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Secteur associatif : mieux identifier les risques de blanchiment et de financement du terrorisme

Au terme de trois ans de travaux, le Colb a publié son "analyse nationale des risques" visant à promouvoir une meilleure compréhension des risques de blanchiment et de financement du terrorisme. Un guide qui peut s’avérer utile pour les collectivités, principalement concernées via les subventions qu’elles versent au secteur associatif.

Afin d’aider les différentes parties prenantes à mieux identifier et évaluer les risques de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, le Conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (Colb) vient de publier une "analyse nationale des risques", au terme de travaux conduits depuis 2016. Si les collectivités ne sont pas assujetties à l’obligation de vigilance prévue par l’article L. 561-2 du code monétaire et financier, leur implication dans cette lutte est évidemment nécessaire, au même titre que "la pleine mobilisation du secteur privé".

Blanchiment : gare à la corruption des décideurs publics

En matière de blanchiment, les collectivités ne sont guère concernées (directement du moins) par les trois menaces criminelles majeures identifiées par le Colb, à savoir les fraudes fiscales, sociales et douanières, le trafic de stupéfiants ainsi que les escroqueries et vols. Elles le sont en revanche davantage par la corruption et les atteintes à la probité qui, avec le trafic d’êtres humains, représentent des sources de revenus illicites susceptibles d’être blanchis en France ou par l’intermédiaire du système français "de moindre volume financier mais à fort impact social". 
En matière d’atteintes à la probité, l’étude relève que "les personnes acceptant des pots-de-vin en France, également susceptibles de tenter de blanchir le produit de la corruption en France ou par l’intermédiaire de banques françaises, sont principalement des décideurs publics et, dans une moindre mesure, des salariés du secteur privé". Le secteur associatif constitue un vecteur potentiel. Parmi les critères devant alerter l’attention, le Colb retient le fait que l’association entretienne un lien avec des collectivités, relaye l’action sociale de ces dernières ou soit dirigée par des responsables locaux, mais aussi qu’une part importante de son budget soit composée de subventions publiques ou de dons d’entreprises susceptibles d’être attributaires de marchés publics ou en relations contractuelles avec une entité du secteur public ayant les mêmes dirigeants que l’association. Sont également des signaux d’alerte un budget disproportionné par rapport à l’objet de l’association, des dépenses sans rapport avec ce dernier ou encore des pratiques incohérentes ou injustifiées (retraits d’espèces, virement et chèques vers des personnes physiques sans justification, etc.).

Financement du terrorisme : risque modéré avec la plupart des associations…

C’est en matière de financement du terrorisme que les risques sont sans doute les plus élevés pour les collectivités, via l’utilisation du secteur associatif, qui constitue avec les réseaux de collecteurs de fonds et le recours à des modes de financement innovants l’un des principaux vecteurs de collecte de ressources de l’État Islamique en France (tous relevant du micro-financement). 
"La très grande majorité des acteurs du secteur associatif ne présente pas un caractère attractif", rassure toutefois le Colb, qui considère en outre que "les associations non déclarées ne représentent pas de vulnérabilités particulières puisqu’elles ne peuvent ni recevoir de fonds [publics du moins, ndlr], ni disposer de la capacité juridique". Les associations déclarées sont, elles, jugées d’autant plus vulnérables qu’elles bénéficient de subventions publiques, qui augmentent leur capacité d’intervention. Le Colb estime cependant que les "vulnérabilités intrinsèques" élevées du secteur associatif (absence de vérification de la capacité de gérer du trésorier ou du président, absence d’obligation de publication annuelle d’éléments comptables si la structure n’est pas déclarée d’utilité publique ou en dessous d’un certain montant de subventions, etc.) ont été récemment fortement réduites par diverses mesures : précision, y compris par défaut, du "bénéficiaire effectif", nécessité d’une immatriculation au Sirene pour recevoir des subventions publiques, contrôles pouvant être conduits par les chambres régionales des comptes et l’administration, nécessité de conclure une convention à partir de 23.000 euros de subventions publiques ou d’un audit légal annuel par un commissaire aux comptes à partir de 153.000 euros, évaluation et audit des associations opérant dans des zones à risque par le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère des Affaires étrangères depuis le début de l’année, obligation de déclaration en préfecture pour les associations collectant des dons par téléphone mobile… Le Colb n’évoque en revanche pas les mesures de simplification annoncées par le gouvernement le 26 avril dernier ("L’État s’engage pour les associations dans les quartiers"), qui prévoient notamment que "la justification des subventions pourra prendre toute forme, y compris l’envoi d’un fichier son ou vidéo par exemple".

… mais élevé chez certaines bien définies

Pour autant, la menace "peut se révéler élevée" pour "un type précis d’associations, répondant à des caractéristiques connues" :
- les associations à vocation humanitaire opérant dans des zones déshéritées ou en conflit (Proche-Orient, bande sahélo-saharienne, Afghanistan, etc.) et dont l’action officielle consiste à envoyer des marchandises, de l’argent ou du personnel – médecins, infirmiers, humanitaires – sur place ; 
- les associations ayant un objet culturel, socio-éducatif (notamment celles ayant pour action l’achat de livres, l’organisation de conférences, la mise en place de cours de langues ou de soutien scolaire) ou cultuelles (dont l’objet déclaré est la construction ou la gestion de lieux de culte ou l’enseignement religieux).
D'autres critères doivent également alerter l’attention, souligne l’étude, parmi lesquels l’implantation en périphérie de grandes agglomérations, des fonds provenant de l’étranger, une faible structuration de l’association, le recours massif à internet, aux réseaux sociaux et aux cagnottes en ligne ou encore l’absence de compte-rendu crédible sur les actions menées à l’étranger... L’analyse précise également que "les associations soupçonnées de financer des mouvements radicaux, voire le cas échéant, des réseaux terroristes, sont essentiellement localisées en région parisienne, mais également en région Paca, en région Rhône-Alpes et dans l’est de la France".

 

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