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Citoyens - Service civique : un dispositif probant, mais fragilisé par sa montée en charge, juge la Cour des comptes

Le service civique est un succès : les jeunes (16-25 ans) volontaires (6.000 en 2010, 20.000 en 2012, 19.000 en 2013, objectif 2014 35.000) se pressent pour obtenir une mission d'intérêt général dans les nombreuses structures d'accueil agréées (1) par l'Agence du service civique. 46% des anciens volontaires se disent satisfaits voire très satisfaits (43%) de leur expérience et 95% d'entre eux recommanderaient à d'autres jeunes de réaliser un service civique (2). Une aubaine, pourrait-on dire, quand on sait qu'en France, en juillet 2013, 24,2% des moins de 25 ans étaient au chômage, même si l'Agence se défend d'avoir mis en place un dispositif qui "substitue à l'emploi" (des structures d'accueil peuvent parfois être accusées de constituer un réservoir d'emplois peu rémunérateurs pour des personnes en situation précaire). En tout cas, le service civique fait des émules et en cette période économique difficile, il est de bon ton de l'encourager. Mais l'ambition du président de la République d'atteindre en 2017 un chiffre de 100.000 jeunes engagés risque finalement d'avoir un effet quelque peu pervers : la "soutenabilité budgétaire" du dispositif risque alors de se poser, tout comme se posera la question de la capacité à faire émerger autant de missions de qualité chaque année.
Si elle reconnaît le bien-fondé du service civique, la Cour des comptes recommande à l'Etat, dans son rapport 2014, de réduire le coût unitaire des contrats de service civique (qu'il finance en grande majorité) en fixant une indemnité forfaitaire différente pour les missions à temps partiel (24h/hebdomadaire), de celles à temps plein (35h/hebdomadaire), aujourd'hui indemnisées de la même manière (salaire mensuel pour le volontaire de 467.34 euros ou 573.72 sur critères sociaux), tout en faisant participer, pour celles qui le peuvent, les structures d'accueil à "leur juste part du coût du service" sous forme de cofinancement comme en Allemagne. Selon la Cour, cela "incite les structures à veiller à la qualité de leurs missions".
Les dépenses consacrées au service civique  au sein du programme 163 Jeunesse et Vie associative, rappelle le rapport, se sont élevées à 33,7 millions d'euros en 2010, 89,7 en 2011 et 123,9 millions en 2012 pour un programme dont les crédits représentent 200 millions d'euros en 2012. La montée en charge souhaitée par le gouvernement pèse de manière croissante sur le programme, au détriment "d'autres actions de l'Etat en faveur de la jeunesse" pointe la Cour des compte...  qui préconise donc de procéder aux arbitrages indispensables pour assurer "l'adéquation entre les objectifs et les moyens budgétaires". Des moyens qui dépasseraient, avec la prise en charge des 100.000 jeunes, "les crédits alloués aujourd'hui à la mission" (des tensions budgétaires ont déjà conduit en 2013 à un calibrage prévisionnel de la durée des missions à leur niveau minimum soit 6 mois au lieu de 12, même si la réalité fait état d'une moyenne de 7,2 mois, ce qui pour les volontaires est insuffisant en termes de temps de formation et d'expériences).
Le rapport insiste aussi sur la nécessité de retenir un rythme de montée en charge compatible avec la maîtrise du risque de substitution à l'emploi. "La crise économique risque de brouiller les objectifs du dispositif", prévient la Cour, qui met ainsi en garde contre "les gisements de missions nouvelles qui se trouvent dans des secteurs 'santé, sports' et dans des catégories de structures où les risques de substitution à l'emploi sont importants" et en appelle à une vigilance accrue dans l'instruction des dossiers. Elle en appelle également, sur le terrain, à  "une meilleure coordination des services en charges des dispositifs en faveur de la jeunesse entre le service civique et les autres instruments en faveur de l'emploi des jeunes". Il lui semble en outre important de recadrer les objectifs initiaux, contenus dans le COM (3), qui peinent finalement à être atteints à ce jour : manque de mixité sociale (17,7% des volontaires sont issus des quartiers en 2011 pour un objectif de 25%) ; en termes de formation, moins de 25% des engagés ont un niveau inférieur au bac (objectif 35%) ; la part des handicapés parmi les volontaires est de 0,4% (objectif 6%)...
La Cour recommande par ailleurs à l'Agence du service civique d'aller vers de nouveaux partenaires, notamment les collectivités territoriales. L'agence s'appuie, pour la Cour, sur un nombre insuffisant de réseaux associatifs, qui certes ont contribué au succès du service civique mais qui doit aujourd'hui se diversifier, notamment au profit des collectivités. "Le secteur des collectivités territoriales pourrait être un axe important de développement des missions", développe le rapport. Mais celles-ci doivent veiller à ne pas confier n'importe quelle tâche à ces volontaires. A ce titre, un partage des bonnes pratiques observées dans les collectivités qui ont su concevoir des missions de qualité est fortement conseillé.  Des collectivités partenaires... la Cour y voit également l'occasion de faire baisser la part financière de l'Etat dans le dispositif. En effet, au titre du tutorat, l'Etat verse 100 euros par mois aux associations qui emploient des jeunes volontaires, somme que ne perçoivent pas les collectivités qui offrent des missions au sein de leurs services. 

Sandrine Toussaint

 (1) Personnes morales agréées, organismes sans but lucratif, personne morale de droit public.
(2) L'Agence du service civique a fait réaliser une série d'enquêtes en 2011 et en 2012.
(3) Contrat d'objectifs et de moyens conclu entre l'Etat et l'agence pour 2012-2014, qui fixe  des objectifs tels que : la part des jeunes engagés non diplômés, la part des volontaires issus des quartiers, la part de jeunes handicapés...