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Environnement - Sécheresse : "La crise est bien là" et implique de délicats arbitrages au niveau local

Le comité Sécheresse réuni ce 16 mai a dressé le bilan des derniers mois marqués par un fort déficit pluviométrique. D'ici sa prochaine réunion en juin, des mesures vont être prises pour affronter ce que la ministre de l'Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, n'a pas hésité à qualifier de crise. Ces mesures sont reprises dans une circulaire sur le point d'être transmise aux préfets, où sont clarifiées des règles en vigueur depuis la sécheresse de 2003. "Le dernier week-end a représenté un tournant et renforcé mon sentiment que la crise est bien là. Tous les indicateurs concourent à dire qu'on se trouve à la mi-mai dans une situation généralement constatée en juillet. Vont s'ensuivre certains dérèglements", a indiqué la ministre, qui craint de voir monter les tensions et renvois de responsabilités au niveau local.
D'une quinzaine d'arrêtés de limitation ou de suspension des usages de l'eau il y a dix jours, on est passé à près d'une trentaine actuellement. Un outil de cartographie sera disponible en juin pour mieux comprendre à quelles zones précises s'appliquent ces arrêtés dans chaque département. "La situation est inquiétante. On fait face à une sécheresse printanière assez exceptionnelle, avec aucune amélioration en vue car aucune pluie significative n'est prévue dans les 15 jours à venir", a ajouté Michèle Blanchard de Météo France. Même son de cloche au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), où l'on observe que plus des deux tiers des réservoirs affichent un niveau inférieur à la normale, avec une tendance pour ce mois-ci encore à la baisse.
Associé aux fortes chaleurs, le phénomène impacte les sols, précocement secs dans l'ouest du pays, plus particulièrement en Poitou-Charentes et Midi-Pyrénées. Les sols des départements de la Loire-Atlantique en région Pays-de-la-Loire et de la Marne en région Champagne-Ardenne sont affectés. Mais étonnamment, alors que le premier semble en avoir pris la mesure en limitant certains usages de l'eau par arrêté de niveau 2, aucun arrêté n'a été pris dans le second. Est-ce parce que l'agriculture est un sujet plus particulièrement sensible en Champagne-Ardenne ? "L'irrigation est bien sûr un levier sur lequel on peut agir mais n'associons pas systématiquement sécheresse et agriculture", a tenu à tempérer la ministre.
Pour améliorer la situation, elle n'exclut pas de prochaines mesures sectorielles et attire l'attention sur le secteur du tourisme. En effet, en plein pic saisonnier dans des régions touristiques, plusieurs barrages seront loin d'atteindre leur niveau habituel. En ville, l'une des pistes à préciser pour prévenir la pénurie d'eau est la réduction des fuites sur les réseaux d'eau potable. Un objectif inscrit dans le Grenelle 2 mais délicat à atteindre puisqu'il se joue au cas par cas, réseau par réseau. Pour engager une action cohérente dans ce domaine, à travers un programme pluriannuel d'amélioration des réseaux, un décret d'application est attendu cet été. Il intéressera d'autant plus les collectivités et leurs délégataires que les objectifs qu'il prévoit de fixer seront modulés selon que les territoires ont plus ou moins besoin d'eau. Une telle différenciation va forcément nécessiter de délicats arbitrages.
Côté agricole, la ministre ne cache qu'elle juge "peu satisfaisante" la gestion des autorisations de prélèvement pour les besoins de l'irrigation. A ses yeux, celles-ci sont prises un peu à la légère. "Puis une fois tout le monde dans l'impasse, le réflexe est de recourir à un plan sécheresse. C'est parfois à ce point absurde qu'en pleine année humide, on observe que des arrêtés de restriction d'usages sont quand même pris", a-t-elle pointé. Pour trouver une voie de sortie, elle mise sur l'expertise collective et la gestion partagée entre acteurs locaux et agricoles.
Problème : les organismes uniques de gestion collective des prélèvements agricoles par bassins versants, tels qu'ils sont prévus par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques (Lema), peinent à voir le jour. Fin 2010, la démarche n'avait même pas été engagée dans certains bassins. "Il faut mieux fixer et répartir en amont les volumes préventifs en eau afin de ne plus traiter le problème quand il est trop tard", martèle pourtant la ministre, qui a du pain sur la planche pour faire avancer le dossier.
Enfin, elle a indiqué que le suivi a été renforcé dans les centrales nucléaires, dont le bon fonctionnement dépend des approvisionnements en eau, et expliqué que si l'apport en eau s'avérait trop faible dans l'une d'elles, le dispositif est conçu de telle manière que le réacteur s'arrêterait.