Pouvoirs locaux - Risques juridiques : la fragilité des petites communes
Sérénité et vigilance. Ces maîtres-mots doivent caractériser l'attitude du maire en matière de sécurité juridique, à en croire le garde des Sceaux, Pascal Clément. Une injonction bienveillante que le ministre de la Justice a adressé mercredi 23 novembre à des élus plutôt préoccupés par un risque juridique selon eux croissant. Pour lui, la clarté de la loi, notamment pénale, est la réponse. "Il y a beaucoup moins de raisons aujourd'hui de s'émouvoir de la responsabilisation du maire" vis-à-vis des infractions d'imprudence, a en particulier argumenté Pascal Clément. Rappelant à cet égard que "les choses s'étaient arrangées depuis la loi Fauchon", qui en 2000 a "redéfini les contours de la responsabilité pénale pour les infractions involontaires". Depuis, également, deux arrêts de la Cour de cassation qui ont abouti en 2002 à la relaxe de maires respectivement prévenus d'homicide et de blessures involontaires. "Seule l'existence d'une faute grave et caractérisée justifiera la condamnation, si les diligences normales n'ont pas été accomplies, si la situation de danger était patente, évidente, connue" de l'élu. Le garde des Sceaux s'est par ailleurs déclaré confiant dans l'efficacité de "l'interaction entre les élus et la Justice", en référence à la loi du 9 mars 2004 qui renforce le cadre juridique de l'échange de l'information entre la Justice, les forces de l'ordre et le maire. "La tradition des chiens de faïence n'existe plus, nous l'avons brisée."
Un constat d'impuissance ?
Mais tout de même : 60% des maires et 44% des présidents d'EPCI interrogés dans la perspective de ce débat estiment "irréaliste" dans leur pratique la formule "Nul n'est censé ignorer la loi". Et les mêmes, à 56% et 46%, considèrent le risque juridique comme une entrave à l'action. Bernard Bellec, président du conseil de surveillance de la mutuelle-assurance SMACL, rappelle que "Seulement 0,25% des élus locaux sont aujourd'hui impliqués dans une procédure de type pénal, et parmi ceux-ci, 70% administrent des communes de moins de 2.000 habitants." Livrant comme un écho finalement peu réconfortant aux propos de nombreux congressistes : sans juriste ou conseil dédié, les petites communes et intercos sont plus vulnérables. Surtout, le risque pénal est la composante certes majeure, mais pas la seule, de l'instabilité juridique ressentie par les élus. A la tribune, les intervenants suggèrent de solliciter associations départementales d'élus, chambres régionales des comptes, services de l'Etat, invoquent l'assouplissement du contrôle de légalité, rappellent la simplification du droit en cours. Dans la salle, les participants renvoient à l'inverse leur perception de contentieux en croissance exponentielle. Du litige lié à l'urbanisme jusqu'aux recours administratifs de stagiaires non titularisés, sans omettre un mastodonte de complexité, les marchés publics. Et certains admettent qu'ils opèrent vraisemblablement parfois à l'extrême lisière de la loi, au profit du bon sens.
Laurence Peltier