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Rennes métropole tire un bilan mitigé pour son service public de la donnée

Rennes métropole vient de publier le bilan de la préfiguration d’un "service public métropolitain de la donnée" (SPMD) pour partager et valoriser les données d’intérêt territorial. Si le nombre de données effectivement libérées est très limité, l’expérience montre que le partage des données est une question au moins aussi technique que culturelle. Un bilan sans concession qui intéressera tous les territoires intelligents engagés dans une stratégie de gouvernance de la donnée.

Le projet de service public métropolitain de la donnée (SPMD) est né en 2016 et s’inscrit dans la continuité de la politique rennaise d’ouverture des données, initiée dès 2009. Son objectif initial était d’organiser le partage des données territoriales qu’elles soient publiques, privées, associatives voire individuelles et concurrentielles à partir du moment où ces données profitent à l’intérêt général. Amorcé grâce au PIA de 2017 via l’appel à projets "développement de l’open data", il acquiert une dimension internationale en 2019 avec la plateforme de partage de données locales "Rudi" financée par l’Europe. Le SPMD a fait l’objet d’un bilan d’étape publié mi-janvier 2021.

Le SPMD à l’épreuve des silos

Si les grands principes du SPMD sont rapidement édictés – garantie d’accès à des données de qualité, sécurité et robustesse des infrastructures, respect de la vie privée… - la métropole se rend aussi compte de l’immensité du sujet. Elle choisit alors de limiter son champ d’investigation à quatre domaines : énergie, eau, mobilité, données sociographiques. Des groupes de travail sont organisés avec les acteurs concernés qu’ils soient producteurs de données ou de potentiels utilisateurs. Le bilan de ces chantiers thématiques se révèle plus que mitigé : le projet s’est rapidement heurté aux réalités des silos informatiques, aux coûts de mise à disposition et à la sensibilité de nombreuses données. Pour l’eau, le rapport relève "des données dans des systèmes complexes" qui doivent être "restructurées" avec des "traitements plus ou moins manuels" et des coûts importants à la clef. Dans le secteur de l’énergie, les contraintes techniques se doublent de celles du RGPD qui confèrent aux acteurs privés des "marges limitées".

Recentrage sur des cas d’usage

Le bilan pour la mobilité est encore plus modeste : la concurrence entre les différents modes de déplacement, la grande hétérogénéité des acteurs (taille, moyens) rendent difficile le partage des données. Le partage de données sociodémographiques (logement, CCAS, emploi, CAF…) se heurte enfin aux craintes de profilage d’individus fragiles. "Trop large", "trop de cas d’usage", "trop d’acteurs", l’approche thématique est abandonnée en 2018 au bénéfice de l’exploration de cas d’usages ciblés. On citera la transparence des algorithmes pour l’allocation des places de crèches, la création d’un tableau de bord sur le suivi de la végétalisation urbaine, l’analyse des flux de mobilité à l’échelle d’un campus ou encore la modélisation des consommations énergétiques de bâtiments.  Au total, si le catalogage des données territoriales a légèrement progressé, peu de jeux de données sont ouverts de manière pérenne. Le nombre de jeux ouverts n’est du reste pas mentionné, le rapport se contentant de mentionner 2,03 Go de données partagées. Une misère.

Le rôle pivot du SPMD conforté

Néanmoins, le bilan du SPMD est loin d’être négatif. Comme le note le cabinet Chronos, qui a accompagné la métropole "l’expérimentation doit être jugée non seulement au prisme des cas d’usages développés, du volume et de la diversité des données échangées, mais aussi à l’aune des résultats acquis en termes de sensibilisation d’acteurs, de création de relations de confiance et d’adhésion à des cadres et à des perspectives de coopération". Pas moins de 143 réunions et quatre rencontres ont en effet été organisées en deux ans permettant de "faire exister le sujet du partage de la donnée". L’équipe chargée d’animer le SPMD a elle-même été confortée dans son rôle pivot au sein de l’écosystème territorial de la donnée. A la fois expert, facilitateur, financeur, il a contribué à cataloguer les données, à résoudre des questions juridiques et à animer le réseau des acteurs. Le SPMD apporte aussi sa contribution à la définition des données d’intérêt territorial. Elles comportent les données de référence (bases géographiques, bâtiments…), les données utiles au service public (DSP, consommations énergétiques, trafic, fréquentation…) et les données du territoire. C’est sans doute sur ce dernier cercle – où on pourra retrouver les données des Gafa comme celles d’entreprises locales – que ce projet est le plus déceptif, aucun acteur majeur n’ayant rejoint la démarche.

Rudi s’ouvrira aux données personnelles

Pour dépasser les obstacles identifiés par cette phase de "préfiguration", le rapport fait un certain nombre de préconisations. Il invite à "imaginer de nouveaux modèles économiques autour du partage de la donnée". Et pour rassurer les plus réticents, il propose "un cadrage plus précis des conditions d’échanges et d’usages des données numériques entre les différents partenaires". Un cadre de confiance nécessaire autant pour les entreprises concurrentielles que pour le partage de données personnelles. A court terme le SPMD entend surtout faciliter les modalités techniques de partage et l’échange des données territoriales, qu’elles soient publiques, privées ou collectées à des fins de recherche. C’est l’objet du projet Rudi (Rennes Urban Data Interface) financé pour trois ans par l’Europe, au cœur de la "saison 2" du SPMD. Sa particularité est de viser le partage de données d’organisations – 11 partenaires locaux sont associés - mais aussi de citoyens à qui il promet de "reprendre le pouvoir sur leurs données". Vaste programme.