Table rase pour un quartier de Blois

La communauté d'agglomération de Blois a décidé de désurbaniser une entrée de ville afin de ne pas entraver une éventuelle crue dévastatrice de la Loire. La création d'une ZAD permettra d'acquérir toutes les propriétés qui seront rendues à l'état naturel d'ici 2018.


La Loire, "dernier fleuve sauvage d'Europe" a toujours été considérée comme particulièrement dangereuse avec des crues dévastatrices et régulières. Depuis le "Plan Loire grandeur nature" adopté par l'Etat en 1994 et le PPRI (plan de prévention des risques inondations) de 1999, une prise de conscience des risques encourus par les populations riveraines est intervenue. L'Etat et les collectivités locales ont alors décidé de "changer de braquet" afin de mieux protéger les populations riveraines des risques d'inondations. C'est dans ce cadre qu'une expérience pilote en France va être menée à l'entrée de Blois et des communes de Vineuil et Saint-Gervais-la-Forêt, sur les terrains du "déversoir de la Bouillie". Par le biais d'une ZAD (zone d'aménagement différé), le projet consiste à supprimer toutes les constructions installées sur ce déversoir, abaissement du niveau de la digue, "soupape de sécurité" qui permet, en cas de crue centennale (la dernière remonte à 1907), d'atténuer la pression sur les digues et de laisser passer les eaux qui iront inonder des zones naturelles. Le déversoir est donc un élément indispensable à la défense des zones urbanisées. Mais pour qu'il fonctionne pleinement, il doit être libre de toute construction et de tout obstacle. Vierge de toute urbanisation au début du siècle dernier, la Bouillie a connu, jusque dans les années 1970, un certain "laxisme urbanistique" permettant à de nombreuses habitations, souvent modestes, de s'y installer.

ZAD sans concertation

Une crue centennale verrait une vague de 4 mètres déferler sur ce quartier encore habité. C'est pourquoi l'Etat et la région ont demandé à Agglopolys, la communauté d'agglomération de Blois, de mener une opération exemplaire de désurbanisation totale en rasant ce quartier, par le biais d'une ZAD, créée le 3 février dernier, et qui permet à Agglopolys de préempter tous les terrains et habitations pendant 14 ans. Au total, il s'agit d'acquérir une zone de 78 ha avec 135 maisons, 385 terrains et 14 commerces. "C'est la première fois que notre communauté lance une opération de prévention des inondations, explique Julie Truffer, qui dirige cette opération au sein de l'EPCI. Mais c'est aussi la première fois qu'une ZAD est utilisée dans ce cadre". Classés en zone ND et donc inconstructibles, les terrains de la Bouillie ne pouvaient être préemptés par Agglopolys, il fallait donc adopter un autre montage qu'une ZAC. Mais la ZAD ne fait pas l'unanimité : un collectif d'habitants s'est constitué contre le projet et devrait déférer ce montage juridique devant le tribunal administratif. Car contrairement à une ZAC, la ZAD ne prévoit aucune enquête publique préalable et donc aucune concertation. De même, elle ne connaît pas "d'indemnité de réemploi", sorte de "prime" versée aux expropriés dans le cadre d'une ZAC. A la Bouillie, la communauté d'agglomération propose un dispositif moins avantageux avec une évaluation des propriétés établie par le service des Domaines et augmentée de 5%.

Accompagnement social

Le recours à une ZAD permettra également d'étaler "socialement" l'opération sur 14 ans en ayant recours aux acquisitions amiables sans expropriations massives et brutales. Et cela d'autant plus que ce quartier, aux portes de Blois, est habité par des personnes âgées souvent modestes et par des gens du voyage sédentarisés. Par ailleurs, cet étalement dans le temps permettra une meilleure maîtrise financière : l'opération, coûteuse, est en effet chiffrée à 13,4 millions d'euros mais subventionnée à 90% par l'Etat, la région et le conseil général de Loir-et-Cher. Agglopolys a donc commencé ses démarches : quelques maisons viennent d'être achetées et plusieurs autres sont en cours d'acquisition. "Avant même la création de la ZAD, nous avions déjà réalisé une soixantaine d'évaluations, car certains occupants sont demandeurs et veulent être fixés sur leur sort", poursuit Julie Truffer. La communauté d'agglomération, soucieuse d'éviter les "traumatismes", affiche une volonté "d'accompagnement social". Les évaluations de propriétés donnent ainsi lieu à des visites et des échanges afin qu'une solution soit trouvée pour chaque habitant sur le départ. De même, les commerçants devraient avoir la possibilité d'aller jusqu'au terme de leurs baux pour que, là encore, l'opération soit la moins traumatisante possible. Le projet va donc monter progressivement en puissance. Les premières démolitions de maisons programmées fin 2004 - début 2005 devraient accélérer le processus et les départs.


Jean-Jacques Talpin / Innovapresse Orléans pour Localtis

"La ZAD, outil le plus approprié"


 

Pour Jacqueline Gourault, la présidente de la communauté d'agglomération de Blois et maire de La Chaussée Saint-Victor, cette opération représente un enjeu de sécurité civile pour protéger les populations des caprices du fleuve.

La protection contre les inondations impose-t-elle des mesures aussi "radicales" que celle de la Bouillie ?

Faire partir quelque 250 propriétaires de ce site dans l'éventualité d'une crue centennale peut paraître caricatural pour certains ! Pourtant la présence de vies humaines et d'activités économiques à l'intérieur du déversoir est un enjeu de sécurité civile assez fort et sur lequel il est impensable de polémiquer. A partir du moment où la vie de nos concitoyens peut être en jeu, la puissance publique se doit d'intervenir.

La ZAD est-elle le meilleur outil pour mener ce genre d'opération ?

La ZAD, d'un point de vue juridique, est un outil parmi d'autres. Dans le contexte blésois, il nous a semblé être le plus approprié. En effet, le quartier est composé en majorité de personnes âgées qui y vivent depuis des années. Sur proposition de l'Etat et de la région, la communauté d'agglomération de Blois a souhaité mettre en oeuvre cette procédure pour que ces gens si attachés à leur quartier ne subissent pas le traumatisme d'une expropriation. Bien que contestée par certains habitants nous croyons en la ZAD !

Quels sont les "ingrédients" pour bien réussir une opération comme celle de Blois ?

Il serait présomptueux de croire que l'opération de Blois est une réussite puisque nous n'en sommes qu'au début. Cependant, ce qui a semblé primordial aux élus d'Agglopolys, c'est d'être toujours en contact avec les habitants, d'être à leur écoute, d'essayer de comprendre leurs craintes et de les aider à relativiser leur départ qu'il soit à court ou à long terme. S'il y a quelque chose que nous souhaitons réussir, c'est bien d'instaurer un vrai dialogue avec les habitants et d'être toujours disponibles pour leurs questions.


 

Une zone verte en 2018


La durée de la zone d'aménagement différé est prévue pour 14 ans. A terme, si l'opération n'est pas achevée en 2018, des expropriations pourraient éventuellement intervenir. A moins qu'une nouvelle ZAD ne soit créée, mais obligatoirement avec un périmètre différent de celui de la première. D'ici là, les maisons seront détruites (ainsi qu'un vélodrome municipal) pour laisser place à une zone naturelle, un parc ou des jeux de plein air et donc sans aucun obstacle à l'écoulement des eaux. Le déversoir pourrait donc retrouver son visage original du début du 20e siècle.

Communauté d'agglomération de Blois

Nombre d'habitants :

108871

Nombre de communes :

43
1 rue Honoré-de-Balzac
41000 Blois

Jacqueline Gourault

Présidente

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