Risque de pénurie d'eau : la Loire-Atlantique à la pointe des mesures préventives.

En Loire-Atlantique, le déficit pluviométrique de l'hiver menace sérieusement l'approvisionnement estival en eau potable de trois zones du département. Pour sécuriser la ressource, ces secteurs font l'objet de plusieurs actions préventives, dont un stockage d'eau plutôt original.

Déplacer 400.000 m3 d'eau potable au printemps, les stocker dans un étang et, cet été, retraiter l'eau pour la distribuer au fur et à mesure dans le secteur très touristique de Pornic, voilà un exemple des actions réalisées par le syndicat départemental d'alimentation en eau potable de Loire-Atlantique (Sdaep 44).
Avec 50% de déficit pluviométrique, trois zones sont menacées. "Pour deux d'entre elles, les nappes sont très basses, pour l'autre, c'est la première année que l'on n'arrive pas à remplir les retenues !", s'exclame Laurent Cadéron, directeur du Sdaep 44. Le syndicat, créé dans les années 60, regroupe désormais la quasi-totalité des 170 communes rurales du département en associant 13 syndicats intercommunaux.
"En matière d'eau potable, les investissements sont très coûteux et les solutions longues à mettre en place. Il faut donc être très réactif et agir en amont du problème. Les actions menées aujourd'hui ne porteront peut-être leurs fruits qu'en septembre ou octobre", souligne le directeur.
"En Loire-Atlantique, la Loire et la Vilaine fournissent des quantités d'eau abondantes. De plus, les ressources destinées à l'eau potable sont clairement différenciées de celles pour l'irrigation. Ainsi, contrairement à d'autres départements, peu de conflits d'usages sont à déplorer. Les problèmes sont donc très localisés", précise Paul Ferrand, responsable du pôle eau à la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (Ddaf).

Forage, station mobile de traitement et charbon actif

Pour le Sdaep, le secteur le plus critique est celui de Guémené Penfao. Il souffre d'un très bas niveau de la nappe alluviale sur laquelle pompe l'usine de traitement de Massérac (250 m3/h), et possède de surcroît peu d'interconnexions avec d'autres réseaux. "7.000 personnes sont menacées", précise Paul Ferrand.
Alors, pour économiser la nappe, de l'eau est importée de Redon (40 m3/h). Mais cette solution n'est pas suffisante et la recherche active d'une autre ressource, en cours depuis l'été dernier, vient d'aboutir. Le forage sera opérationnel courant juillet. Le montant de l'opération (forage et conduite de raccordement) devrait se monter à environ 170.000 euros H.T. Le Sdaep envisage aussi de louer, si nécessaire, une station mobile de traitement (200.000 euros) qui pourra traiter l'eau de la Vilaine et fournir jusqu'à 100 m3/h. L'appel d'offres pour la location est prêt à être lancé.
A Nort-sur-Erdre, autre zone menacée, la sécheresse souligne le problème de dégradation de la ressource (nitrates, pesticides) des eaux de nappe. Ainsi, l'une des deux usines d'approvisionnement du secteur ne fonctionne plus qu'à la moitié de sa capacité. En plus d'actions de reconquête de la qualité de l'eau (périmètres de protection, engagement des agriculteurs, etc.), le syndicat installe une station de traitement à charbon actif en grain. Ce système, essentiellement destiné à éliminer les pesticides, sera opérationnel en juillet, pour un investissement d'environ 980.000 euros.

Stockage d'eau rendue potable dans un étang

L'opération la plus spectaculaire est sans conteste le stockage d'eau mené dans le secteur de Pornic. En dehors de la période estivale, la zone est approvisionnée sans problème par l'usine de Basse-Goulaine. Celle-ci pompe sur la nappe alluviale de la Loire, et de grosses conduites mènent jusqu'à 17.000 m3/jour sur le secteur. Pour augmenter les capacités durant le pic de consommation de l'été, l'usine plus proche de Saint-Michel Chef Chef fournit 500 m3/h supplémentaires.
"Cette année, au 15 mars, il manquait 400.000 m3 dans les retenues qui alimentent l'usine de Saint-Michel. Nous avons donc décidé de remplir préventivement l'une d'elles par de l'eau potable en provenance de l'usine de Basse-Goulaine. Nous n'avions pas d'autre solution disponible à court terme", explique Laurent Cadéron.
90.000 m3 ont ainsi été détournés en mars vers l'étang des Gatineaux, 100.000 m3 en avril, et le processus continue. Le remplissage ne peut se faire qu'avant l'été et progressivement. C'est la première fois que le syndicat effectue ce type d'opération, qui s'élève à environ 50 centimes du m3 (coût du traitement de l'eau), soit environ 200.000 euros.
Cette solution est uniquement une "roue de secours" pour le syndicat qui travaille à sécuriser à long terme le secteur. La zone côtière connaît une augmentation croissante de ses besoins liée à l'accroissement de la population. Quel que soit le projet retenu, il nécessitera au moins 20 millions d'euros d'investissements.

