Commande publique - Stade de Bordeaux : régularisation sous peine de résiliation
Dans cette décision du 11 mai 2016, le Conseil d'Etat a annulé la délibération du conseil municipal de Bordeaux autorisant le maire à signer un contrat de partenariat pour la construction et l'exploitation d'un nouveau stade. Afin de ne pas porter une atteinte excessive à l'intérêt général, les juges de cassation ont décidé de laisser à la commune un délai de quatre mois pour régulariser la signature du contrat. A défaut, ce dernier sera résilié.
La commune de Bordeaux avait décidé de recourir à un contrat de partenariat pour la construction, l'entretien et l'exploitation d'un stade. Le conseil municipal a approuvé les termes du projet de contrat et autorisé le maire à le signer par une délibération du 24 octobre 2011. Estimant cette délibération illégale, M. B, conseiller municipal, a saisi le tribunal administratif de Bordeaux. Ce dernier, ainsi que la cour administrative d'appel de Bordeaux, ont rejeté sa demande d'annulation de la délibération litigieuse. Le conseiller municipal requérant a donc formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat.
Information insuffisante des conseillers municipaux
Selon le requérant, la décision en cause méconnaissait l'article L.1414-10 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). Cette disposition, spécifique au contrat de partenariat, garantit aux conseillers municipaux une information suffisante sur les conséquences financières pour la personne publique du recours à un tel contrat. A ce titre, le projet de délibération doit être accompagné du coût prévisionnel global du contrat, ratio entre le coût moyen annuel et les recettes réelles de fonctionnement. Or, certaines sommes n'avaient pas été intégrées au calcul du coût prévisionnel global, ce qui était illégal selon le requérant. En effet, n'y figurait pas une subvention de 17 millions d'euros qui devait être versée par la commune au titulaire à titre d'avance sur rémunération, ainsi que des impôts et taxes d'un montant annuel de 2,6 millions d'euros refacturés à la commune par le titulaire qui s'en était acquitté. Les juges du fond ont considéré que ces sommes n'avaient pas à être intégrées au calcul du coût prévisionnel global du contrat.
Pas d'annulation du contrat
Le Conseil d'Etat a infirmé cette position, considérant que les juges d'appels avaient commis une erreur de droit en faisant une interprétation erronée de l'article L.1414-10 du CGCT. Compte tenu du montant des sommes en cause, cette omission dans le calcul "caractérise une insuffisance d'information des membres du conseil municipal sur les conséquences financières du recours à un contrat de partenariat" et "a privé effectivement les membres du conseil municipal de la garantie octroyée par l'article L.1414-10 du CGCT". Le Conseil d'Etat a donc annulé la délibération litigieuse. Toutefois, il rappelle que l'annulation d'un acte détachable n'entraîne pas automatiquement l'annulation du contrat. Au vu des intérêts en jeu, les sages du Palais-Royal ont enjoint à la commune de régulariser l'illégalité en adoptant une nouvelle délibération, laquelle aura été précédée d'une information complète des conseillers municipaux sur le coût prévisionnel global du contrat. Toutefois, si la commune ne procède pas à cette régularisation, le contrat sera résilié.
Dans le cadre du nouveau droit des marchés publics applicable depuis le 1er avril 2016, le coût prévisionnel global du contrat en moyenne annuelle devra être présenté, non plus préalablement à la décision de signer un marché de partenariat, mais préalablement à la décision même de recourir à un tel contrat (article 74 de l'ordonnance du 23 juillet 2015 et article 148 du décret du 25 mars 2016).
L'Apasp
Référence : CE, 11 mai 2016, 383768
Retour sur un projet controversé
Le Nouveau Stade de Bordeaux (NSB) a été inauguré officiellement en mai 2015 par le maire Alain Juppé. D'une capacité de plus de 40.000 personnes, il a été financé par un partenariat public-privé (PPP) signé en octobre 2011 entre les groupes Vinci et Fayat, et l'Etat, la mairie, les collectivités (à l'exception du département de la Gironde) et le club des Girondins de Bordeaux, pour un coût total estimé à 183 millions d'euros (HT). Les frais d'exploitation pourraient toutefois faire grimper jusqu'à plus de 300 millions d'euros l'ardoise du stade.
L'opposition municipale socialiste, menée par Matthieu Rouveyre, a contesté devant la justice administrative le PPP en 2012, et a été déboutée en appel en 2014. Présentant ses conclusions au Conseil d'Etat, le 6 avril dernier, le rapporteur public avait demandé l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel.
L. T.