Rénovation énergétique des bâtiments : l'engagement doit être massif et collectif, plaide un nouveau rapport

La mission d’information sur la rénovation énergétique des bâtiments a remis son rapport à l’Assemblée nationale ce 4 octobre. Près d’une cinquantaine de propositions ont été émises dans une logique de rénovation globale et performante synonyme de sobriété, ayant vocation à "changer de braquet" sur le reste à charge, par l'accompagnement des ménages, la hausse des aides publiques et la création d’une banque dédiée. 

La mission d’information de l’Assemblée nationale sur la rénovation énergétique des bâtiments copilotée par Jean-Louis Bricout (Aisne-Liot), à sa présidence, et avec pour co-rapporteures Marjolaine Meynier-Millefert (Isère-Renaissance) et Julie Laernoes (Loire-Atlantique-Ecologiste), a remis ses travaux ce 4 octobre devant les commissions des affaires économiques et du développement durable (voir la vidéo). Certaines des 47 propositions que contient le rapport pour accélérer ce que chacun s’accorde à qualifier de "chantier du siècle" pourraient alimenter le prochain projet de loi de finances ou s’inscrire dans la future loi de programmation Energie-Climat également attendue d’ici la fin de l’année.

Quatrième secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre, le bâtiment est un levier essentiel pour attendre la neutralité carbone en 2050. Les objectifs de rénovation énergétique des bâtiments constituent donc un impératif climatique, et au-delà social et sanitaire, relève Julie Laernoes, qui appelle à "changer de paradigme" en donnant la priorité à l'isolation des logements et à une baisse de la consommation d’énergie - et donc de la facture énergétique -, en évitant l’écueil passé du tout électrique.

"95% du parc des logements devra être rénové d’ici 2050", martèle-t-elle, tout en insistant sur trois principes cardinaux : "la baisse des émissions, la réduction de la précarité énergétique et l’amélioration de la qualité de vie des habitants". On dénombre en effet environ 7,2 millions de passoires énergétiques en France. L’objectif de porter au plus vite une part majoritaire du parc au niveau BBC-rénovation avec des logements étiquetés A ou B est ici réaffirmé. Il est en outre proposé d'évaluer les "processus décisionnels" dans les copropriétés et d'imposer des travaux de rénovation aux plus énergivores (classées F et G), sous réserve de financements adaptés.

Les co-rapporteures n’entretiennent pas le flou :  il est hors de question de revenir sur le calendrier d’interdiction de location des passoires énergétiques prévu par la loi Climat et Résilience. Il s’agit avec ce rapport "de se doter des moyens collectifs nécessaires pour atteindre ces objectifs". Un travail qui s’inscrit dans le panel d’initiatives parlementaires sur le sujet et fait d’ailleurs écho aux propositions d'un précédent rapport coordonné par le député Vincent Descoeur. 

Plus de rénovations globales

Avec près de 700.000 logements rénovés en 2022, la grande majorité grâce à MaPrimeRénov’, il y aurait de quoi se féliciter. Or, la plupart de ces rénovations demeurent des opérations "mono-gestes" pour remplacer le système de chauffage, par exemple. En 2022, seulement 65.939 rénovations globales ont ainsi été réalisées (soit environ 10% des rénovations). Le dispositif MaPrimeRénov’ vient d’ailleurs d’être corrigé pour encourager des rénovations plus efficaces.

Pour les rapporteures, la consolidation des dispositifs d’accompagnement des ménages est à cet égard décisive pour pousser la logique d’une approche globale et performante. L’entrée en piste des opérateurs de "Mon accompagnateur Rénov’" est donc particulièrement attendue et suscite toutefois une certaine perplexité sur les effectifs. Faut-il prévoir "un itinéraire bis"?, s'interroge la mission.

Le rapport met également en relief l’importance d’une clarification de l’organisation des dispositifs d’information et d’accompagnement des ménages "pour garantir le caractère neutre, gratuit et indépendant des conseils dispensés", et ce dès lors que le recours à ces services constitue une condition pour bénéficier des aides publiques. Au centre du dispositif, "Mon accompagnateur Rénov’" doit aussi susciter "un engagement collectif" en particulier en créant "une dynamique avec les collectivités territoriales", insiste Jean-Louis Bricout. "L’engagement des territoires est primordial", selon lui, "en impulsant des rénovations par quartier permettant d’envisager des solutions pertinentes, comme les réseaux de chaleur, en favorisant l’adhésion collective aux enjeux, en déployant des solutions de standardisation des processus". 

Renforcer l’investissement public…

L’étape d’après est celle du bouclage financier, avec un reste à charge concernant la rénovation globale, qui peut être compris entre 12.000 et 29.000 euros pour les ménages très modestes. Le rapport préconise en conséquence un relèvement "très substantiel et rapide des dépenses publiques en faveur de la rénovation énergétique". L'Etat devrait ainsi augmenter de 14 milliards d'euros d’ici 2030 ses dépenses annuelles en la matière et fixer des modalités simplifiées de distribution de l'éco-prêt à taux zéro (PTZ), aujourd'hui sous-utilisé, en y associant des objectifs chiffrés.

Une autre mesure propose, afin de muscler la capacité d’autofinancement de la rénovation dans le parc social, un montant budgétaire supplémentaire de 1,5 milliard d’euros par an en direction des bailleurs sociaux. "Pour renforcer l’effort de la puissance publique dans un cadre ordonné et favoriser l’affermissement d’un véritable secteur de la rénovation énergétique des bâtiments", le rapport recommande "d’inscrire l’action des collectivités publiques mais aussi les anticipations des entreprises et des ménages dans un cadre pluriannuel au vu des chantiers engagés". Il propose ainsi d’établir une loi de programmation relative à la rénovation des bâtiments, un peu sur le modèle des lois programmation militaire, de la recherche ou de lois d’orientation du ministère de la Justice. 

… et privé dans la rénovation

Parmi les propositions innovantes figure la création d’une banque de la rénovation énergétique (BRE), dont le capital associerait des établissements  bancaires, des sociétés de financement, de tiers-financement et des collectivités publiques "pour traiter des situations qui impliquent un partage de risques et une ingénierie spécifique". Cette banque spécialisée aurait vocation à pré-financer, centraliser les aides financières de provenance et de nature différentes, et permettre une meilleure promotion des outils financiers à disposition des porteurs de projets, et notamment l’éco PTZ, les prêts collectifs etc.

Dans les outils à promouvoir pour massifier la rénovation énergétique, le rapport propose la création d’une "avance remboursable" à la mutation du bien (vente ou succession), une proposition en réalité déjà formulée par Jean-Louis Bricout et Boris Vallaud, et déposée sur le bureau de l’Assemblée en 2019. 

Mieux structurer l’offre de rénovation

L’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments se heurte à deux autres écueils. Celui du faible nombre d’entreprises en capacité de répondre aux besoins inhérents à ce chantier colossal, notamment en termes de qualification "RGE globale". Et celui d’un nombre significatif de malfaçons et fraudes en tout genre qui ne peuvent qu’éroder la confiance et décourager les ménages.

Le rapport préconise entre autres des mesures afin d’assurer la pertinence des contrôles portant sur les travaux réalisés ainsi que les garanties qui doivent entourer la certification professionnelle. La co-rapporteure Marjolaine Meynier-Millefert a en outre fait écho aux "doutes" entachant le nouveau DPE. Ainsi, "s’il a été refondu dans ses méthodologies de calcul, les résultats obtenus apparaissent encore largement tributaires des diligences accomplies par les diagnostiqueurs". Là encore, il s’agit "d'une filière à renforcer", pointe le rapport.