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Sortie de crise : des économistes proposent un plan d'investissement public en faveur du climat

Dans une note qu'il vient de publier, l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE) appelle à prendre en compte la dimension climatique lors de la sortie de la crise sanitaire actuelle. Le centre de réflexion préconise de mobiliser 7 milliards d'euros par an de financements publics pour investir dans sept secteurs couverts par la Stratégie nationale bas carbone (SNBC), notamment les bâtiments publics et les réseaux de transport.

"Investir en faveur du climat contribuera à la sortie de crise" : c'est l'intitulé de la note que vient de publier l'Institut de l'économie pour le climat (I4CE). "L'action climatique n'est pas une entrave à la sortie de crise, mais une réponse efficace à la demande de résilience qui se fera selon toute vraisemblance jour dans les sociétés européennes", souligne ce centre de réflexion. "L'expérience de 2008 a montré qu'une sortie de crise conçue sans ambition globale induisait des effets notables", écrivent les auteurs de la note. "La crise sanitaire ne doit pas occulter que perdre une décennie de plus pour l'action climatique ne peut être une option", estiment-ils, relevant que la France doit "tenir le cap des objectifs de la stratégie nationale bas carbone", ce dont le pays ne prend pas le chemin selon le premier rapport annuel du Haut Conseil pour le climat, qui constatait en juin dernier un manque d'ambition en la matière.

"Tenir le cap" des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone

Évaluant les investissements en faveur du climat à "46 milliards d'euros en 2018" en France, I4CE encourage à "maintenir les calendriers de projets" et à "accélérer là où c'est possible'", citant le programme Habiter mieux de l'Agence nationale pour l'habitat (Anah), la montée en charge des énergies renouvelables et les grands programmes d'extension des réseaux de transport en commun comme le Grand Paris Express.
Pour "tenir le cap" des objectifs de la Stratégie nationale bas carbone, le think tank appelle à mobiliser "cinq leviers d'action publique " : investissements publics directs dans la rénovation des bâtiments de l'Etat et des collectivités, l'électrification des flottes de véhicules publics ou les infrastructures de transport en commun ; cofinancements publics sous forme de subventions de travaux pour la rénovation des logements privés, l'achat de véhicules électriques par les ménages et les entreprises, les travaux de rénovation des bâtiments tertiaires ; obligations de travaux, prêts et accompagnement technique.

"Impulsion publique de 7 milliards d'euros par an"

Surtout, le think tank préconise une "impulsion publique de 7 milliards d'euros par an, pour déclencher 19 milliards d'euros d'investissement annuel supplémentaire". Sur ces 7 milliards, l'État apporterait 4,3 milliards dont "3,3 milliards d’euros pour le cofinancement des ménages, entreprises et collectivités qui entreprennent de nouveaux investissements", les banques publiques diffuseraient 2,3 milliards d’euros par an d’engagements nouveaux, à destination des entreprises, des collectivités et des sociétés de projets.
Quant aux collectivités, elles augmenteraient leurs investissements et cofinancements de 2,1 milliards d’euros par an." La totalité de cette augmentation pourrait être financée par des instruments spécifiques aux projets, comme des subventions, des certificats d’économies d’énergie (CEE) ou des emprunts auprès des banques publiques et commerciales, détaille la note. À moyen terme, une augmentation supplémentaire des investissements des collectivités se ferait à partir de leur budget général ou des ressources liées aux appels à projets transverses comme celui des Territoires à énergies positives (Tepos)".

