Education - Retard scolaire en 6e : le voisinage influe de manière significative
Dans sa publication Insee Première de septembre 2014, l'Institut national de la statistique et des études économiques se penche sur la corrélation entre le retard scolaire (1) d'au moins un an observé chez 12,3% des 795.000 enfants qui ont fait leur rentrée en 6e en septembre 2011 et les caractéristiques socio-économiques de ces élèves, ainsi que sur l'influence du voisinage sur ces résultats. L'Insee a ainsi analysé le taux de retard selon les caractéristiques croisées de l'élève (sexe, nationalité, boursier ou non, catégorie sociale des parents, habitant en zone urbaine sensible ou non...) et de son voisinage.
Précarité économique et retard scolaire : une évidente corrélation
Les données existantes révélées d'étude en étude se confirment "toutes choses égales par ailleurs" comme le rappelle l'Insee. A savoir que les garçons sont plus souvent en retard que les filles (13,6% contre 11%), que les élèves de nationalités étrangères accusent davantage de retard à l'entrée dans le secondaire (32,4% des élèves pour 11,8% de nationalité française), que le retard est davantage visible, quasiment du simple au double, entre les élèves des ZUS et les hors ZUS (21,7% d'élèves en retard en 6e, pour 11,6%), tout en soulignant la prépondérance du milieu socio-économique de l'enfant, qui plus il est élevé plus le risque de retard est moindre (près de 7 fois plus de retard dans les milieux très défavorisés que dans les très favorisés). L'Insee reconnaît ainsi qu'au niveau des communes (où au sein même des villes des disparités importantes varient entre les établissements), "la forte association spatiale entre retard scolaire et précarité économique et sociale de la population apparaît clairement".
Le revenu médian par unité de consommation / RMUC (2) détermine le lien entre le parcours scolaire et le milieu social de l'élève (les communes qui ont les plus forts taux d'élèves en retard sont le plus souvent celles où le revenu médian est le plus bas). Pour rappel, le RMUC est également l'indicateur retenu pour tracer les nouveaux quartiers prioritaires de la politique de la ville (voir notre article "Parution du décret définissant la méthodologie pour tracer les quartiers prioritaires" du 7 juillet 2014).
Au-delà de son propre milieu social, l'influence de celui du voisinage
Au-delà des capacités et du milieu de l'élève, l'étude relève l'importance du voisinage comme facteur d'influence sur le retard scolaire. "La composition sociale du voisinage, fortement corrélée avec le revenu, est liée de manière significative au taux de retard scolaire." Il y a donc une influence du milieu social de l'élève sur le facteur réussite mais également une importance du milieu social des enfants avec lesquels il est scolarisé, sur sa propre réussite scolaire.
L'étude cite ainsi que pour un élève d'origine sociale très favorisée la présence d'élèves de la même catégorie sociale est un facteur limitant le retard scolaire : 6% des élèves de cette catégorie accusent un retard en 6e quand il y a moins de 11,5% d'élèves de même catégorie sociale. Mais ce retard passe à 2,6% quand il y a plus de 33,5% d'élèves de même catégorie. Idem pour l'élève de milieu social défavorisé. "L'augmentation de la part d'élèves de la même catégorie sociale dans le voisinage va de pair avec une augmentation sensible du taux de retard passant de 17% lorsque cette catégorie représente moins de 20,8% des élèves dans le voisinage à 24,1% lorsqu'elle dépasse 47%". La thèse du mélange des "genres" pour amoindrir l'échec scolaire tendrait ainsi à se vérifier.
Disparités importantes entre académies
Le fichier des élèves du secondaire de la Depp (direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'Education nationale), et le fichier des revenus fiscaux localisés, tous deux utilisés par l'Insee comme sources pour cette étude, révèlent également la forte relation entre le taux de retard dans les académies et la structure sociale de celles-ci. Si l'on se réfère à une étude sur les unités de consommation de l'Insee de 2012, les zones d’emploi dont les revenus sont les plus faibles sont majoritairement situées dans les DOM, ou dans des espaces peu denses mais aussi dans le Nord-Pas-de-Calais et les Ardennes.
Comme pour illustrer ces chiffres, la publication de septembre 2014 informe que l'académie de Lille a le taux le plus important de retard en 6e (avec 14,8% des élèves concernés), que les académies de l'Ouest, Grenoble et Strasbourg tirent leur épingle du jeu, et que la région parisienne s'illustre par de grandes disparités. En effet, si Paris et Versailles ont des taux de retard peu élevés (9,4% et 10%), l'académie de Créteil avec un taux de 14% est à la peine. Pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, le taux moyen est de 18% de retard, mais la Guyane connaît une situation assez dramatique avec un tiers de ces élèves concernés par un retard à l'entrée en 6e pour 15% pour les trois autres DOM.
Sandrine Toussaint
(1) Les élèves en retard en 6e sont ceux qui ont 12 ans ou plus au 1er janvier de l'année scolaire considére.
(2) En France métropolitaine, le revenu fiscal médian par unité de consommation (1 UC pour le premier adulte du ménage ; 0,5 UC pour les autres personnes de 14 ans ou plus ; 0,3 UC pour les enfants de moins de 14 ans est de 18.355 euros en 2009) (sources Insee).