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Mobilité - Smoovengo prend le guidon des Vélib' de l'agglomération parisienne

Le consortium Smoovengo s'est vu attribuer le 12 avril le marché des Vélib' de l'agglomération parisienne aux dépens du concessionnaire sortant, le goupe d'affichage publicitaire JC-Decaux, associé à la RATP et à la SNCF. La signature du contrat est toutefois suspendue à la décision du tribunal administratif de Paris, devant lequel JC-Decaux, créateur du système Vélib' en 2007, a engagé un recours en référé.

Les Vélib', vélos en libre-service de l'agglomération parisienne, vont changer de fournisseur le 1er janvier prochain : les autorités locales ont officialisé mercredi 12 avril l'attribution du marché pour quinze ans au consortium Smoovengo, aux dépens du sortant JCDecaux-RATP-SNCF. Ce contrat de 600 millions d'euros toutes taxes comprises a été entériné lors d'un vote "à une écrasante majorité", a précisé Marie-Pierre de la Gontrie, présidente du syndicat mixte Autolib' et Vélib' Métropole, qui regroupe Paris et une centaine de communes partenaires.
Début avril, la commission du syndicat mixte chargée d'examiner les offres avait indiqué avoir "classé en tête" l'offre de Smoovengo, consortium franco-espagnol dirigé par Smoove, une PME de Montpellier (lire notre encadré ci-dessous) et qui comprend aussi Mobivia (Norauto, Midas), Moventia et Indigo. La signature du contrat est toutefois suspendue à la décision du tribunal administratif de Paris sur le recours en référé déposé par JCDecaux, a souligné Marie-Pierre de la Gontrie, assurant que le tribunal administratif de Paris se prononcerait dans un "délai maximum de vingt jours". "Nous n'avons pas vocation à commenter cette démarche, qui est assez courante lorsqu'un candidat est évincé", a ajouté la présidente du syndicat lors d'un point-presse à l'Hôtel de Ville de Paris, assurant que les membres de l'instance étaient "assez sereins" quant à l'issue de la procédure.
 

Un tiers de vélos électriques

Le système Vélib', actuellement composé de 1.800 stations et plus de 20.000 vélos, avait été créé en 2007 par JCDecaux, qui en avait obtenu la concession pour dix ans. Elargi à la Métropole du Grand Paris, il proposera l'année prochaine des vélos présentés comme plus légers et plus solides. Un tiers d'entre eux seront électriques. Marie-Pierre de la Gontrie a précisé que la grille tarifaire du service sous l'égide de Smoovengo serait fixée par le syndicat "à l'automne". "Je ne me permettrai pas d'anticiper ce qui va se passer" à cette échéance, surtout avant que le tribunal administratif ait tranché, a-t-elle ajouté. La première demi-heure gratuite pour les vélos mécaniques sera maintenue, selon une fiche technique distribuée lors de la conférence de presse. Les abonnements en cours seront également honorés "aux mêmes conditions tarifaires" qu'actuellement.
Les nouveaux vélos seront équipés d'une "fourche cadenas" censée être plus efficace contre les vols et le vandalisme, d'un boîtier électronique embarqué pour les géolocaliser, ainsi que d'un système permettant de déposer un vélo à une station qui serait déjà pleine.
Marie-Pierre de la Gontrie a aussi indiqué que le remplacement du matériel s'effectuerait graduellement pendant l'hiver 2017-2018. Les Parisiens pourront essayer les premiers nouveaux vélos "au début de l'hiver", a-t-elle ajouté, sans être en mesure de donner une date précise. La fiche technique mentionne quant à elle un objectif de 50% de remplacement des stations au 1er janvier 2018 et de 100% le 31 mars suivant.

