Solivers, un modèle d'entrepreneuriat de territoire tourné vers l'inclusion sociale (67)

Il y a 25 ans, alors jeune vigneron implanté à Molsheim dans le Bas-Rhin, Pierre Hoerter est confronté à une difficulté récurrente de recrutement et de gestion de main d’œuvre. Le défi auquel il a à faire face dépasse son problème d’entrepreneur : avec un taux de chômage à 2% à l’époque sur ce territoire, la question posée est plus globalement celle de l’attractivité des métiers de la vigne. Pour résoudre cette problématique, il va alors chercher des voies de réponses dans une démarche collective, en s’appuyant sur les ressorts de la coopération territoriale. Un premier projet partenarial tripartite en est issu. Il valide une approche et une méthode de mobilisation des énergies locales, à la croisée des intérêts spécifiques de chacune des parties, et au service d’une ambition commune. Il préfigure la naissance de Solivers, une société coopérative d’intérêt collectif qui permettra d’agréger et consolider au fil du temps une ingénierie de projet mutualisée d’émergence et d’incubation de projets collectifs d’inclusion sociale, avec pour finalités, la réponse aux enjeux de développement du territoire.

Le modèle développé par Solivers trouve naissance dans la compréhension et le partage des besoins de plusieurs groupements d’intérêts présents sur le territoire. Chacun poursuit des objectifs et met en œuvre des stratégies qui lui sont propres :

  • Une association de parents d’handicapés, soucieuse de l’insertion de leurs enfants dans la vie active en dehors des emplois protégés en Centre d’aide par le travail ;
  • La communauté enseignante du lycée d’Obernai intéressée pour développer des formations innovantes ;
  • Les agriculteurs locaux, confrontés à une problématique de recrutement et de gestion de personnel.

Au travers de l’impulsion d’un travail d’animation et de rapprochement mené sous le pilotage de Pierre Hoerter, les intérêts des parties prenantes convergent et trouvent alors un terrain de coopération, au bénéfice de chacune des parties. Cette démarche débouchera en 1995, sur un projet tripartite associant les parents, le lycée et les agriculteurs.

Premier projet "prototype" d’innovation sociale

Le projet inclut la création d’une association, La Main Verte, ayant pour objet de faciliter l’insertion professionnelle durable de personnes handicapées mentales en milieu ordinaire de travail. Implantée à Molsheim, elle assure des prestations de service dans les secteurs de l’agriculture, de l’entretien paysager et des travaux environnementaux auprès de clients particuliers, entreprises et collectivités dans le Bas-Rhin.
Un groupement d’employeurs est créé en parallèle. Organisé sous forme de GIE, il rassemble des houblonniers, maraîchers, viticulteurs, .... Le groupement mutualise les besoins de recrutement de ses membres et permet de consolider des emplois, en ayant recours aux services de la Main Verte.
De son côté, le lycée agricole, soutenu par les services déconcentrés de l’Etat (DDTE, DASS,…), s’engage à soutenir l’émergence de nouvelles formations adaptées aux personnes en situation de handicap, leur permettant notamment de leur donner accès aux métiers proposés par l’association la Main Verte qui leur étaient jusque-là difficilement accessibles.

D’un premier projet partenarial à la consolidation d’un générateur de projets entrepreneuriaux

Ce premier projet constitue la première réussite d’un projet d’entrepreneuriat collectif, et la base de ce qui deviendra un générateur local de projets d’innovation sociale. Il affirme auprès des acteurs locaux, par la force de la démonstration, l’intérêt de construire des alliances territoriales construites au bénéfice de tous, et qui n’auraient pu voir le jour sans l’action coordonnée de chacune des parties prenantes. Ce premier "prototype" d’action collective est le point de départ d’une légitimité, adossée à un savoir-faire et une méthode, qui pourra s’affirmer et se consolider au fil du temps au sein de Solivers, une structure faîtière organisée sous la forme d’une société coopérative d’intérêt collectif. Elle regroupe au sein de son organe de gouvernance l’ensemble des structures générées au fil du temps. La coopérative fonctionne comme une holding inversée : ce sont les structures créées qui détiennent "la mère", selon les principes démocratiques qui président au fonctionnement de la SCIC. Cette dernière mutualise des fonctions d’ingénierie de projet assimilables à celle de "développeur territorial", mais aussi de gestion, informatique, juridique, formation, achats, immobiliers, R&D… et apporte des appuis aux entreprises "Apprenantes" de l’économie sociale et solidaire qu’elle a contribué à faire émerger ; Il s’agit notamment d’ Entreprises adaptées et d'insertion qui proposent notamment des prestations dans les secteurs des métiers de bouche et de l'entretien des espaces verts.

Des programmes de R&D classiques pour générer des projets territoriaux d’innovation sociale

Solivers permet également à des projets atomisés de mener des programmes de recherche- développement. En s’appuyant sur les mécanismes du crédit impôt recherche, elle a par exemple permis , sur la base de son expérience acquise dans l’adaptation des postes de travail au handicap, à développer des didacticiels sur le thème de la santé au travail, ou pour les formateurs et les salariés engagés dans des parcours de formations qualifiantes.


Des projets incubés par Solivers

Chaque nouvelle initiative portée par Solivers est engagé pour répondre à des problématiques locales qui ne trouvent pas de réponses par les voies classiques, qu’il s’agisse de services publics ou d’acteurs de marché classiques. Mue par une ambition d’inclusion et d’innovation sociale, les projets incubés par Solivers nécessitent parfois d’engager des démarches de R&D au sens classique, technique et scientifique, pour pouvoir faire émerger des voies de réponses adaptées. Par exemple, face à la diminution des surfaces houblonnières sur le territoire, la SCIC a assuré le recrutement et finance l’activité d’un entomologue afin de mener des recherches sur l’élevage des vers qui permettraient de trouver des débouchés de substitution aux cultures locales. Un autre projet de R&D a abouti sur le dépôt d’un brevet destiné à faire du pellet à partir de paille de mais, pour pouvoir offrir un débouché à cette culture locale en combustible.
Le parcours d’insertion sociale est toujours au cœur de l’action de Solivers. La multiplicité des structures renforce les possibilités d’organiser le parcours d’insertion professionnelles des personnes handicapées.


Un autre exemple illustre une modalité d’approche des besoins locaux et la manière dont Solivers appréhende son rôle et son positionnement au service du développement local. Sur le territoire où intervient la SCIC, une société organisée pour porter elle aussi un projet d’inclusion sociale, s’est développé sur une activité de traiteur, avec pour argument différenciant, la vente des produits agricoles locaux. Elle se trouve toutefois freinée dans son développement par des possibilités d’approvisionnement local limité, la problématique principale étant la difficulté d’approvisionnement dans les exploitations et les activités de transformation. Solivers se mobilise alors pour apporter des solutions de main d’œuvre avec en particulier des actions de soutien à la création d’ateliers de 4ème gamme.


D’autres projets de créations sont également en cours de développement : dans le secteur de la récolte de graines, sur des projets de protection de la biodiversité.... Un projet de balayage à cheval, est également incubé au sein de Solivers, en lien avec une collectivité locale.

Cette monographie a été rédigée dans le cadre du dossier Entrepreneuriat de territoire décrivant des dynamiques innovantes portées au sein des territoires.

Solivers

Pierre Hoerter

PDG

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