Territoires numériques éducatifs : "un niveau d’équipement souvent insuffisant"

Le rapport d'évaluation du dispositif "territoires numériques éducatifs" (TNE) qui fait le bilan des expérimentations menées dans les départements de l’Aisne et du Val-d’Oise durant l’année scolaire 2020-2021 rapporte que le niveau d'équipement est encore souvent insuffisant, que les retours de la communauté éducative sont "ambivalents" et les données nécessaires à l’évaluation souvent "absentes, inaccessibles ou inutilisables". Il formule plusieurs recommandations. 

"Les sentiments exprimés par la communauté éducative au cours de cette phase initiale de déploiement du démonstrateur sont ambivalents. Ils témoignent à la fois d’une forte adhésion aux principes fondateurs du programme et d’une désillusion quant à sa mise en œuvre", peut-on lire dans le rapport produit par les unités de recherche Techné de l'université de Poitiers et Bonheurs de l'université de Paris Cergy pour évaluer le démonstrateur "territoires éducatifs numériques" (TNE) dans les départements de l’Aisne et du Val-d’Oise. Il concerne la première année du démonstrateur et porte sur l’année scolaire 2020-2021. Par "démonstrateur", on entend donc "expérimentation à petite échelle du programme TNE" qui doit être étendue plus largement, avec une première vague de dix nouveaux départements annoncée par le Premier ministre, Jean Castex, le 8 octobre 2021 à Poitiers (lire nos articles du 29 juin 2022 et du 16 décembre 2021).

Rappelons que le programme TNE, annoncé en septembre 2020 par Jean-Michel Blanquer et Guillaume Boudy, secrétaire général pour l’investissement, vise à "mieux former les enseignants au numérique, à réduire la fracture numérique existant entre les élèves, à accompagner et à former les parents, et enfin à permettre un accès facilité à des ressources pédagogiques de qualité". Voici côté ambition.

Une formation inégale entre les territoires

Côté retours du terrain, ce rapport présente les résultats suivants : "un succès en termes de réduction du retard au regard des équipements malgré une mise en œuvre difficile ; une faiblesse notable du point de vue des ressources numériques d’enseignement et d’apprentissage disponibles et de leur usage ; une formation inégale entre les territoires, incomplète, mal adaptée aux contraintes et réalités des terrains".

Le document relève aussi que "malgré les précédents efforts d’équipement des écoles par l’État et les collectivités, le niveau d’équipement antérieur à TNE s’avère le plus souvent insuffisant, tant pour faire face aux besoins d’une continuité pédagogique d’urgence que pour engager la transition numérique de l’éducation dont l’école a besoin". Ainsi, plus de 40% des enseignants signalent un manque d’équipement et plus de 30% soulignent que le matériel déjà installé est souvent obsolète. "Il est donc indispensable d’équiper massivement les écoles", conclut le rapport.

Par ailleurs, le document souligne que "l’équipement d’une partie des familles est insuffisant pour organiser le travail scolaire à la maison et la mise à disposition des équipements TNE pour un usage scolaire à la maison soulève de nombreuses questions et difficultés (éligibilité, propriété des matériels et assurance, modalités de prêt…)". À cela s'ajoute une autre difficulté rapportée par les chercheurs : plus des deux tiers des enseignants des deux départements déclarent ne pas être suffisamment bien équipés à titre personnel pour travailler à la maison (65%).

Mener une politique explicite de collecte et de gestion des données

Le rapport formule une série de recommandations pour les prochains territoires qui bénéficieront du programme TNE. En premier lieu, il conseille de "concevoir la première année de déploiement comme une année d’élaboration d’un véritable projet départemental consistant, coconstruit par les services et opérateurs de l’État avec les collectivités territoriales (départements et communes) et donnant la plus grande place possible à la participation individuelle et collective des enseignants et des parents au moyen d’ateliers de conception participatifs".

En second lieu, on notera que le rapport plaide pour une "construction de communautés apprenantes géographiques ou thématiques", en leur donnant "du temps, une véritable reconnaissance institutionnelle", et par des apports de méthode et de l’expertise". Les chercheurs préconisent aussi de "réintégrer aux projets des prochains territoires concernés par l’extension du programme TNE la question de l’ingénierie technopédagogique de la continuité pédagogique et des problèmes d’équipement des familles qu’elle induit".

Pour ce qui est des données, les chercheurs estiment enfin que leur "évaluation a montré combien [elles sont] nécessaires à l’évaluation du démonstrateur comme à son pilotage [...], c’est-à-dire indispensables, mais aussi souvent absentes, inaccessibles ou inutilisables". Ainsi l'évaluation recommande d'associer à chaque nouveau territoire TNE, "dans le respect des instruments nationaux, lois, règlements et principes éthiques, une politique explicite de collecte et de gestion des données contribuant au pilotage et à l’évaluation du programme". Il faudrait y "impliquer tous les acteurs concernés selon leur niveau de responsabilité et mettre en place des actions de sensibilisation et de formation pour favoriser une culture partagée de la donnée".