Emmanuelle Lesquel, Victoires Editions.

"La péréquation des coûts garantit une solidarité entre tous les adhérents"

Laurent Cadéron est directeur du syndicat départemental d'alimentation en eau potable de Loire-Atlantique (Sdaep 44). Il encadre les différentes mesures prises par le syndicat pour pallier le manque de précipitations de l'hiver.

Aujourd'hui, l'approvisionnement en eau est-il garanti sur les secteurs menacés ?

Les pluies du mois d'avril ont été bénéfiques et vont peut-être permettre de gagner un peu de temps. Mais les précipitations qui tombent en cette saison concourent peu à alimenter la ressource. Elles sont essentiellement utilisées par la végétation. De plus, sur certains endroits comme Pornic, il a très peu plu ! Il faudra donc tenir jusqu'en octobre avec les réserves dont nous disposons. Heureusement, toutes les mesures prises sur les trois secteurs, et notamment le stockage d'eau préventif, devraient permettre de faire la jonction. Il ne faut pas pour autant négliger les investissements à long terme qui, eux seuls, permettront de résoudre durablement les situations. Le type d'investissement retenu pour les prochaines années devrait être choisi avant l'été.

Menez-vous aussi des actions de réduction des consommations ?

Tous les ans, nous envoyons des recommandations sur le bon usage de l'eau avec les factures. Cependant, de nombreuses études montrent que ces courriers ne sont pas lus. Des mesures de restriction d'usage peuvent aussi être prises par la préfecture (espaces verts, piscines...) mais elles ont généralement un impact limité. Le niveau de consommation est en effet déjà relativement faible du fait du prix élevé de l'eau lié à la faible présence de ressources souterraines. De plus, sur le département, il n'existe pas de réelles compétitions entre l'eau potable et l'agriculture. Une conférence de presse signalant le déficit hydrologique a cependant été organisée. Le préfet et le pôle de l'eau ont attiré la vigilance des élus et des particuliers sur les économies d'eau, en particulier dans les secteurs menacés. Par ailleurs, notre réseau est en bon état puisque seulement 1,5 m3 de pertes par jour et par km de canalisation est à déplorer. 12 millions d'euros par an sont investis sur ce poste !

Quel est l'intérêt de regrouper les différents syndicats des eaux sous l'égide d'un seul ?

En cas de pénurie de la ressource, le premier intérêt de ce regroupement de 170 communes, c'est la solidarité territoriale. Sur notre syndicat, il y a péréquation des coûts, ce qui garantit une solidarité entre tous les adhérents. Par exemple, le secteur de Guémené Penfao, le plus menacé aujourd'hui, aurait eu du mal à faire face aux investissements. Sécuriser seul son approvisionnement aurait conduit à une augmentation de 15% du coût pour les usagers. Alors qu'elle ne sera que de 0,5% et répartie sur l'ensemble des communes adhérentes. Le groupement permet aussi d'avoir une vision des problèmes à une échelle intéressante. Il est plus facile de gérer la ressource quand on connaît exactement la situation des différentes nappes et retenues. Il est alors possible d'évaluer objectivement les besoins et de faire jouer la coopération. Au niveau du "pôle eau" mis en place par les services de l'Etat, le fait d'avoir moins d'interlocuteurs simplifie aussi les prises de décisions.

Face au déficit pluviométrique, les départements s'organisent

Dans chaque département, on surveille de près les ressources. En cas de déficit pluviométrique, les différents responsables de l'approvisionnement en eau potable deviennent particulièrement vigilants et organisent les approvisionnements en fonction des ressources.