Inquiétude sociale

JCDecaux, géant français de l'affichage publicitaire, n'a eu de cesse de critiquer la proposition de son concurrent, lançant des accusations de "dumping social". L'entreprise s'est refusée à tout commentaire sur son élimination mercredi. "Smoovengo prend acte de la procédure de recours déposée par le groupement concurrent, et réaffirme son attention particulière aux enjeux sociaux du projet", a réagi le consortium vainqueur dans un court communiqué. En matière d'emploi, "nous ne pouvons pas prendre d'engagement catégorique car nous n'avons pas encore de visibilité sur un certain nombre de paramètres -notamment le nombre de communes qui voudront bénéficier de Vélib -, ce qui influe directement sur le nombre final de salariés", a indiqué aux Echos Yann Marteil, directeur général délégué de Mobivia. "Nous ne prévoyons pas de fonctionner avec moins de postes qu'aujourd'hui sur la partie vélo, et nous devrions même en créer. Nous avons une forte volonté de continuer avec des collaborateurs qui connaissent le mieux Vélib'", a-t-il assuré, ajoutant que "si JCDecaux se montre coopératif, tout est en place pour que tout le monde soit repris".
Une centaine des salariés de Cyclocity, filiale de JCDecaux, avaient manifesté devant la mairie de Paris la semaine passée pour que toutes les parties prenantes au renouvellement du marché s'engagent à garder, ou à inciter à garder, l'effectif actuel de 315 personnes. Marie-Pierre de la Gontrie a qualifié de "totalement légitime" cette inquiétude, relevant que Smoovengo comptait effectivement se tourner vers les employés actuels, quand bien même rien n'impose juridiquement au vainqueur de l'appel d'offres de les reprendre.

Smoove déjà présente dans 26 villes en France et à l’étranger
Créée en 2008 près de Montpellier, la PME Smoove, a connu un développement fulgurant en France et à l'international, grâce à ses innovations techniques. Elle a été fondée par trois frères passionnés de vélo, dont Laurent Mercat, qui en est le PDG. Engagé de longue date dans la "mobilité durable" et l'économie du partage, via notamment les "pédibus" et "vélobus" pour emmener les enfants à l'école, ce dernier avoue volontiers que l'impulsion est venue en 2007 du défunt maire de Montpellier Georges Frêche, qui voulait alors une proposition extérieure à JCDecaux pour les vélos en libre service (VLS) de Montpellier. L’entreprise compte aujourd'hui 38 salariés. Elle est installée dans la petite commune de Saint-Gély-du Fesc, à une dizaine de kilomètres au nord de Montpellier, et dotée d'un bureau d'étude et d'ingénierie où sont construits les matériels à Oullins, près de Lyon.
Avant le Vélib’, elle a remporté des marchés dans 26 villes en France et à l'étranger dont Avignon, Grenoble, Montpellier, Nice, Strasbourg, Valence et Helsinki, Marrakech, Bangkok, Chicago ou Astana. En 2015, peu après l'entrée à son capital de Mobivia, spécialiste européen des nouvelles mobilités, Smoove a décroché le marché moscovite qui lui permet de doubler son chiffre d'affaires, qui atteint 6 millions d'euros en 2015.
L'entreprise gère actuellement plus de 715 stations vélos, 8.800 vélos en libre-service et 13.000 vélos de location longue durée. Si elle remporte le contrat parisien, elles devrait plus que doubler son parc de vélos et stations.
La PME héraultaise met en avant parmi ses atouts majeurs l'innovation et plus particulièrement la "smoove box", un boîtier électronique placé dans la potence du vélo, autonome en énergie car rechargé par la dynamo. Ce boîtier permet un accès direct et rapide au vélo, sans clé ni totem, et assure un système antivol et antivandalisme sophistiqué. Il permet également de rendre un vélo dans une station déjà pleine, en l'accrochant à un autre, via le processus "overflow". Les vélos proposés sont robustes mais légers - aux designs et couleurs différents selon les villes - accompagnés d'un génie civil très limité, sans câblage ni électrification et fonctionnant par énergie solaire.