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Culture - Réutilisation commerciale des archives : les collectivités avancent prudemment

L'ordonnance du 6 juin 2005 transposant la directive 2003/98/CE du 17 novembre 2003 relative à la réutilisation des informations du secteur public a donné la possibilité aux Etats membres de créer un marché de la réutilisation des informations publiques, tout en excluant de ce marché les établissements culturels (dont les services d'archives publics). L'article L.213-1 du Code du patrimoine - modifié par la loi du 15 juillet 2008 relative aux archives - prévoit néanmoins que l'accès aux archives publiques "s'exerce dans les conditions définies pour les documents administratifs à l'article 4 de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d'amélioration des relations entre l'administration et le public et diverses dispositions d'ordre administratif, social et fiscal". Conformément à ce texte, cet accès s'exerce, au choix du demandeur et dans la limite des possibilités techniques de l'administration, par consultation gratuite sur place (sauf si la préservation du document ne le permet pas), par la délivrance d'une copie aux frais du demandeur (sous réserve que la reproduction ne nuise pas à la conservation du document) ou par courrier électronique et sans frais lorsque le document est disponible sous forme électronique. Face à cette situation juridique complexe, Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice de Paris, souhaite savoir, dans une question écrite, quelle est exactement la situation en la matière.

Dans sa réponse, le ministre de la Culture et de la Communication confirme que "la réutilisation des informations publiques soulève de délicates questions d'ordre juridique, économique et éthique". L'article 11 de la loi du 17 juillet 1978 prévoit en effet un régime dérogatoire pour les services d'archives publics, qui peuvent ainsi fixer des conditions spécifiques de réutilisation. La difficulté vient de ce qu'"aucun texte ne précise dans quelle mesure et dans quelles limites ces conditions spécifiques peuvent déroger au droit commun de la réutilisation et à d'autres règles de droit applicables à ce domaine, notamment la protection des données personnelles, le droit de la concurrence et le principe d'égalité". En dépit de ce vide juridique, les services d'archives publics se dotent progressivement de licences encadrant leur relation avec les réutilisateurs (voir encadré ci-dessous), qu'il s'agisse de particuliers, d'associations ou de sociétés commerciales. Ces licences fixent à la fois les conditions et les limites de la réutilisation et les redevances susceptibles d'être demandées. Si les Archives de France ont diffusé une note d'orientation en vue d'"harmoniser les pratiques" - tout en respectant le principe de la libre administration des collectivités territoriales -, la question de la redevance continue de faire débat. Sans donner pour autant d'indication précise, le ministère de la Culture estime, pour sa part, que "le prix de la réutilisation doit refléter la part déterminante que le service public a prise pour rendre possible, par les opérations de microfilmage et de numérisation des documents qu'il a financées, le développement d'une activité économique fondée sur la réutilisation de ceux-ci".

A cette difficulté économique, s'en ajoute une autre, cette fois-ci d'ordre éthique. En effet, "de nombreux élus de toute tendance et acteurs de la société civile, notamment l'Association des archivistes français, se sont émus de la constitution par certaines sociétés engagées dans le marché de la réutilisation de bases de données nominatives indexant les documents d'archives réutilisés et interrogeables par toute personne sur internet". Dans ces conditions - et en attendant une éventuelle intervention du législateur -, le ministère, "sans refuser le principe d'une réutilisation commerciale des documents d'archives publiques, a recommandé aux services d'archives publics la plus grande prudence vis-à-vis des demandes dont ils sont saisis, notamment lorsque des données personnelles sont en jeu, et incite ces services à se doter de licences sécurisant toutes les formes de réutilisation".

 

Jean-Noël Escudié / PCA

 

Référence : question écrite de Nicole Borvo Cohen-Seat, sénatrice de Paris, et réponse du ministre de la Culture et de la Communication (Journal officiel du Sénat du 26 août 2010).

 

Les archives du Bas-Rhin se mettent à la licence

Le département du Bas-Rhin est l'un des premiers départements à mettre en place un système de licences pour l'utilisation de ses archives. Il s'inscrit ainsi directement dans la ligne prônée par la réponse du ministre de la Culture. Ces "licences de réutilisation" - entrées en vigueur en juillet 2010 - sont pour la plupart gratuites et sans formalités et correspondent alors à une mise en sécurité juridique : l'internaute s'engage, par un simple clic effectué directement sur le site des archives départementales, à ne pas diffuser les documents téléchargés. D'autres licences, portant sur la diffusion publique non-commerciale d'images sur internet, sont également gratuites, mais soumises à une procédure plus formalisée reposant sur un accord explicite du département. Enfin, la réutilisation d'images dans un but commercial est soumise à des licences payantes. Le site des archives départementales et le règlement général sur la réutilisation des licences publiques, adopté par le conseil général du Bas-Rhin le 21 juin 2010, fournissent toutes les informations utiles sur le dispositif (voir les liens ci-contre). Cette mise en place des licences de réutilisation s'inscrit dans une politique de modernisation et d'ouverture des archives départementales du Bas-Rhin, qui s'est notamment traduite par la mise en ligne gratuite de l’état civil numérisé en juillet 2010 et se poursuivra par la refonte compète du site internet, prévue pour 2011.

 

 

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