Les Pays-de-la-Loire, la région Paca, le Poitou-Charentes, le bassin de la Garonne ou encore le Languedoc ont souffert cet hiver de faibles précipitations. Dans les départements touchés, le niveau de l'eau est surveillé de près. C'est souvent au sein de "pôles eau" regroupant les services de l'Etat (préfet, Ddaf...) que se prennent les décisions de restrictions des usages. Ces pôles associent généralement les autres acteurs de l'eau à leurs prises de décisions.
Aujourd'hui, le Poitou-Charentes est le plus touché par les restrictions d'usages. Ses quatre départements font l'objet d'au moins un arrêté préfectoral (voir ci-contre "Aller plus loin sur le web"). Belle-Ile-en-Mer, dans le Morbihan, connaît aussi une situation difficile. Les usages sont déjà restreints et l'île se prépare à être ravitaillée cet été par bateaux.
En plus des mesures de restrictions, émises par le préfet, des actions pour augmenter les ressources s'organisent. Pour beaucoup de collectivités, il s'agit essentiellement de répartir au mieux les approvisionnements. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable de Gâtine (Deux-Sèvres) puise désormais de l'eau en Vendée pour permettre aux autres syndicats de bénéficier de plus de volumes provenant du Cébron. Dans le massif des Maures, pour préserver la ressource locale, on utilise au maximum l'eau en provenance du canal de Provence, pourtant d'un coût supérieur. En Vendée, on remplit artificiellement un barrage grâce à un pompage installé en 2003 en urgence sur une rivière.
Face au retour régulier d'années sèches (1976, 1989, 1990-1991, 2003, 2005), des actions d'envergure doivent également être menées. "Pour augmenter durablement notre ressource en eau, 45 millions vont être investis sur 5 ans", précise Eric Miesch, directeur adjoint de Vendée Eau, syndicat regroupant plus de 94% des communes du département.

Une mosaïque de situations conditionne les stratégies mises en place cet été

En ce qui concerne l'approvisionnement en eau potable, la France présente des situations géographiques, historiques ou politiques très différentes. Ces paramètres ont un rôle prépondérant sur les stratégies mises en place pour assurer cet été l'approvisionnement en eau.

Les solutions choisies par les départements pour compenser les déficits pluviométriques de l'hiver (restriction des usages, stockage d'eau, multiplication des approvisionnements...) dépendent de plusieurs paramètres.
Le type de ressources disponibles (nappes phréatiques, barrages, rivières...) et leurs répartitions sont souvent l'élément clé. Un département peut souffrir de disparités géographiques dans la répartition des ressources, comme c'est le cas en Vendée, dans le Morbihan ou en Loire-Atlantique. Entre alors en ligne de compte le niveau d'interconnexion des réseaux. Dans ces départements, les kilomètres de réseaux créés pour acheminer l'eau forment un maillage dense. "Les faiblesses d'hier font notre force aujourd'hui", souligne Paul Ferrand (Ddaf 44). De plus, ces trois départements présentent un regroupement important de leurs structures de distribution de l'eau, ce qui contribue à une meilleure répartition des ressources. Ailleurs, comme dans les Deux-Sèvres, il existe peu d'interconnexions et les structures restent très morcelées. Parfois apparaissent même des situations conflictuelles. "C'est un peu Manon des Sources ici", plaisante un fonctionnaire de la région Paca.
Le type d'utilisateurs concerné va aussi grandement influencer les solutions à adopter. S'il y a compétition entre eau potable et irrigation, comme c'est le cas dans la Vienne ou dans les Deux-Sèvres, la solution sera de restreindre l'irrigation au profit de l'eau potable. "L'irrigation consomme deux fois plus que l'eau potable. S'il le faut, le préfet prendra les mesures qui s'imposent", souligne Ernest Colin, directeur du syndicat des eaux de la Vienne (Siveer). La saisonnalité de la demande est également un point dont vont dépendre les actions à mener. Dans le massif des Maures, qui connaît 30% de déficit pluviométrique et attend une population multipliée par cinq en été, il est prévu une communication pour sensibiliser les touristes à la pénurie d'eau.

Aller plus loin sur le web :
 
Présentation des usages de l'eau en Loire-Atlantique (ressources, conflits, situation hydrologique, syndicats...).
http://www.loire-atlantique.pref.gouv.fr

 en eau_potableetirrigation_44.pdf
 
La situation de la restriction des usages de l'eau dans les Deux-Sèvres.
http://www.deux-sevres.pref.gouv.fr/
 
Présentation du syndicat des eaux de la Vienne (Siveer).
http://www.siveer.cg86.fr
 
Présentation de Vendée Eau, syndicat de distribution d'eau potable qui regroupe la majorité des communes de Vendée.
http://www.vendee-eau.fr
 
Données nationales de situation hydrologique au 8 avril sur le site du ministère de l'Ecologie (situation générale, restrictions d'usages, précipitations...).
http://www.rnde.tm.fr/francais/sy/bsh/bsh0405/homebsh.htm
 
La carte des arrêtés de restriction au 27 avril sur le site du ministère de l'Ecologie.
http://www.ecologie.gouv.fr/rubrique.php3?id_rubrique=741
 
Le guide méthodologique des mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l'eau en période de sécheresse (mars 2005).
http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/GuideMesuresRestrictions.pdf
 
Pour en savoir plus sur la limitation de l'irrigation en France (instruments juridiques, économiques...).
http://www.ecologie.gouv.fr/IMG/pdf/F15irrig.pdf

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