Stop Covid : un calendrier des plus serrés, une efficacité à prouver 

Fruit d'un partenariat européen, l'application de traçage de contact Stop Covid n'est encore qu'au stade de prototype. Le Parlement, qui a multiplié ces derniers jours les auditions, sera officiellement consulté les 28 et 29 avril 2020. En attendant, les interrogations fusent.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a confirmé lundi 13 avril qu'une application de traçage de contacts serait déployée pour accompagner le déconfinement à partir du 11 mai 2020. Devant les sénateurs, le secrétaire d'État au numérique Cédric O a répété le 14 avril qu'elle ne serait pas "magique" et que pour le moment elle n'en était qu'au stade de "l'analyse de sa faisabilité technique". Interpellé par les sénateurs sur la protection des données personnelles, il a assuré que cette application serait déployée sur "la base du volontariat" tout en garantissant "le complet anonymat des données". 

Optimiste mais pas totalement certain

Finaliser en moins d'un mois une application efficiente aux normes européennes sur la vie privée constitue ensuite un véritable défi. "Est-ce que nous allons réussir à avoir quelque chose qui soit suffisamment précis pour que cela serve son objectif épidémiologique ?  Je suis optimiste mais pas totalement certain", a-t-il déclaré. Parmi les difficultés, les limites de la technologie Bluetooth. En effet, celle-ci ne permet pas de mesurer exactement la distance entre deux smartphones… et donc de savoir s'il y a un réel risque de contamination ou non entre les porteurs des appareils. Le timing est d'autant plus serré que le Président de la République s'est engagé à soumettre ce projet au parlement avant son lancement, à partir du 11 mai. L'Élysée a indiqué le 15 avril que ce débat serait organisé le 28 avril à l'Assemblée nationale et le lendemain au Sénat. Il apparaît d'ores et déjà certain que les discussions techniques et politiques auront lieu "de manière simultanée" a indiqué Cédric O.

Le RGPD scrupuleusement respecté

La pression est donc maximale sur l'équipe chargée de la concevoir. En pratique, l'Inria s'est rapprochée début avril de chercheurs Allemands et Suisses pour travailler sur le protocole Pan-European Privacy-Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT). L'application, qui a pour modèle celle déployée à Singapour, entend respecter scrupuleusement le RGPD. "Aucune information sur le quand le où ou le qui ne seront collectées" a assuré devant les sénateurs le responsable du numérique au sein du comité scientifique Aymeril Hoang. La seule information enregistrée sur un serveur sécurisé sera la durée d'exposition entre les smartphones, les chercheurs devant définir la durée et la proximité justifiant de prévenir les personnes d'un risque de contamination. Autre point en discussion : les modalités d'interfaçage de cette application avec le système de santé pour assurer le suivi des personnes potentiellement contaminées.

Un nécessaire relais humain sur le terrain

Du reste, le président du comité scientifique Covid-19, Jean-François Delfraissy a rappelé que l'application était étroitement liée au dépistage massif de la population au moment du déconfinement, quelque 100.000 tests par jour étant envisagés. Il a aussi insisté sur le fait que cette application n'était qu'un outil au service des épidémiologistes. "S'il n'y a pas d'humain, cela ne marchera pas et on va se planter. En Corée, pays souvent cité comme modèle, on oublie de dire qu'une brigade de 20.000 personnes a été affectée aux enquêtes épidémiologiques de terrain" a-t-il souligné. Et compte tenu de l'écart de population entre les deux pays, ce serait au moins 30 000 personnes qu'il faudrait mobiliser en France ont calculé les sénateurs. 

Une efficacité limitée par la fracture numérique

De son côté Marie-Laure Denis, présidente de la Cnil, a insisté devant les sénateurs sur les prérequis et les discriminations que pourraient provoquer cette application. "25% des personnes n’ont pas l’ordiphone permettant de télécharger l’application et seuls 44% des plus de 70 ans en sont équipés. Il y a aussi les zones blanches dans lesquelles le signal ne passe pas" a-t-elle fait valoir. Des exclus du numérique qui, au-delà de l'impossibilité de bénéficier du service, impacteraient fortement la performance du dispositif puisque certaines études évaluent à 60% le seuil de population à avoir installé l'application pour qu'elle soit efficace. En outre, la commission s'inquiète des pressions que pourraient subir les personnes ayant fait le choix de ne pas installer une application que le gouvernement pourrait finir par rendre obligatoire si l'épidémie perdure.

En attendant le débat parlementaire de la semaine prochaine, les pourfendeurs de la "technopolice" se mobilisent contre l'application. La Quadrature du Net, qui fustige un projet liberticide, a ainsi conçu un argumentaire à destination des décideurs.

Google et Apple proposent leurs services

Google et Apple, qui gèrent la quasi-totalité des systèmes d'exploitation des smartphones, ont annoncé un "effort conjoint pour permettre l'utilisation de la technologie Bluetooth pour aider les gouvernements et les agences de santé à réduire la propagation du virus". Les deux géants de la tech proposent de travailler sur "l'interopérabilité" et de créer à termes une "plateforme de suivi de contacts". Ce projet a fait vivement réagir Aymeril Hoang : "Cela veut dire que sur un plan technique, Google et Apple définissent eux-mêmes quand une personne doit être prévenue qu'elle a croisé une personne contaminée". Il s'est aussi inquiété "qu'ils gardent les identifiants des téléphones concernés" et a estimé que ce projet soulevait "d'énormes enjeux de souveraineté numérique". Néanmoins, il a reconnu que des négociations avec les deux entreprises étaient en cours, l'accès à IOS et Android étant indispensable pour implémenter Stop Covid. La volonté de coopération des deux entreprises avec les gouvernements a du reste été saluée par Cédric O lors des questions orales à l'Assemblée nationale mercredi.

 

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