles dans leurs déplacements essentiels aux besoins quotidiens (éducation, formation, emploi, loisirs, accès aux soins, etc.), et particulièrement dans les territoires ruraux. Une proportion de 4,3 millions ne dispose d’ailleurs d'aucun équipement individuel de mobilité ou abonnement de transport collectif. "Puiser dans ce vivier de véhicules promis à la casse, en récupérant les moins polluants de ceux encore en état de rouler pour les mettre à disposition des garages solidaires constituerait une mesure d’intérêt général", a ainsi plaidé la rapporteure. 

Muscler des services de mobilité solidaire en difficulté

Car tout le paradoxe est là : les garages solidaires (au nombre de 150 environ) fonctionnent "difficilement", avec un modèle économique menacé par un tarissement des dons - du fait du déploiement de la PAC -, et des véhicules très anciens et polluants, "et chaque année nous envoyons au broyage des voitures souvent plus récentes, moins polluantes et en bon état de marche". Plus de 1 million de véhicules ont ainsi été détruits depuis le début de la PAC, dont 59% étaient classés Crit’Air 3, soit identiques ou mieux classés que 32% des voitures particulières du parc actuel. Ces véhicules "constituaient le gros des dons aux garages solidaires qui garantissaient la mobilité à ceux qui, sinon, y renoncent", a expliqué la rapporteure. Dans les territoires ruraux, ces structures de mobilité solidaire, le plus souvent associatives ou privées, parfois soutenues par les collectivités, et qui pâtissent par ailleurs d’un cadre juridique lacunaire, "ne sont donc plus en mesure de répondre à une demande croissante". Quant aux autres dispositifs, comme le leasing social (déjà épuisé pour 2024), ou le prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre en zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m), "ils ne permettent pas de répondre aux besoins urgents des plus défavorisés, notamment dans les zones rurales".

Les AOM à la manœuvre

L’article 1er constitue le cœur du dispositif de cette proposition de loi, qui comporte deux autres dispositions concernant la remise de rapports. Il introduit la possibilité pour les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) de se voir remettre, à titre gracieux, des véhicules voués à la destruction dans le cadre de la prime à la conversion, afin de mettre en place des services de location solidaire à prix modique. Le dispositif prévoit que cette faculté s’exerce par le biais d’une convention locale conclue, entre l’AOM concernée et volontaire, et sur la base du volontariat, des structures associatives, en particulier les garages solidaires, les concessionnaires automobiles, et le cas échéant les centres de traitement des véhicules hors d’usage (VHU) et les départements. Le texte indique également que les modalités d’action et de coordination encadrant les futurs services de mobilité solidaire mis en place soient inscrites dans le plan de mobilité élaboré par l’AOM. Elles pourront en outre être précisées par le plan d’action commun en matière de mobilité solidaire lequel intègre les organismes concourant au service public de l’emploi. En tant que services prescripteurs, les départements ainsi que France Travail auront un rôle essentiel pour identifier les potentiels bénéficiaires du dispositif, définir leurs besoins et les orienter vers les services de mobilité solidaire.

Nombreux garde-fous

Plusieurs garde-fous ont été introduits dans le dispositif (lors de l’examen du texte par le Sénat) pour trouver "un juste équilibre entre justice sociale et préservation de l’environnement". Concrètement, seront éligibles au dispositif de location solidaire les véhicules essence Crit’Air 3 et certains types de véhicules ayant fait l’objet d’une opération de rétrofit (transformation en véhicule hybride rechargeable ou dont la source d’énergie contient du GPL, ou en véhicule électrique à batterie ou à pile à combustible). Les véhicules diesel, sur lesquels se concentrent la majorité des bénéfices environnementaux de la PAC, en seront exclus. Une obligation d'inspection préalable certifiant la conformité du véhicule aux normes de sécurité avant leur remise à titre gracieux aux AOM est également prévue. La durée de réutilisation des véhicules sera limitée, de un à trois ans, avant de les retirer de la circulation à des fins de destruction. 

Les AOM seront en outre les uniques propriétaires des véhicules jusqu’à leur destruction, afin de s’assurer de la mise en œuvre effective du retrait de la circulation et de la parfaite traçabilité des véhicules réemployés. Pour ne pas alourdir les obligations des collectivités en matière de verdissement de leurs flottes, il est précisé explicitement que les véhicules remis aux AOM dans ce cadre ne seront pas décomptés comme faisant partie de leur parc. Le rapport d’évaluation du dispositif - dans un délai de trois ans à compter de la publication du décret d’application - représentera un "point d’étape important" pour évaluer la pertinence des critères d’éligibilité choisis et éventuellement envisager des modifications à apporter. 

Enfin, le texte propose, via un autre rapport, d'étudier des mesures pour permettre le développement du rétrofit au sein des garages solidaires et des associations de mobilité solidaire. Le député Modem Bruno Millienne aurait souhaité "pousser davantage la démarche" en y intégrant le principe d’un rétrofit obligatoire des véhicules avant leur mise en location pour éviter "une faute environnementale". Les amendements défendus en ce sens ont tous été rejetés. Le ministre délégué aux Transports, Patrice Vergriete, a soutenu ce texte, jugeant qu'il fallait "assurer l'accompagnement social qui est indispensable à la réussite" de la transition écologique, en tenant compte "des besoins et des contraintes particulières des Français les plus modestes et de ceux des territoires ruraux".