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Réforme de l'autorité environnementale : un nouveau décret en consultation

Prié de revoir sa copie par le Conseil d’Etat, le gouvernement soumet à la consultation du public un projet de décret relatif à l’autorité environnementale des projets. Un feuilleton aux multiples rebondissements qui atteste de la difficulté pour l’Etat de définir une ligne claire permettant de garantir l’indépendance nécessaire à l’exercice de cette mission.  

Le ministère de la Transition écologique vient de mettre en consultation, jusqu'au 28 février prochain, un projet de décret relatif à l’autorité environnementale sur les études d’impact des projets. Une réforme rendue nécessaire par la décision du Conseil d’Etat du 6 décembre 2017 d’annuler une partie du décret n° 2016-519 du 28 avril 2016 y afférent. En cause, la double casquette du préfet : autorité identique pour autoriser un projet ou en assurer la maîtrise d'ouvrage et pour rendre un avis sur l'évaluation environnementale. Une première version du projet de décret corrigé avait été soumise à consultation en juillet 2018. Faute de cadre législatif permettant de distinguer deux autorités pour exercer les missions d'examen au cas par cas et d'évaluation de l'étude d'impact du porteur de projet, le processus n’avait pu aller à son terme. Cette nouvelle mouture prend désormais appui sur la loi n°2019-1147 relative à l’énergie et au climat, promulguée le 8 novembre dernier, qui confie explicitement ces missions à des autorités distinctes. 

Compétence des MRAe

Le projet de décret transfère aux missions régionales d’autorité environnementale (MRAe) la compétence pour rendre des avis sur les projets en lieu et place des préfets de région. Pour les décisions au cas par cas, il met en œuvre les dispositions de la loi n°2019-1147 et crée une nouvelle autorité chargée de les instruire et de les prendre, distincte de l’autorité environnementale qui en était auparavant chargée. Le décret redéfinit les champs respectifs de compétence du ministre et de l’autorité environnementale pour l’instruction des décisions au cas par cas. Il confie dans les autres cas aux préfets de région - et non aux MRAe - la compétence pour délivrer les décisions de cas par cas. L’organisation mise en place en 2016 pour les plans et les programmes, mais appliquée sur simple instruction ministérielle aux projets depuis la décision du Conseil d’Etat est ainsi confirmée de façon formelle. Elle conduit à la dissociation au niveau régional entre la compétence de l’autorité environnementale (avis) et celle chargée de l’examen au cas par cas (décision). Une seule modification est apportée concernant les avis et les décisions (prises après un examen au cas par cas) relatifs aux plans et programmes. Le texte introduit, à l’image du dispositif applicable aux projets, la possibilité pour le ministre en charge de l’environnement d’évoquer certains dossiers relatifs à des plans ou programmes relevant normalement de la compétence des MRAe. 

Risque de conflits d’intérêt

La question est toutefois loin d’être réglée. Consultée sur le projet de texte, l'Ae tacle un dispositif d’une "extrême complexité" tant pour le public que pour les maîtres d’ouvrage et les autorités décisionnaires, "en dépit de l’objectif de simplification initialement affiché". Dans un avis rendu public, ce 5 février, l’instance déplore en outre le silence du projet de décret sur les situations de conflits d’intérêt. Un dispositif pourtant prescrit par la loi n°2019-1147 de façon à garantir sa conformité avec le principe d’objectivité  encadré par les directives européennes, que le décret aurait eu vocation "à définir et préciser, pour en sécuriser l’instruction, ainsi que les futurs avis et décisions", estime l’Ae.
Selon le texte, "ne peut être désignée comme autorité en charge de l'examen au cas par cas ou comme autorité environnementale une autorité dont les services ou les établissements publics relevant de sa tutelle sont chargés de l'élaboration du projet ou assurent sa maîtrise d’ouvrage". Une prévention des conflits d’intérêt, à l’initiative des préfets chargés de l’examen au cas par cas, ceux-ci pouvant alors confier certains dossiers aux MRAe. Comme c’est le cas pour les avis depuis 2009, le ministre pourra également se saisir de dossiers de décisions de niveau local et confier l’examen de certains dossiers à l’Ae.
La compétence de l’Ae est d'ailleurs confirmée pour les dossiers qui concernent SNCF Réseau. Mais "d’autres situations de même nature risquent d’être retenues dans certains contentieux", alerte l’Ae. La question d’une délimitation de ce périmètre "englobant l’ensemble des structures dans la gouvernance desquelles le ministre chargé de l’environnement ou ses représentants sont impliqués, en particulier, en qualité de commissaire du gouvernement, de membre de conseils d’administration ou de conseils de surveillance, voire d’autres structures", devrait, selon elle, être posée. D'autant plus qu’à ce stade, "les évolutions éventuelles du décret relatif au Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), qui définit l’organisation des différentes autorités environnementales qui lui sont rattachées (Ae, MRAe) et la façon dont leur autonomie réelle et l’autorité fonctionnelle des MRAe sur les agents des services régionaux de l’environnement seront garanties, ne sont pas présentées, alors même que ces dispositions constituent (…) le principal élément de démonstration de l’absence de conflit d’intérêt pour les avis et décisions qu’elles prennent". 

 

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