Stationnement : près de 55% des Parisiens approuvent la tarification spéciale SUV

Les électeurs parisiens ont approuvé ce 4 février à 54,55% la proposition de la maire Anne Hidalgo de tripler les tarifs de stationnement pour les voitures les plus imposantes, selon les résultats officiels d'une votation qui a seulement mobilisé 5,68% des électeurs.

54,55% des électeurs parisiens ont voté ce 4 février pour la création d'un tarif spécifique pour le stationnement non résidentiel des SUV (acronyme anglais de Sport Utility Vehicle). Mais la votation organisée par la municipalité n'a recueilli qu'une faible participation. Un peu plus de 78.000 électeurs se sont en effet déplacés dans l'un des 38 lieux de vote, sur environ 1,3 million d'électeurs inscrits, pour se prononcer "pour ou contre la création d'un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes, polluantes". A travers ce scrutin étaient donc spécifiquement ciblés les SUV, aux caractéristiques combinant "celles d'une voiture de tourisme avec celles d'un véhicule utilitaire", et les 4x4.

Selon le projet de la municipalité, l'utilisateur d'un véhicule thermique ou hybride rechargeable dépassant 1,6 tonne, ou deux tonnes pour un véhicule électrique, devra bientôt payer 18 euros l'heure de stationnement dans les arrondissements centraux de la capitale, 12 euros pour les arrondissements extérieurs. Les résidents qui se gareront dans leur quartier et les professionnels, dont les taxis, ne seront toutefois pas concernés.

Application au 1er septembre

La délibération sera présentée en mai pour application au 1er septembre, a indiqué la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, à l'annonce des résultats à l'Hôtel de Ville, saluant un "choix clair des Parisiens" en faveur d'une mesure "bonne pour notre santé et bonne pour la planète". En avril 2023, quelque 103.000 personnes, soit 7,46% des inscrits, s'étaient prononcées pour l'éviction des trottinettes en libre-service dans la capitale, pour la première votation du genre. Cette fois-ci, c'est "un petit peu moins" de participation "que pour les trottinettes", mais c'est un "très bon résultat", a commenté Anne Hidalgo, anticipant d'autres votations pour "trancher des questions qui relèvent de nos vies quotidiennes".

Interrogé sur l'importance des bulletins "contre" la mesure, son adjoint EELV aux Mobilités David Belliard a estimé que l'écart était "significatif" alors que la votation portait sur une "question compliquée, a priori peu populaire". Dans un communiqué, le groupe d'opposition LR et apparentés a jugé que la votation s'était déroulée "dans l'indifférence générale". "Cette participation très faible conjuguée à des résultats serrés, sur une mesure revendiquée comme emblématique par Anne Hidalgo et son équipe, constituent un véritable désaveu pour la maire de Paris", affirme l'opposition de droite. Les résultats par arrondissement épousent de fait la carte politique : l'opposition au tarif spécial l'emporte dans ceux dirigés par la droite (dans le 16e, notamment, près de 82% des électeurs ont rejeté la proposition de tarification spéciale, dans le 7e le contre l'a emporté à plus de 74% et dans le 8e à plus de 73%) tandis que le "pour" est majoritaire dans ceux dirigés par la gauche ou Horizons. Ainsi dans le 10e arrondissement, dirigé par le PS, près de 77% des votants ont validé la proposition.

Exemptions

Dans la capitale qui a déjà notamment piétonnisé les quais de Seine et végétalisé 200 rues, la maire a justifié la votation par la lutte contre la pollution, un meilleur partage de l'espace public - les grosses voitures qui auraient gagné en moyenne environ 250 kg depuis 1990 sont pointées du doigt comme prenant plus de place sur la chaussée - et la "sécurité routière", les accidents impliquant un SUV étant selon la mairie "deux fois plus mortels pour les piétons qu'avec une voiture standard". 

Mais ne seront pas concernés par le tarif majoré "les résidents parisiens et les professionnels sédentaires stationnés dans leur zone de stationnement autorisé, les chauffeurs de taxi dans les stations dédiées, les artisans, professionnels de santé" et les personnes handicapées, selon la mairie. Le choix de ne pas l'appliquer aux résidents a fait l'objet de nombreuses critiques. "Les Parisiens seront soumis à la même tarification", a expliqué David Belliard, car l'exemption n'est valable que quand ils se garent dans leur quartier. Selon la mairie, la surtaxation concernerait "à peu près 10% du parc" et pourrait rapporter environ 35 millions de recettes supplémentaires.

