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Sécurité globale : trois saisines valent mieux qu’une

Afin de lever "tout doute", le Premier ministre a saisi le Conseil constitutionnel concernant l'article 24 de la proposition de loi "Sécurité globale" pénalisant la diffusion malveillante d'images de policiers. L'article controversé fait également l'objet de deux autres saisines de députés et sénateurs de gauche. Ces derniers contestent aussi les dispositions concernant l'expérimentation des compétences de police judiciaire par certaines polices municipales au motif notamment d'une rupture de l'égalité.

Définitivement adoptée le 15 avril par le Parlement, la proposition de loi "pour une sécurité globale préservant les libertés" va devoir passer au crible du Conseil constitutionnel avant d’être promulguée. En cause : le controversé article 24 qui suscite tant de débats depuis des mois, visant à protéger les policiers contre la diffusion malveillante d'images permettant de les identifier. L’article a été remanié lors des discussions mais afin de lever "tout doute" sur la constitutionnalité des dispositions, le Premier ministre a lui-même saisi le Conseil constitutionnel, a indiqué Matignon, jeudi 22 avril. Ce faisant, il répond "à l’engagement qu’il avait pris devant la représentation nationale le 24 novembre 2020", au plus fort de la polémique.

L’article 24 crée un délit de "provocation à l’identification" des policiers, gendarmes, policiers municipaux et douaniers en opération, puni de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende. Il s’applique aussi à l’identification de la famille des agents ou gendarmes. "L’article dont la rédaction a été aménagée dans le cadre de la discussion parlementaire, vise notamment à protéger les forces de l'ordre contre la volonté malveillante de les identifier dans le cadre d’opérations de police, sans mettre en cause la libre expression des pensées et des opinions ainsi que la liberté de la presse", insiste Matignon.

Inégalités territoriales

Deux autres saisines de parlementaires ont été déposées les 20 et 22 avril. La première l’a été par 87 députés des groupes Gauche démocrate et républicaine, La France insoumise, Socialistes et apparentés, Libertés & territoires et du collectif Écologie Démocratie Solidarité. Ces derniers ont dans leur viseur l’article 24 qui selon eux "fait peser sur la liberté d’expression ainsi que sur la liberté de la presse une grave menace". Mais pas seulement. Ils contestent, dans un communiqué, l’économie générale du texte et forment leur recours contre pas mois de 16 des 31 articles. Est ainsi visé l’article 1er – article phare pour les collectivités - qui "méconnaît notamment le principe d'égalité devant la loi en accentuant les inégalités territoriales en matière de sécurité publique". Cette disposition autorise les collectivités à expérimenter pendant cinq ans le transfert de certaines compétences de police judiciaire à la police municipale, si celle-ci comporte plus de  quinze agents. Dès l'origine du texte, les associations d'élus (FFSU, APVF...) avaient émis des réserves sur l'idée d'un seuil, revenant à créer deux types de polices municipales. Les députés considèrent par ailleurs que le texte met en cause "le droit au respect de la vie privée à travers l'extension des usages de la vidéo-surveillance et la légalisation sans garanties suffisantes de l'utilisation des drones" (articles 20, 20 bis AA, 20 bis, 20 ter, 22).

Parallèlement, 90 sénateurs des groupes socialistes, communistes, et écologistes ont déposé un recours très proche jeudi 22 avril. Ces derniers s’en prennent à l’article 24 mais aussi à l’article 1er. lls considèrent que "l’imprécision du dispositif expérimental" contrevient "au principe constitutionnel du placement de la police judiciaire sous la direction et le contrôle de l’autorité judiciaire". Ils réclament aussi un contrôle de constitutionnalité de la possibilité donnée aux policiers municipaux de procéder à l’inspection des bagages et à des palpations de sécurité lors de manifestations (article 2). Les sénateurs dénoncent par ailleurs une privatisation de la sécurité et un recours abusif à la vidéosurveillance.

A côté de ces trois saisines, la coordination "Stop loi sécurité globale" a annoncé le 15 avril que plusieurs de ses membres - Syndicat de la magistrature, Syndicat des avocats de France, La Quadrature du Net, Droit au Logement et Ligue des droits de l’Homme... - allaient déposer des contributions au Conseil constitutionnel. Ces dernières auront vocation à être rendues publiques.