Violences contre les élus, refus d’obtempérer, rodéos : la Lopmi partiellement censurée

Le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions de la Lopmi renforçant la répression contre les violences envers les élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains, considérant ces mesures comme des "cavaliers législatifs". Il a en revanche validé l'extension des amendes forfaitaires délictuelles à 41 délits et les nouveaux pouvoirs du préfet de département en cas d'événements graves.

Sur le fil : le Conseil constitutionnel a rendu sa décision sur la loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure, le 19 janvier, soit le dernier jour du délai dont il disposait. Il était saisi par des députés du groupe LFI sur 18 des 29 dispositions contenues par le texte lors de son adoption définitive. Il n’en a censuré que quatre, soit totalement, soit partiellement. Pour Gérald Darmanin, c’est un motif de satisfaction. Cette décision "permet au ministère de l'Intérieur et des Outre-Mer d'engager résolument la mise en œuvre intégrale de la Lopmi et notamment du plan de transformation du ministère pour les cinq années à venir", a commenté le ministère, dans un communiqué du 20 janvier.

Le texte prévoit notamment la création de 8.500 postes de policiers et gendarmes d'ici 2027 et de 200 nouvelles brigades de gendarmerie. Il n’était pas taillé pour les collectivités, ce dont le ministre s’était à plusieurs reprises justifié (voir notre article du 21 septembre 2021), et il le sera encore moins après le coup de ciseau du Conseil. Les Sages ont en effet considéré comme des "cavaliers législatifs" - c’est-à-dire des dispositions trop éloignées du texte initial – des mesures ajoutées par les sénateurs. En particulier celles qui figuraient à l’article 15 (ex-article 7) prévoyant l’aggravation de la réponse pénale en matière de violences faites aux élus, de refus d’obtempérer et de rodéos urbains. Ces dispositions ne présentaient aucun lien, même indirect "avec celles de l’article 7 du projet de loi initial qui aggravait la répression de l’outrage sexiste", ni "avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi" initial, considère le Conseil constitutionnel, dans un communiqué. Ce qui ne préjuge en rien de leur avenir car "cette censure ne prive évidemment pas le législateur de la possibilité d’adopter un tel article dans un autre texte".

A été également considéré comme cavalier législatif l’article 26 (ex-14 bis), ajouté à l’initiative du Sénat, qui supprimait "l'exigence de réitération ou de formalisation des menaces de mort" exposant son auteur à une peine de trois ans d’emprisonnement et à 45.000 euros d’amende.

Validation de l'extension des amendes forfaitaires délictuelles 

Par ailleurs, le Conseil constitutionnel a censuré partiellement l’article 18 créant la fonction d’assistant d’enquête dans la police et dans la gendarmerie nationales. Il valide l’essentiel des fonctions attribuées à ces assistants d’enquête, parce qu’elles se limitent à l’accomplissement de "tâches matérielles exécutées à la demande expresse d’officiers ou d’agents de police judiciaire" (convocation d’un témoin ou d’une victime pour audition, notification de leurs droits aux victimes, information des proches, réquisition d’un médecin, information de l’avocat…). Mais il s’oppose à ce que ces mêmes assistants puissent procéder "aux transcriptions des enregistrements issus d’interceptions de correspondances ou de techniques spéciales d’enquête nécessaires à la manifestation de la vérité". De la même manière, le Conseil a partiellement censurée l'enquête sous pseudonyme dans le domaine des infractions commises par voie électronique. Le fait de dispenser les acquisitions ou transmissions de contenus de l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction "privait de garanties légales le droit à un procès équitable".

En revanche, les Sages ont validé l’extension des amendes forfaitaires délictuelles à 41 délits (article 25, anciennement 14), comme le port d'arme de catégorie D, les rodéos motorisés, l'outrage sexiste aggravé, l'entrave à la circulation, le fait de quitter un restaurant ou un hôtel sans payer… Les requérants reprochaient à ces dispositions de méconnaître les principes d’individualisation des peines et d’égalité devant la loi. Ce que n’a pas retenu le Conseil.

Les juges ont aussi validé les nouvelles compétences conférées au préfet de département en cas d'événements graves pour la sécurité, l’ordre ou la santé publics, la préservation de l’environnement, l’approvisionnement en biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population (article 27).