Commande publique - Réserves, garantie et décompte général : les travaux doivent rester à la charge du titulaire
Dans un arrêt du 12 octobre 2018, le Conseil d’État a tranché une affaire relative au lien entre garantie et décompte général. L’occasion de revenir sur l’articulation entre l’unité du décompte général et l’acquisition de la garantie par le maître d’ouvrage.
Dans le cadre des travaux d'aménagement de la ZAC des Rougeaux à Montereau-Fault-Yonne, la communauté de communes du pays de Montereau avait confié à un groupement d’entreprises la réalisation du lot n° 1. La société Routes et Chantiers modernes (RCM) était le mandataire de ce groupement d’entreprises. Les travaux ont été réceptionnés avec réserves et la collectivité a donc demandé à Fortis Banque, garant à première demande de la société RCM, de couvrir le montant des travaux nécessaires à la levée des réserves à hauteur de 138.606 euros. La banque a procédé au paiement de cette somme mais la collectivité n’a pas inscrit ce montant dans le décompte général.
La société a donc saisi le tribunal administratif (TA) de Melun qui a condamné la communauté de communes à lui verser la somme correspondant à cette garantie de première demande. La cour administrative d’appel (CAA) de Paris ayant confirmé ce jugement, la collectivité a saisi le Conseil d’État d’un pourvoi en cassation.
La haute juridiction administrative a annulé l’arrêt de la CAA. Cette dernière avait en effet considéré à tort que la somme en litige pouvait être réclamée par la société puisque la collectivité ne l’avait pas inscrit dans le décompte général.
Le Conseil d’État a tout d’abord rappelé que le décompte général devait reprendre l’ensemble des opérations réalisées lors de l’exécution du marché, aucun élément ne pouvant être isolé. Le mécanisme de la garantie à première demande institue quant à lui "une obligation autonome, qui incombe à un tiers à l'égard du marché". Dès lors, "pour concilier cette obligation autonome avec la règle de l'unité du décompte", les parties doivent normalement faire figurer au décompte "au débit du titulaire, le montant correspondant aux réserves non levées et, au crédit de celui-ci, le montant versé par le garant pour son compte".
Toutefois, en jugeant que cette absence de mention dans le décompte permettait à la société de réclamer cette somme à la collectivité, la CAA a commis une erreur de droit. Pour rappel, l’article 122 du décret Marchés Publics prévoit que "la retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves à la réception des travaux, fournitures ou services ainsi que celles formulées pendant le délai de garantie". Le raisonnement de la CAA revenait donc à mettre ces travaux à la charge de la collectivité.
Le Conseil d’État a annulé le jugement d’appel, ce dernier faisant obstacle à ce que les travaux nécessaires à la levée des réserves soient mis à la charge du titulaire. L’affaire a été renvoyée devant la CAA.
Référence : CE, 12 octobre 2018, n° 409515