Sept secteurs à cibler

Pour ce plan, les chercheurs proposent de cibler plus particulièrement sept secteurs regroupant les deux tiers des investissements bas-carbone du pays : la rénovation des logements privés, la rénovation des bâtiments tertiaires (publics et privés), le déploiement des voitures bas-carbone, les infrastructures de transports en commun, les infrastructures ferroviaires, les aménagements cyclables et la production d'électricité renouvelable. Pour chacun, ils ont évalué les objectifs d'investissement exprimés dans la Stratégie nationale bas carbone et proposé des mesures pour les atteindre, assorties d'un plan de financement.
Pour la rénovation des logements privés, ils estiment que les financements publics doivent passer de 1,9 à 2,1 milliards d’euros par an. Parmi les mesures préconisées : créer une aide proportionnelle aux économies d’énergie et allonger la durée de remboursement des éco-prêts à taux zéro (éco-PTZ) ; séquencer les obligations de rénovation, notamment en ciblant les transactions immobilières. À moyen terme, basculer pleinement vers la rénovation globale, financé principalement par l’éco-PTZ et former les professionnels du bâtiment à la rénovation globale.
Pour la rénovation des bâtiments tertiaires, les financements publics devraient passer de 0,5 à 1,3 milliard d’euros. Parmi les mesures : adopter d’ici à 2022 un décret de rénovation tertiaire s’appliquant à plus de 60 % du parc pour un objectif de réduction de la consommation de 60 % entre 2019 et 2050 ; maintenir le fonds de soutien à l'investissement local (FSIL/DSIL) pour les collectivités en le ciblant sur les coûts de la phase pré-projet (audit, études) ; doubler la valeur de subvention des certificats d’économie d’énergie ; proposer des prêts bonifiés à 40 ans pour la rénovation des bâtiments des collectivités ; proposer une subvention à l’investissement pour le raccordement des bâtiments aux réseaux de chaleur.

Investir plus dans les transports propres

Pour les infrastructures de transports en commun urbains, les auteurs de la note d'I4CE souhaitent porter les financements publics à 2,5 milliards d’euros contre 1,6 milliard d’euros aujourd’hui. Parmi les mesures : augmenter la vitesse commerciale en dédiant des voies aux transports en commun, pour concurrencer efficacement les transports routiers ; mettre en œuvre une politique active de gestion du stationnement, en implantant par exemple des parcs relais combinés à une tarification dissuasive sur le stationnement en ville : maintenir le lancement du quatrième appel à projets pour les transports en commun en site propre en 2020 ; augmenter le versement transport.
Les investissements publics dans les infrastructures ferroviaires devraient atteindre 2,7 milliards d’euros par an contre 1,7 milliard aujourd’hui. Il faudrait pour cela réévaluer la trajectoire d’investissements du contrat de performance pour tenir compte de la hausse des coûts des chantiers de travaux publics, assurer une prise en charge par l’État d’au moins 50 % des investissements de renouvellement et établir un programme de maîtrise et de réduction des coûts via de gains de productivité sur le programme d’investissement.
Pour les infrastructures cyclables, la note d'I4CE appelle à réaliser 1,6 milliard d’euros d'investissements publics. Elle préconise de doter les collectivités des moyens humains, financiers et techniques nécessaires pour leur permettre de définir leur politique cyclable, de leur attribuer davantage de ressources financières pour la construction d'infrastructures cyclables, notamment via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et le fonds Vélo, d'établir une obligation de déploiement des linéaires cyclables en proportion de la voirie pour les villes de moyenne et grande taille, sur le modèle du logement social et d'assortir de sanctions les dispositions de la loi Laure de 1996 sur l’obligation de créer des itinéraires cyclables en milieu urbain.
Pour l'acquisition de voitures particulières bas carbone, les auteurs de la note proposent de passer de 0,2 à 1 milliard d’euros de financements publics par an. Parmi les mesures : maintenir les objectifs européens de baisse des émissions de CO2 des véhicules neufs imposés aux constructeurs automobiles; le déploiement d'un maillage dense d’infrastructures de recharge pour véhicules électriques ; renforcer les aides à l’acquisition des voitures bas carbone et augmenter le malus ; réglementer la publicité des constructeurs automobiles ; restreindre la circulation des véhicules les plus polluants à moyen terme et interdire la vente des voitures les plus polluantes au cours de la prochaine décennie.
Enfin, pour la production d’électricité renouvelable, l’objectif avancé dans la note est de passer de 1,6 à 2,3 milliards d’euros de financements publics annuels. Parmi les mesures préconisées : maintenir la cadence des appels d’offres prévue dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ; sécuriser les financements dédiés à la rémunération des projets déjà achevés ; impliquer davantage les collectivités territoriales et les citoyens dans le montage et le financement des projets ; raccourcir les délais administratifs, en particulier pour l’éolien offshore ; lancer des appels d’offres à partir d’un recensement des terres artificialisées inutilisées ; maintenir à leur niveau actuel l’implication des banques publiques (BEI et Bpifrance) dans le financement des projets d’électricité renouvelable.

 

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