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Jeunesse - Service national universel : le projet et la méthode commencent à prendre forme

Auditionné par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, le général Daniel Ménaouine en charge du groupe de travail sur le service national universel a apporté des précisions sur la concertation en cours et, plus globalement, sur l'esprit du projet, les différentes étapes du futur service et la méthode. Parmi les critères de réussite cités : "professionnalisme", "attractivité", "progressivité"  et prise en compte de l'existant. 

Nommé tout récemment directeur du service national et de la jeunesse au sein du ministère de la Défense, le général Daniel Ménaouine est responsable du groupe de travail sur le service national universel (SNU). Sur la base d'un rapport remis fin avril au président de la République (voir notre article du 2 mai 2018 "Service national universel : le groupe de travail préconise une 'phase obligatoire' d'un mois"), le scénario envisagé – un tronc commun d'un mois, dont 15 jours en collectivité, suivi d'une période d'engagement facultative – avait été présenté le 27 juin par le gouvernement (voir notre article du même jour "Service national universel : le gouvernement confirme le scénario d'un mois et ouvre des consultations").

Une "consultation élargie" dans le cadre des Semaines de l'engagement et un "rapport enrichi" fin octobre

Le groupe de travail a été mandaté pour conduire une consultation, démarche qu'il avait préconisée dans son rapport pour impliquer les jeunes et les différents acteurs concernés dans l'élaboration du projet. Une recherche d'adhésion nécessaire, quand quinze organisations de jeunesse, dont la Fédération des associations générales étudiantes (Fage), ont par exemple signé une tribune en juin dernier sous le titre "Nous ne voulons pas d'un service national obligatoire".
Auditionné par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale le 24 juillet, le général Ménaouine a précisé que la consultation se déroulerait en trois phases : des échanges avec des acteurs déjà rencontrés dans le cadre du rapport, des déplacements en province à la rencontre des jeunes Français dans leur diversité et, enfin, une "consultation élargie" dans le cadre des trois "Semaines de l'engagement" dans les lycées, fin septembre-début octobre. Dans la foulée, un "rapport enrichi" sera finalisé le 31 octobre.
L'audition a surtout été l'occasion pour le général Ménaouine de revenir dans le détail sur le projet de SNU – des clarifications bienvenues, alors que le rapport n'a pas été rendu public et que ces derniers mois ont été marqués par une certaine confusion sur le sujet (voir nos articles de février 2018 "Du service national 'obligatoire' au service national "universel" : Emmanuel Macron assouplit le cadre de son projet", "Le service national universel ne sera 'probablement pas obligatoire'", "Service national : Emmanuel Macron souhaite une 'partie obligatoire' de trois à six mois").

Un projet complètement opérationnel en 2026

Le général Ménaouine a d'abord listé les bénéfices attendus du dispositif : "brassage social et territorial", "permettre à chaque jeune de se voir confier une responsabilité", "renforcer le lien social". Avant d'embrayer sur les conditions de succès : une "conception collective" de ce "projet de société" et un haut niveau de "professionnalisme", ce qui justifie pour lui "une montée en puissance progressive". "Entre ce que nous mettrons en place en 2019 et ce qui sera installé en 2026, sur le fond il y aura probablement des choses qui auront changé", a-t-il avancé.
Ayant compris tout ce que le mot "obligatoire" pouvait avoir de repoussant pour les jeunes et les organisations de jeunesse, Daniel Ménaouine a insisté sur la nécessité de présenter un projet "attractif" et de permettre une "reconnaissance de l'engagement". En clair, il doit être perçu comme une opportunité pour les jeunes, plutôt que comme une contrainte.

15 jours de "cohésion" et d'acquisition de "savoir-faire pratiques" liés à la sécurité

