Environnement - Terrains pollués : les questions d'urbanisme en suspens
La loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages et son décret d’application du 7 septembre 2005 ont jeté un pont entre le droit de l’environnement et celui de l’urbanisme pour traiter la question des terrains abandonnés par les exploitants soumis au régime des installations classées. Mais le dispositif prévu par ces textes s’avère incomplet et particulièrement complexe à mettre en œuvre. Un colloque co-organisé le 30 mars par la Chambre des notaires de Paris et le Groupement de recherche sur les institutions et le droit de l’aménagement, de l’urbanisme et de l’habitat (Gridauh) a tenté d’en éclairer les principaux aspects et a pointé ses lacunes.
Yves Jégouzo, directeur du Gridauh, a rappelé la chaîne des responsabilités. Lors de la cessation d’activité, l’exploitant a l’initiative de la remise en sécurité et doit faire une proposition au maire sur l’usage futur du site. Ce dernier a trois mois pour donner ou non son feu vert. Si le maire n’est pas d’accord avec la proposition de l’exploitant, l’usage du terrain est gelé, c’est-à-dire que l’usage retenu est comparable à celui de la dernière période d’exploitation de l’installation mise à l’arrêt. Si l’accord sur l’usage ou le changement d’usage se traduit par des normes de sécurité plus élevées se pose le problème de l’articulation avec les évolutions du plan local d’urbanisme (PLU). Si l’exploitant lui-même propose le gel du terrain et que le maire s’y oppose car il le juge incompatible avec l’urbanisation du secteur, l’arbitrage du préfet est requis.
Pour Yves Jégouzo, il y a "un passage de témoin incomplet de la police des installations classées au droit de l’urbanisme" car selon lui, "le maire, autorité d’urbanisme de droit commun, n’a pas toujours les instruments nécessaires pour effectuer les contrôles et obtenir les garanties juridiques nécessaires". S’il a la possibilité de refuser un permis de construire sur un site pollué, il ne peut pas le subordonner à des prescriptions faute de pouvoir exiger de l’aménageur tous les documents permettant de s’assurer qu’avec des travaux de dépollution, le terrain ne présentera plus de risque. Depuis la réforme des autorisations d’urbanisme, la liste des pièces exigées du pétitionnaire a été limitée et ce type d’études n’y figure pas, a souligné Yves Jégouzo.
Si l’obligation de remise en état du site pèse d’abord sur la personne du dernier exploitant, la loi de 2003 et le décret de 2005 ont aussi prévu que l’aménageur changeant l’usage du site en devienne responsable et soit tenu d’en faire la dépollution complémentaire, a confirmé Eliane Frémeaux, notaire à Paris. Reste la question des sites orphelins. Si l’exploitant est introuvable, l’Ademe peut prendre en charge in fine les coûts de dépollution mais via la législation sur les déchets, le propriétaire peut aussi être tenu responsable.
Pour Philippe Baffert, chef du bureau de la législation de l’urbanisme au ministère de l’Ecologie, la loi de 2003 ne règle en rien les questions d’urbanisme. En se limitant au moment où l’exploitant cesse son activité, elle s’est focalisée sur les obligations incombant à ce dernier. "Cela relève de la police de la dépollution et du traitement des déchets mais ce n’est pas de l’urbanisme", a-t-il affirmé. Si cette législation est adaptée aux terrains délaissés actuellement par les entreprises, elle ne permet pas de résoudre le problème des sites abandonnés depuis longtemps. Mais pour Philippe Baffert, traiter les trous du dispositif est moins une question de droit que de moyens financiers à allouer à la dépollution des sites.
Anne Lenormand