Reprise de Vencorex : "Pas de sel chinois dans les missiles français", assure son PDG

"Le groupe chinois Wanhua repreneur des actifs de Vencorex via sa filiale hongroise BorsodChem ne reprend pas la mine de sel", a martelé Jean-Luc Béal, président-directeur général de Vencorex France, le 25 avril lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à lever les freins à l’industrialisation. "Il reprend l’ensemble des actifs incorporels (le savoir-faire) mais pas les actifs de production de sel." La question de la souveraineté ne se pose donc pas selon lui, contrairement aux griefs qui lui sont faits – ainsi qu’à l’Etat - par de nombreux élus nationaux et locaux.

"Vous nous confirmez bien qu’il n’y a aucun passage de la maîtrise du processus industriel de traitement de sel sous contrôle chinois ?" L’heure et demie d’audition de Jean-Luc Béal, président-directeur général de Vencorex France, le 25 avril 2025, par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale visant à lever les freins à l’industrialisation, a beaucoup tourné autour des enjeux de souveraineté. Soucieux de démontrer que le "procès en trahison fait à Jean-Luc Béal" à propos de la reprise de Vencorex par le groupe chinois Wanhua est infondé, le président de la commission d’enquête Charles Rodwell est revenu à plusieurs reprises sur l’éventuel problème de souveraineté que pose le passage sous pavillon étranger d’une entreprise qui produit du sel et du chlore destinés au nucléaire civil et à la défense mais, également, des activités qui n’ont pas de caractère de souveraineté, en lien avec les peintures industrielles.

"Le sel utilisé pour un usage stratégique représente un peu plus de 1% du volume de production et moins de 0,1% du chiffre d’affaires de Vencorex. A ce titre, on ne peut pas considérer cette activité comme stratégique", selon son président. D’autre part, la saumure issue d’une mine située à Hauterives dans le Nord-Drôme est la propriété de Chloralp qui ne fait pas partie du périmètre de Vencorex France. "En aucun cas, le repreneur des actifs de Vencorex [le groupe chinois Wanhua] ne reprend la mine", a martelé Jean-Luc Béal. "Il reprend l’ensemble des actifs incorporels (le savoir-faire) mais pas les actifs de production de sel."

"Un redressement judiciaire classique" 

"Il n’y aura donc pas de sel chinois dans les missiles français qui assurent notamment la sécurité de la France ?", a insisté Charles Rodwell. "La société BorsodChem [la filiale hongroise de Wanhia à laquelle le tribunal de commerce de Lyon a attribué la reprise partielle de Vencorex] ne reprend que l’activité dérivée isocyanate de Vencorex France", lui a répondu Jean-Luc Béal. La mine de sel ne revient donc pas à la filiale du groupe chinois. De son côté, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a déclaré le 13 avril sur France 3 qu’il avait trouvé "avec le ministère des Armées des solutions pour permettre à nos filières stratégiques de trouver des sources alternatives pour se fournir en sel et en chlore".

En réponse à l’interrogation du président de la mission sur le choix d’un repreneur chinois, le dirigeant de Vencorex a indiqué avoir "suivi strictement les procédures d’un redressement judiciaire classique". "Cinquante sociétés ou fonds d’investissement ont été consultés. Une quinzaine s’est montrée intéressée et a engagé des discussions avec nous et les services de l’Etat. Au final, nous n’avons eu qu’une seule offre, celle de BorsodChem. Tous les candidats qui se sont présentés, y compris les salariés qui ont proposé leur propre projet, ont eu accès aux mêmes informations". Deux salariés associés à un entrepreneur local avaient en effet présenté une offre de reprise sous forme de société coopérative d’intérêt collectif (Scic). Cette offre qui avait la faveur des collectivités territoriales, car elle prévoyait de conserver la quasi-totalité des effectifs de Vencorex, a été recalée par le tribunal faute de plan de financement abouti.

"A date, 44 collaborateurs ont choisi de rester chez BorsodChem sur les 470 salariés employés par Vencorex France. Les autres salariés quittent l’entreprise par étapes depuis une semaine environ dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi", a détaillé Jean-Luc Béal.

L’avenir de la filière chimie en Isère

S’agissant de l’avenir de la plateforme chimique de Pont-de-Claix au sud de Grenoble sur laquelle est implantée Vencorex avec d’autres sociétés toujours actives aujourd’hui, "elle pourra continuer à tourner dans un cadre protégé par le plan de prévention des risques technologiques (PPRT)", a précisé Jean-Luc Béal. "Certaines zones de la plateforme seront réutilisables assez rapidement mais d’autres devront être démantelées avant cela. L’objectif de la revitalisation du site consiste à trouver à la fois son modèle économique et les sociétés intéressées. Celles-ci existent, mais il faut que le terrain soit préparé pour pouvoir les recevoir et cela demandera un certain temps."

La chute de Vencorex fait craindre un effet domino sur le territoire où les acteurs de la filière chimie sont interdépendants (clients et fournisseurs). La plateforme chimique de Pont-de-Claix mais également celle de Jarrie, toutes les deux situées au sud de l’agglomération grenobloise comptent à elles seules plus d’un millier d’emplois directs et plusieurs milliers d’emplois indirects. Ce qui explique la forte mobilisation des collectivités et des parlementaires locaux, même si le repreneur chinois de Vencorex s'est engagé à investir 19 millions d'euros sur le site d'ici 2027. 

"C'est un jour sombre, un jour noir pour notre territoire. C'est une injustice profonde qui prédomine pour moi et pour beaucoup. (...) Le couperet est tombé et nous assistons à la fermeture d'une plateforme chimique dont l'histoire remonte à 120 ans", avait déploré le 10 avril, jour de la décision d’attribution du tribunal de commerce, le président de la Métropole de Grenoble Christophe Ferrari (divers gauche), l'un des soutiens politiques du projet de Scic. L’élu, par ailleurs maire de Pont-de-Claix avait dénoncé la "capitulation" de l'Etat dans ce dossier.

 

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