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Agence du numérique - Services et usages numériques des territoires : premier bilan de la concertation

À la suite de la loi pour une République numérique, l'Agence du numérique avait lancé une concertation en ligne sur la rédaction du document-cadre "Orientations nationales pour le développement des usages et des services numériques dans les territoires". Les collectivités sont de plus en plus nombreuses à élaborer des stratégies spécifiques sur ce sujet. L'Agence vient de publier une synthèse de la première phase de la concertation ; l'enjeu de la transversalité y est très présent. Les questions d'infrastructure, d'économie numérique, mais aussi de médiation, doivent être traitées de manière plus intégrée.

Pour une consultation en ligne au sujet très spécifique, l'Agence du numérique a su rassembler un nombre honorable d'acteurs : elle a enregistré 200 contributions sur sa plateforme open source DemocracyOS. En parallèle de la consultation électronique, 26 ateliers de travail se sont tenus partout en France.

Favoriser la transversalité

Les sujets abordés se concentrent sur la méthodologie de l'action des collectivités dans le domaine des services numériques, mais aussi de la formation et de l'appropriation des usages par les acteurs locaux, particuliers et entreprises : enjeux rassemblés sous le vocable de médiation numérique. Les contributeurs (consultants, associatifs, agents territoriaux) insistent sur l'importance d'une gouvernance large "pour animer la stratégie numérique" ; une transversalité qui se traduirait aussi en interne dans les collectivités, avec un fort rôle d'impulsion de la direction générale des services, et une équipe de projet désîlotée. Pour assurer cette gouvernance large, il faut aussi former largement aux enjeux numériques : les agents territoriaux, mais aussi les élus, parfois distancés par les mutations technologiques.

Combiner les échelles pour mutualiser les moyens

Les contributions insistent sur les nécessités de mutualisation et de partage entre territoires. Les stratégies numériques elles-mêmes devraient être transposées dans un format standardisé et partageable, de manière qu'elles puissent être comparées et mises en lien d'un territoire à l'autre. Les collectivités éprouvent également un fort besoin de mutualisation, et se regroupent déjà régulièrement en syndicats mixtes et en groupements de commande pour s'équiper de solutions logicielles (ENT, GRC, etc.). Certaines contributions plaident pour mutualiser à plus grande échelle, avec la création d'une "plateforme fédérative des collectivités territoriales" au niveau national, qui mettrait à disposition des solutions logicielles à coût réduit, à la fois composées de solutions libres et de solutions propriétaires vendues sur une sorte de boutique d'applications. La mutualisation à grande échelle pourrait aussi porter sur le stockage et l'archivage des données, via datacenter. Pour autant, la synthèse prend peu en compte les initiatives de mutualisation déjà en vigueur. Alors que de nombreux GIP et syndicats mixtes développent ce type de services de manière performante, la mise en place de solutions nationales pourrait sembler redondante ou même nuire à l'autonomie des territoires.

Une large place pour le "service public"

Sur le fond, la synthèse de la consultation porte une vision des services numériques où l'acteur public n'est pas seulement présent, mais réellement structurant ; on peut d'ailleurs douter que cette vision soit partagée par l'ensemble de l'écosystème numérique. En plusieurs endroits, est évoquée l'idée de créations de nouveaux "services publics". Pour la médiation numérique tout d'abord, afin d'améliorer la lisibilité de l'offre au niveau local ; pour l'économie numérique aussi, en misant sur les "lieux totem" qui fédèrent, au niveau d'une ville ou d'une région, les efforts d'animation de l'écosystème. Le terme est également repris pour parler des données, dans le sillage des propositions que le député Luc Belot avait formulées auprès de Manuel Valls, à Matignon début 2017, pour mieux recenser et regrouper les données d'intérêt public. L'enjeu des financements est aussi traité dans une perspective de mise en commun : les contributeurs proposent de chiffrer précisément les gains tirés de la dématérialisation par les opérateurs et les administrations centrales, pour créer un "fonds dédié" qui viendrait, notamment, soutenir les efforts de médiation numérique.

Le nouveau secrétaire d'État au numérique, Mounir Mahjoubi, s'est depuis longtemps montré favorable aux politiques d'inclusion et de médiation, tant à destination des TPE/PME que des particuliers. On saura bientôt si ce parti pris gagne les faveurs des arbitrages gouvernementaux. En effet, ces enjeux numériques peuvent aussi être traités en laissant une part bien plus importante au secteur privé : Google et Facebook, entre autres, multiplient les initiatives de médiation numérique, quand les grands groupes industriels cherchent de plus en plus à proposer des solutions intégrées "clé-en-main" aux les collectivités pour assurer leur digitalisation.