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Services d’incendie et de secours : les "pactes capacitaires" précisés

Dans une circulaire publiée le 12 février, le ministère de l’Intérieur indique aux préfets de zone de défense et de département la marche à suivre pour mettre en place les "pactes capacitaires" qui visent à offrir "une visibilité pluriannuelle sur les investissements et les budgets" des services d’incendie et de secours, mais aussi à favoriser mutualisation et rationalisation de leurs moyens. Annoncés par le ministre le 21 septembre dernier, ces pactes ne seront toutefois pas conclus à brève échéance, "un important travail de fond" (études et concertations) devant être mené tout au long de l’année. 

"Je veux souligner que notre modèle de sécurité civile repose sur un partenariat intense entre l’État et les collectivités territoriales. Cette coopération […] doit reposer sur la capacité à voir à long terme. C’est pourquoi j’ai demandé la mise en place d’un pacte capacitaire pluriannuel. Il permettra d’avoir une visibilité sur la durée sur les budgets et les moyens de chaque Sdis." Lors de ses vœux à la sécurité civile, le ministre de l’Intérieur avait ainsi confirmé publiquement, le 14 janvier, l’élaboration de ces pactes qu’il avait annoncés pour la première fois lors du dernier congrès des sapeurs-pompiers, le 21 septembre à Vannes*. 
Dans une circulaire du 10 décembre, publiée le 12 février, le ministère de l’Intérieur détaille les modalités d’élaboration de ces "pactes capacitaires", qui ont vocation à prendre place dans les conventions pluriannuelles liant déjà départements et Sdis.

Meilleure prise en compte des risques complexes

En préambule, le ministère souligne que cette démarche se justifie également par la nécessaire prise en compte de nouveaux paramètres : le renforcement et l’émergence de risques – dus au réchauffement climatique (comme en Australie, où la sécurité civile française a fait partie des rares délégations conviées à participer à l’analyse des récents événements) ou au développement technologique – "plus complexes et protéiformes" et dont l’augmentation de la fréquence et de l’intensité fait peser une "menace de risques multidimensionnels ou d’effets de cascade". Lubrizol en a fourni un bon exemple récemment.

Des risques qui peuvent en outre "être communs à plusieurs départements ou simplement excentrés au regard des capacités de réponse du département", sans compter l’émergence de nouveaux bassins de vie, auxquels le maillage des secours doit en conséquence s’adapter. Autant de raisons qui conduisent le ministère à élargir l’approche des schémas départementaux d’analyse et de couverture des risques (SDACR) et à compléter celle des contrats territoriaux de réponses aux risques et aux effets de menaces (CoTTRiM), déclinaison départementale du contrat général interministériel, qui permettent "d’élargir quantitativement et qualitativement le spectre de l’analyse à l’ensemble des capacités disponibles sur un territoire, incluant notamment la sphère des opérateurs", mais qui ne sont pas des contrats opérationnels.

"Un important travail de fond tout au long de l’année"

La circulaire détaille ensuite le calendrier de l’ "important travail de fond qui sera mené tout au long de l’année 2020".

Dans une première étape, les préfets doivent, à l’échelle de la zone de défense, et d’ici le 31 mars, organiser l’agrégation des éléments mis en évidence par les SDACR, cartographier les risques complexes de sécurité civile et recenser les moyens spécialisés des services d’incendie et de secours (SIS) afin d’évaluer la façon dont ces derniers sont "collectivement en mesure de faire face à l’ensemble des risques complexes ou particuliers auxquels ils peuvent être soumis" et de limiter leur charge financière "en rationalisant certains coûts de fonctionnement et d’investissement". Les chefs d’états-majors interministériels de zone de défense et de sécurité (qui ont été réunis en séminaire les 14 et 15 janvier), en liaison étroite avec les préfets de département, doivent eux recenser à la fois les "fragilités capacitaires" identifiées au niveau de chaque département dans le champ des risques complexes ou particuliers et l’ensemble des "synergies capacitaires" possibles (les risques courants restant, sauf exception locale, traités par les SDACR).

Dans une deuxième étape, les préfets devront d’abord organiser dans chaque département un échange avec les collectivités gestionnaires des services d’incendie et de secours portant sur les éléments recueillis, puis conduire des concertations entre collectivités susceptibles de mettre en place un plus grand niveau de coopération ou de mutualisation des SIS dont elles ont la charge. Comme l’avait annoncé Christophe Castaner lors du congrès de Vannes, le travail sur les besoins opérationnels puis financiers devra être effectué à l’échelon départemental en lien avec le préfet, le président du conseil départemental, le président du conseil d’administration du SIS et le président de l’association des maires du département.

Enfin, dans une troisième et dernière étape, qui ne verra donc pas le jour avant 2021, les orientations "collectivement retenues" sur chaque zone de défense seront intégrées dans les conventions financières pluriannuelles conclues entre départements et Sdis (CGCT, art. L. 1424-35). En parallèle, "une réflexion sera menée sur les dotations de l’État susceptibles d’être mobilisées sous forme contractuelle", par exemple dans le cadre d’un investissement permettant de faire cesser une situation de rupture capacitaire ou de favoriser une stratégie de mutualisation. Ce travail sera conduit avec le ministère de Cohésion des territoires "et des relations avec les collectivités territoriales, puis les associations d’élus, qui ont été saisies de cette démarche et sont prêtes à s’y engager".

Interrogé par Localtis, Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, a salué cette démarche : "En impulsant cette revue capacitaire, sur un champ plus large que celui du département, et en favorisant l’adaptation des moyens aux nouveaux risques, l’État joue ici pleinement son rôle de stratège. On imagine assez bien que certains équipements puissent être communs à plusieurs Sdis et être coordonnées au niveau de la zone de défense, pour des raisons d’efficacité et économiques". L’élu a toutefois formé le vœu que l’État "n’impose pas à cette occasion de nouvelles normes qui impactent financièrement les Sdis, comme il a trop souvent tendance à le faire". 

 

* "Nous devons aboutir à de la visibilité, à plus de certitude pour l’avenir. Et je m’applique une règle simple ; qui paye décide. Et je ne décide pas d’engager les finances des autres […]. Je proposerai aux financeurs un pacte, un contrat opérationnel pluriannuel, qui permettra plus d’investissement et de sérénité dans les budgets des Sdis, département par département."

 

 

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