Réforme de la fiscalité locale : pour l'Afigese, "l'impasse budgétaire" guette les départements

Alors que le projet de loi de finances pour 2020 - dans lequel figurera la réforme de la fiscalité locale - sera présenté fin septembre en conseil des ministres, l'association des professionnels en charge des finances dans les collectivités territoriales, l'Afigese, s'alarme du risque d'"impasse budgétaire" que la substitution d'une fraction de TVA à la taxe foncière fait courir aux départements.
 

Option confirmée au mois de juin par le gouvernement, le remplacement des 14 milliards d'euros de la taxe foncière des départements – lesquels seront transférés aux communes – par une fraction de TVA, augmentera "la dépendance" des collectivités départementales à l'égard de "recettes volatiles", analysent des membres du groupe de travail "fiscalité et dotations" de l’Afigese dans une note publiée début août (document à télécharger ci-dessous).
Si la réforme est votée par le Parlement, les départements percevront à partir de 2021 une recette "sensible à la conjoncture économique", et ce à la place du produit d'un impôt local dont l'évolution est "prévisible", soulignent les experts. Le précédent de la récession de 2009 le prouve : au cours de cette année noire, les recettes de TVA de l'État s'étaient contractées de 5,4 %. Un résultat qui contrastait fort avec l'évolution largement positive des bases de l'imposition foncière perçue par les départements. Celle-ci constituait donc "un filet de sécurité" pour les départements. D'autant qu'elle était assortie - et l'est toujours - d'un pouvoir de taux.

Disparition du levier fiscal

Si les départements perdent cette taxe, ils ne disposeront d'aucun amortisseur en cas de conjoncture difficile, estime le groupe de travail de l'Afigese. Il s'en inquiète, car après la réforme, la part des recettes liées à la conjoncture économique grimperait à près de 58 % des recettes de fonctionnement totales des départements.
Cette analyse tranche naturellement avec celle du gouvernement. Auditionné le 17 juillet, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'Action et des Comptes publics affirmait que les départements "ont plutôt des raisons d'être rassurés". Il en veut pour preuve ces chiffres : sur la période 2014-2018, la moitié des départements ont eu un dynamisme de taxe sur le foncier bâti inférieur à celui de la TVA, tandis que l'autre moitié ont bénéficié d'un dynamisme de la taxe foncière "légèrement supérieur" à celui de la TVA. Sa collègue, la ministre en charge de la cohésion des territoires, ajoutait que la réforme sera favorable aux départements pauvres.
Le dossier de concertation sur la réforme précise de son côté que la TVA a augmenté en moyenne de 2,88 % par an entre 2014 et 2018, contre une croissance de 2,18 % par an, sur la même période, pour les seules bases de la taxe foncière départementale (donc sans la prise en compte de l'évolution des taux).

Sur 2005-2017, net avantage à la taxe foncière

Les spécialistes de l'Afigese ne nient pas que le produit de la TVA a connu ces dernières années une réelle expansion. Mais, si l'on choisit les années 2005-2017, comme l'a fait une société de consultants en finances locales dans une étude pour l'Assemblée des départements de France, citée par l'Afigese, les résultats sont bien différents. Au cours de cette longue période, la croissance de la TVA a été nettement plus faible que celle des bases de la taxe foncière des départements.
Le groupe de travail de l'Afigese en conclut qu'il est "urgent" de mesurer les effets d'un retournement économique sur les recettes des départements – en se fondant sur leur nouveau panier fiscal - et d'identifier les leviers à leur disposition pour faire face à un choc.
Avant l'Afigese, le sénateur (LREM) Alain Richard, auteur du rapport sur "la refonte de la fiscalité locale", avait, dès la fin de l'été 2018, tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences de la réforme envisagée par l'exécutif sur les finances départementales. Si on leur retire leur pouvoir de taux, "certains départements seront dans une espèce de dévitalisation financière", s'était-il alarmé lors d'un colloque (voir notre article du 18 septembre 2018).