Le directeur du service national a enfin décrit les deux phases du scénario envisagé. La première, aux alentours de 16 ans, "obligatoire pour les nationaux" et probablement ouverte aux étrangers en situation régulière, serait décomposée en "un temps de cohésion et un temps de projet collectif".
Pendant deux semaines, le premier temps serait celui du "brassage", avec la réunion dans des lieux d'hébergement dédiés de groupes de 200 jeunes issus de plusieurs villes. Au programme : des modules d'information, de formation et de mise en pratique sur la défense et la sécurité, dont l'acquisition de "savoir-faire pratiques" tels que des gestes de premiers secours, l'encadrement de foules ou encore l'orientation à la boussole. Ce premier temps serait également celui des diagnostics santé et décrochage scolaire. "La deuxième période serait plus axée sur la préparation de l'engagement", a ajouté Daniel Ménaouine, soulignant qu'un mécanisme permettant le brassage serait mis en œuvre, à défaut de pouvoir assurer systématiquement un hébergement.
La deuxième étape facultative du SNU s'effectuerait entre 16 et 25 ans. Il s'agirait d'un "volontariat au service de son pays" d'une durée de trois à douze mois sous des formes multiples – des engagements réguliers le weekend pourraient être additionnés pour atteindre trois mois par exemple -, dans "cinq grandes filières d'engagement" - diffusion de la culture patrimoniale et numérique, environnement et développement durable, aides aux personnes, tutorat, défense et sécurité.

La question de l'hébergement travaillée avec les collectivités

Le général Ménaouine a enfin listé les points sensibles du projet : le caractère obligatoire – qui devrait certes conduire à une extension de l'article 34 de la Constitution à l'occasion de la réforme, mais que le général ne souhaite pas trop mettre en avant… –, l'universalité et en particulier la prise en compte des jeunes en situation de handicap, l'hébergement ("l'une des difficultés les plus importantes à surmonter ), les transports notamment pour les jeunes des territoires les plus isolés, le budget – chaque "ministère intéressé" étant invité à se manifester…
L'investissement en infrastructures serait d'1,7 milliard sur sept ans et le coût de fonctionnement annuel de 1,6 milliard à partir de 2026. Quant à l'hébergement, il s'agirait de "pouvoir disposer de 80.000 places instantanément", à identifier parmi les ressources disponibles (internats scolaires, logements étudiants, centres de loisirs avec hébergement…) ou à construire. "Un travail avec les collectivités" serait en cours sur ce sujet.

"Le service civique sera l'un des éléments moteurs de la phase 2"

Au vu des très nombreuses questions des députés présents lors de cette audition, le sujet intéresse. "Pourquoi ne voulez-vous pas vous appuyer sur l'existant : le parcours de citoyenneté qui a été mis en place dans la loi Egalité et Citoyenneté dès la maternelle jusqu'à l'université (…) et pourquoi ne pas généraliser son étape clé qui est l'engagement de service civique ?", a ainsi interpelé Régis Juanico (Nouvelle Gauche, Loire). En 2017, un peu plus de 123.000 jeunes ont été accueillis en mission de service civique, selon le dernier rapport de l'Agence du service civique.
"Nous ne sommes pas du tout en opposition avec le service civique, bien au contraire, le service civique sera l'un des éléments moteurs de la phase 2", a répondu Daniel Ménaouine. C'est notamment pour une bonne articulation avec le service civique que l'âge de 16 ans aurait été retenu pour la première étape du SNU. "On s'inscrit vraiment dans le respect de l'existant", a ajouté le directeur du service national, sans toutefois rebondir sur le parcours de citoyenneté évoqué par Régis Juanico.

"Pouvoir petit à petit améliorer les capacités de résilience de la France"

Mais c'est un peu plus tôt dans son intervention que le général a dévoilé le possible supplément d'âme du SNU par rapport aux dispositifs proposés antérieurement. Il a évoqué l'idée de conclure le "temps de cohésion" par une "cérémonie symbolique", avec la "remise d'un gilet siglé service national assortie du rappel pour chacun des jeunes qu'en cas d'accident, de catastrophe, il lui reviendrait de remettre son gilet symboliquement et de descendre dans la rue"… Avant d'ajouter que si 10% des jeunes descendent dans une telle circonstance, "ça fait 80.000 jeunes". C'est la perspective selon lui de "pouvoir petit à petit améliorer les capacités de résilience de la France".
L'empreinte de la défense devrait se matérialiser dans l'encadrement des jeunes, avec des méthodes et des formations de formateurs issues de la sphère militaire. A noter aussi que les élèves fonctionnaires seraient mobilisés pour former les plus jeunes lors du "temps de cohésion". 
"Le SNU sera pour et par la jeunesse. Les Armées y auront toute leur place", a écrit Florence Parly, ministre des Armées, le 25 juillet sur Twitter. Ni une trop grande, ni une trop petite place ; la ligne de crête semble étroite.  

 

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