Refus d'obtempérer : des actes moins nombreux mais plus graves

Environ 27.500 refus d'obtempérer sur les routes ont lieu chaque année en France. Un nombre en diminution depuis 2021 mais les actes commis sont plus graves. Un refus d'obtempérer sur cinq est dit "aggravé", mettant en danger d'autres personnes. Neuf départements sont plus particulièrement concernés par le phénomène.

Avec un nombre moyen de 27.500 par an, les refus d'obtempérer ont plutôt eu tendance à diminuer entre 2016 et 2023, baissant de 5% sur la période, selon une note du service statistique du ministère de l'Intérieur (SSMSI). Après avoir augmenté de 12% entre 2016 et 2021, ils ont diminué de 15% par la suite. Seulement les actes commis sont de plus en plus graves. La part des refus d'obtempérer "aggravés" (exposant d'autres personnes à un risque de mort ou d'infirmité) a en effet augmenté de 5 points, passant de 16 à 21%. "Près d’un refus d’obtempérer routier sur cinq est un délit aggravé qui, dans neuf cas sur dix, met en danger d’autres usagers de la route", souligne la note. En outre, sur les 4.900 refus d’obtempérer aggravés enregistrés en 2023, 90% mettent en danger des usagers de la route et 10% des agents de la police ou de la gendarmerie. 75% des auteurs sont âgés de 15 à 29 ans et 18% sont âgés de 30 à 44 ans. Et il s'agit à 97% d'hommes. 87% d'entre eux sont de nationalité française et 8% sont des ressortissants de pays africains, est-il encore précisé. 

Neuf départements plus touchés

Le refus d’obtempérer ne sont pas plus marqués dans les grandes agglomérations que dans les plus petites villes et sont répartis sur "tout le territoire". On relèvera cependant que la part est plus de deux fois moindre dans les communes hors unité urbaine (en moyenne 2 pour 10.000) qu'ailleurs. De plus, certains départements sont bien plus exposés. Neuf départements enregistrent plus de 4,9 refus d'obtempérer pour 10.000 habitants par an en moyenne : la Martinique (7,4) et la Guadeloupe (7,2) arrivent en tête, suivies de la Seine-Saint-Denis (6,4), le Vaucluse (6), la Guyane (5,9), les Pyrénées-Orientales, l'Eure (5,3), la Corse-du-Sud (5) et les Bouches-du-Rhône (4,9). À l'inverse, 37 départements enregistrent moins de 3,4 refus d'obtempérer pour 10.000 habitants. Il se situent essentiellement dans le centre de la France, dans le quart nord-ouest ou le sud-ouest.

Les refus d'obtempérer (et les consignes données aux forces de l'ordre pour éviter les accidents) expliquent les difficultés des pouvoirs publics à lutter contre le phénomène de rodéos urbains. La loi Responsabilité pénale et sécurité intérieure du 24 janvier 2022 était venue à cet égard doubler les peines prévues dans ces situations (voir notre article du 25 janvier 2022). Une nouvelle tentative d'aggraver les peines prévues dans la Lopmi de 2023 avait été finalement censurée par le Conseil constitutionnel (voir notre article du 23 janvier 2023). Quelques mois plus tard, le garde des Sceaux avait adressé une circulaire aux parquets pour les appeler à la fermeté (voir notre article du 25 juillet 2023).

Mission d'information

La mort du jeune Nahel à l'été 2023 tué par un policier après un refus d'obtempérer avait enclenché une vague d'émeutes sans précédent dans le pays. Cette affaire avait relancé le débat sur les conditions d'utilisation des armes par les forces de l'ordre lors des contrôles routiers. Depuis la loi Sécurité publique du 28 février 2017, ces conditions – jusqu'ici cantonnées aux stricts cas de légitime défense – ont été assouplies. Policiers et gendarmes sont désormais autorisés à faire usage de leur arme "en cas d'absolue nécessité et de manière strictement proportionnée", notamment "lorsque des atteintes à la vie ou à l'intégrité physique sont portées contre eux ou contre autrui ou lorsque des personnes armées menacent leur vie ou leur intégrité physique ou celles d'autrui" (article L.435-1 du code de la sécurité intérieure). En octobre 2023, la commission des lois de l'Assemblée a installé une mission d'information pour évaluer "la hausse des refus d’obtempérer, le phénomène en lui-même, mais aussi la loi de 2017 sur les conditions d’usage de l’arme et les ouvertures de feu". Dans un rapport publié quelques jours plus tôt, l'IGPN avait comptabilisé 13 décès suite à des tirs de policiers ou gendarmes en 2022 contre 2 l'année précédente.