Commande publique - Toujours bien contrôler les capacités des candidats
L'arrêt Smirgeomes du 3 octobre 2008 a renforcé la sécurité juridique des contrats en limitant les motifs d'annulation d'un marché public dans le cadre d'un référé précontractuel. Le Conseil d'Etat vient pourtant de préciser, dans un arrêt du 29 avril 2011, que le fait de ne pas contrôler les moyens humains, matériels et financiers des candidats constitue un manquement susceptible d'avoir lésé les entreprises évincées. Et que cette présomption de lésion suffit pour faire annuler toute la procédure.
Il s'agissait en l'occurrence d'un marché du ministère de la Justice relatif à l'alimentation du fichier national des empreintes génétiques. Compte tenu du caractère complexe et sensible de ces prestations, seules les sociétés titulaires d'un agrément prévu par un décret du 6 février 1997 sont autorisées à procéder à des identifications par empreintes génétiques dans le cadre d'une procédure judiciaire. L'accès au marché étant nécessairement limité aux entreprises bénéficiant de cet agrément, le garde des Sceaux a directement adressé les documents de consultation aux douze sociétés habilitées et les a invitées à déposer une offre.
A la demande d'un candidat évincé, la procédure a été annulée par le juge des référés précontractuels. L'ordonnance, confirmée par le Conseil d'Etat, rappelle en effet que le pouvoir adjudicateur est tenu de "contrôler les garanties professionnelles, techniques et financières des candidats", quels que soient le montant ou les spécificités du marché. Le juge administratif considère que si l'agrément permet de garantir que les sociétés qui en sont titulaires disposent des compétences professionnelles requises, il ne permet pas de garantir "que les candidats disposaient également des capacités techniques et financières requises pour exécuter le marché". Les juges rappellent ainsi que dans tous les cas de figure, l'avis d'appel public à concurrence - ou à défaut le règlement de consultation lorsque cet avis n'est pas obligatoire - doit "nécessairement prévoir un de ces documents ou renseignements afin précisément de permettre au pouvoir adjudicateur de procéder au contrôle des garanties requises des candidats".
Précisions sur le type de manquement susceptible de léser un candidat évincé
Depuis l'arrêt Smirgeomes, il appartient au juge de rechercher "si l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente". Cette interprétation stricte a rendu la plupart des "vices objectifs" inopérant en référé précontractuel.
Le Conseil d'Etat a pourtant considéré en l'espèce que, bien que la candidature de la société requérante ait été retenue, le manquement était susceptible de l'avoir lésé "compte tenu de sa portée et du stade de la procédure auquel il est intervenu". Le fait de ne pas avoir contrôlé les capacités des candidats était en effet susceptible de permettre, "et a d'ailleurs permis" précise le juge, à la société X "qui n'aurait pas disposé des garanties techniques et financières requises pour exécuter le marché, d'être retenue".
L'Apasp
Références : Conseil d'Etat, arrêt Garde des Sceaux / Institut Génétique Nantes Atlantique, n°344617, du 29 avril 2011 ; Conseil d'Etat, arrêt SMIRGEOMES, n°305420, du 3 octobre 2008