Les tarifs des forfaits post-stationnement (FPS), infligés pour absence ou insuffisance de paiement, pour les voitures les plus imposantes vont aussi tripler afin de ne pas encourager la fraude, a indiqué la mairie ce 5 janvier. "La logique est que cela corresponde à une journée de stationnement", soit 6 heures, a expliqué l'entourage de David Belliard. A Paris, le montant du FPS est de 75 euros dans les arrondissements centraux et 50 euros dans les arrondissements extérieurs, pour un véhicule léger. Pour la tarification spéciale, le montant sera donc trois fois plus élevé, correspondant à ces 6 heures de stationnement: 225 euros dans les arrondissements extérieurs, 150 euros dans les arrondissements centraux. Pour que les horodateurs puissent connaître le poids du véhicule au moment de l'enregistrement obligatoire de la plaque d'immatriculation, la mairie doit obtenir le fichier de données auprès du Service des immatriculations des véhicules (SIV), a précisé la mairie à l'AFP. Grâce à ce fichier national, les véhicules Lapi chargés de contrôler le stationnement en lisant les plaques pourront détecter si le véhicule est concerné par la surtarification ou pas, a indiqué la mairie.

Sans surprise, les associations d'automobilistes ont fustigé l'initiative de la ville de Paris, réfutant notamment l'accusation de pollution. "Un SUV moderne neuf" ne "pollue pas plus, voire même moins, qu'un petit véhicule diesel d'avant 2011", a ainsi souligné l'association 40 millions d'automobilistes.

 

De Washington à Paris, les SUV dans le collimateur des autorités locales

"Véhicules d'assaut des beaux-quartiers" en Grande-Bretagne, "tracteurs de traders" en Norvège... alors que les SUV se sont invités de plus en plus en milieu urbain, leurs détracteurs les affublent de divers surnoms pour réclamer des mesures freinant leur développement. Ils étaient déjà l'une des cibles du maire travailliste de Londres, Ken Livingstone, lorsqu'il a mis en place en 2003 un péage urbain pour limiter l'accès au centre-ville. Un an plus tard, il s'en prenait spécifiquement aux SUV, qualifiant d'"idiots" les Londoniens qui emmenaient leurs enfants à l'école en voitures 4X4.

De la Nouvelle-Zélande aux Etats-Unis en passant par l'Italie et la France, SUV et autres 4X4 sont aussi dans le viseur, depuis près de vingt ans, de militants qui les traquent patiemment la nuit. Avec un objectif commun : dégonfler leurs pneus. Et un mode opératoire assez simple : ils placent une lentille dans le capuchon de la valve avant de la revisser. La légumineuse, en faisant pression sur l'embout, dégonfle le pneu en quelques heures. En 2007 en Suède, un groupe nommé les "Indiens de la jungle urbaine" en immobilise ainsi 1.500, avant de mettre un terme à l'opération l'hiver venu, face à des routes devenues trop piégeuses. L'année suivante, Volvo a vu ses ventes locales de SUV chuter de 27%, sans que l'on sache réellement s'il existe un lien de causalité.

Autre option : la sanction financière imposée par certaines municipalités ou régions. A Washington DC, capitale fédérale des Etats-Unis, depuis octobre dernier, le montant de la taxe d'immatriculation des SUV (de plus de 2.700 kg) est sept fois plus élevée que pour une berline. L'Etat de New-York envisage, lui, d'appliquer des frais d'enregistrement des véhicules en fonction du poids, évoquant une problématique de sécurité routière. Au Canada, dans le quartier branché du Plateau-Mont-Royal de Montréal et le proche comté de Rosemont-La-Petite-Patrie, les tarifs des vignettes de stationnement sont maintenant indexés sur le poids du véhicule. Et dans la ville allemande de Tübingen, dans le Land du Bade-Wurtemberg, il est également 50% plus cher de garer un SUV qu'un véhicule standard.