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Surfaces commerciales autorisées : la tendance à la baisse se poursuit

Le volume des surfaces commerciales autorisées, qui a chuté de 60% depuis 2010, continue à diminuer en 2019. Dans son bilan publié en février 2020, Procos, la fédération du commerce spécialisé, prévoit de nouvelles diminutions, conséquences de la mise en œuvre tardive de la loi Elan et et des nouveaux modes de consommation.

En 2019, le volume des surfaces commerciales autorisées a subi une nouvelle baisse de 1,5% avec 1.313.975 m2. Depuis 2010, la chute est vertigineuse, avec une diminution de 60%. D'après Procos, la fédération pour la promotion du commerce spécialisé, la tendance ne risque pas de s'inverser. Le stock de surfaces commerciales projetées à cinq ans par les promoteurs descend au-dessous de 5 millions de m2, très en-deçà des niveaux enregistrés en 2009 (plus de 9 millions de m2). "Ceci s'explique en grande partie par l'abandon ou la mise en suspens de plusieurs grands projets retardés faute d'obtention des autorisations nécessaires, voire annulés comme Europacity", précise le bilan de Procos publié en février 2020. Et la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018, qui modifie les règles d'urbanisme commercial, avec un durcissement des conditions d'instruction et de nouvelles obligations, "n'a pas eu l'effet accélérateur attendu" sur l'année 2019. Autrement dit, les porteurs de projets n'ont pas multiplié leurs demandes par anticipation.
À l'inverse, Procos estime que la loi et son application tardive devrait avoir des conséquences dans les prochains mois mais plutôt à la baisse. Ainsi, la circulaire permettant aux préfets de surseoir à l'instruction d'un dossier de commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) qui mettrait en péril un projet de "cœur de ville" n'a été publiée qu'en octobre 2019, sans que l'on sache encore à quelle fréquence les préfets vont l'appliquer. La période pré-électorale des municipales a également repoussé à après avril 2020 la mises en œuvre concrète des dispositions applicables dans les opérations de revitalisation de territoire (ORT).

Les conséquences tardives de la loi Elan

Pour Procos, les conséquences arriveront donc plus tard. Le nombre de demandes d'examen en CDAC, qui a déjà baissé de 35% depuis 2016, devrait continuer à diminuer, la loi les rendant plus complexes et plus coûteuses pour tous les projets. Les porteurs de projets ne déposent leurs dossiers que s'ils pensent avoir une bonne chance de les voir autorisés, et ils risquent aussi de privilégier des activités ne nécessitant pas d'autorisations en CDAC (loisirs et restauration). Procos regrette aussi l'hétérogénéité croissante des règles d'urbanisme commercial au niveau local (Scot, DAC, PLU, ORT…). Des outils et instances de gouvernance parfois jugés trop rigides pour s'adapter au fil de l'eau aux évolutions des modes de consommation. Dans ce cadre, Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, préconise des outils plus flexibles. "Pour les enseignes, cette mécanique des Scot, PLU, PLUI est extrêmement compliquée", insiste-t-il. Il s'interroge aussi sur la capacité des élus et acteurs à s'organiser localement et à mettre en œuvre une gouvernance leur permettant de partager une vision de l'aménagement commercial en centre-ville sans oublier les commerces en périphérie. "Soit il s'agit de gros projets avec un seul opérateur, type Unibail, soit pour les autres, en périphérie, cela repose sur une collaboration en amont avec les élus locaux pour partager et définir ensemble les projets et cela n'est pas simple car il y a beaucoup d'acteurs ; cela dépend souvent de la volonté politique des élus locaux", détaille Emmanuel Le Roch, qui met en avant les opérations réussies dans ce cadre à Rennes, Arras ou Compiègne.

Un pacte pour le commerce

Pour le délégué général, plusieurs paramètres entrent aussi en compte, dont les attentes des consommateurs pour des lieux de meilleure qualité. "Il va y avoir des arbitrages sur des sites dont l'avenir ne serait plus commercial ou plus seulement commercial", indique-t-il. Des centres commerciaux qui pourraient devenir des "lieux de vie", associant commerces et centres médicaux, coworking, loisirs, restauration… "Quoi qu'il en soit, il va falloir trouver un concept qui attire les commerces, seuls capables de supporter des loyers élevés, assure Emmanuel Le Roch, et il ne faut pas oublier que le commerce en périphérie représente 70% de la consommation." Mais le délégué général n'écarte pas l'hypothèse de friches commerciales, avec, à l'horizon de vingt ans, la nécessité de détruire des sites dans des zones où sur trois centres commerciaux, deux pourraient suffire. Également consciente de ce risque de friches commerciales, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a publié en novembre 2019 un guide pour la revitalisation commerciale permettant aux collectivités de lutter contre la vacance commerciale et de recréer des dynamiques commerciales non seulement en centre-ville mais aussi en périphérie (voir notre article de décembre dernier).Parmi les autres préoccupations : les nouveaux modes de consommation, plus responsables. Pour assurer la transformation de leur modèle, la Fédération du commerce et de la distribution réclame de son côté un pacte pour le commerce. "Le gouvernement a lancé un pacte en faveur de l'industrie. À mes yeux, il aurait fallu le faire il y a quinze ans", affirme dans un entretien accordé le 17 février aux Echos Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération, concluant : "Pour le commerce, il faut le faire maintenant, sans attendre."