Archives

Emploi - Transfert du RMI : d'importants impacts organisationnels

Une étude menée par la Drees auprès des conseils généraux avec le concours de l'ADF dresse un état des lieux des modalités d'intervention et d'organisation mises en oeuvre par les départements pour assurer la gestion du RMI. Elle confirme que les solutions retenues sont loin d'être homogènes.

Le RMI fait décidément beaucoup parler de lui ces temps-ci, que ce soit par rapport à la compensation financière de son transfert, à l'éventuelle perspective d'un rapprochement des minima sociaux ou bien encore aux propos des uns et des autres sur le renforcement du contrôle des Rmistes.
Le congrès de l'Assemblée des départements de France (ADF) s'en est largement fait l'écho fin septembre, Brice Hortefeux, qui y représentait le gouvernement, enjoignant les départements à prendre toute la mesure de leurs responsabilités en la matière. Et le ministre délégué aux Collectivités territoriales de résumer ainsi sa vision des choses : "La vraie réponse à ce problème [celui de l'augmentation du nombre de Rmistes] est entre vos mains. Si le RMI a été transféré à un acteur unique, c'est pour en rendre la gestion plus efficace et faire en sorte que l'insertion des Rmistes (...) prenne toute sa mesure. Chaque Rmiste doit pouvoir trouver des pistes d'insertion et donc à terme quitter le dispositif, à moins qu'il ne le souhaite pas, mais alors le versement de l'allocation posera problème." Une vision forcément réductrice par rapport à la complexité dont témoignent les conseils généraux, ne serait-ce qu'en termes d'impacts très concrets de cette décentralisation du RMI : nouveaux modes d'organisation interne, conventions à négocier et établir avec de multiples partenaires, redimensionnement des dispositifs d'insertion existants...


Difficultés de mise en oeuvre, diversité des solutions

On sait ainsi par exemple que le dossier des nouvelles relations entre départements et ANPE (conventions de mise à disposition de conseillers), s'il semble à peu près résolu, a suscité pas mal de tensions et tergiversations. Le transfert au département des personnels de l'Etat chargés du RMI a lui aussi parfois posé problème.
Une étude que vient de publier la Drees (ministère de l'Emploi et de la Cohésion sociale / ministère de la Santé et des Solidarités), menée auprès des conseils généraux avec le concours de l'ADF, cite d'autres sources de difficultés rencontrées par les acteurs départementaux (au-delà de la question du financement) : difficultés pour mettre en place la désignation des référents devant être affectés à chaque allocataire du RMI, surcharge d'activité, incertitudes juridiques entourant certains aspects de gestion, question de l'articulation avec le CI-RMA et avec les dispositions du plan de cohésion sociale...
Surtout, cette enquête permet de mieux cerner les nouvelles modalités d'intervention et d'organisation mises en oeuvre par les départements pour assurer la gestion du RMI. Malgré le caractère déjà quelque peu daté de ses résultats (elle a été menée au 1er trimestre 2005, alors que nombre de départements n'avaient pas encore fini d'"absorber" la réforme), elle confirme en tout cas que les solutions retenues sont loin d'être homogènes.


Un maillage dense et subtil

Début 2005, trois départements sur quatre avaient déjà modifié leur organisation pour tenir compte de la décentralisation du RMI, le plus souvent en créant un ou des services dédiés (avec parfois une unité exclusivement dédiée au CI-RMA). De même, l'intégration des personnels de l'Etat chargés du RMI avait, dans trois départements sur quatre, été complétée par de nouveaux recrutements. Dans plus de la moitié des départements concernés, le nombre de personnes recrutées était même supérieur à celui des personnes transférées.
Autre impact matériel : la nécessité de revoir les systèmes d'information. Début 2005, 41% des conseils généraux avaient modifié leurs systèmes d'information pour assurer le suivi des bénéficiaires du RMI et optimiser les échanges avec les organismes chargées du versement de l'allocation (et 44% prévoyaient de le faire).
S'agissant des accords conclus avec les différents acteurs pour préciser les champs d'intervention de chacun et les diverses délégations de compétences, les choses ne sont pas simples. Caisses d'allocations familiales (CAF) et caisses de mutualité sociale agricole (CMSA) pour la gestion et le versement, ANPE et Afpa pour les actions d'insertion, sans oublier les associations ni, bien sûr, les communes et les Ccas ou Cias? Le conseil général se retrouve bien au coeur d'un maillage dense et subtil.
Au niveau des CAF, la signature d'une convention, le plus souvent d'une durée de trois ans, était de règle dès le début de l'année. En revanche, la liste des compétences transférées dans le cadre de ces conventions était d'ampleur très variable, parfois limitée aux services "de base" et parfois, au contraire, étendue à des domaines tels que l'évaluation des revenus pour les non-salariés et travailleurs indépendants ou les dérogations pour l'ouverture de droits aux étudiants.


Contrôle maintenu... ou renforcé

On notera que la totalité des conventions avec les CAF ou les CMSA prévoient le maintien des contrôles à l'égard des Rmistes? et que un département sur cinq avait en outre demandé à ces organismes payeurs de renforcer cette politique de contrôle. Enfin, parmi les départements qui avaient mis en place le CI-RMA début 2005, les deux tiers avaient confié le versement de l'aide départementale à ces organismes payeurs (les autres conseils généraux assurant cette mission en direct).
Du côté de l'ANPE, les chiffres du début de l'année indiquaient déjà que très peu de départements décideraient de court-circuiter l'Agence. Les accords avec l'ANPE concernant la mise à disposition de conseillers ANPE au sein des équipes départementales ou des prestations de services en matière d'accompagnement des Rmistes? voire les deux à la fois (dans trois départements sur dix).
Un département sur cinq avait par ailleurs signé début 2005 un ou plusieurs accords avec l'Afpa (formation, bilan de compétences, définition de projets professionnels?), le plus souvent avec clauses d'objectifs et de résultats.
Si les textes prévoient la possibilité pour les départements de déléguer aux communes et EPCI la mise en œuvre et le suivi des programmes locaux d'insertion (PLI), l'étude constate que la plupart des conseils généraux ont en réalité préféré continuer à assurer eux-mêmes cette compétence. S'agissant des autres instances locales d'insertion, la décentralisation du RMI a rapidement été suivie d'effets. Ainsi par exemple, au premier trimestre 2005, les deux tiers des départements avaient procédé au renouvellement de leur conseil départemental d'insertion (CDI), 80% disposaient d'un programme départemental d'insertion (PDI) et un tiers avaient modifié le découpage territorial des commissions locales d'insertion (CLI), le plus souvent pour élargir leur périmètre.


Partage des rôles à géométrie variable

En matière d'instruction des dossiers, pas de formule unique. Dans plus de neuf cas sur dix, une partie au moins des dossiers est instruite par les services départementaux. Mais les Ccas continuent eux aussi d'être des lieux privilégiés de dépôt des demandes de RMI? et une partie des départements délèguent en outre l'instruction de certaines demandes aux CAF ou CMSA. En fait, dans la moitié des départements, trois types d'organismes ou services se partagent ce rôle d'instruction.
Partage des rôles à géométrie variable, aussi, au niveau des "référents" chargés d'élaborer le contrat d'insertion avec chaque bénéficiaire du RMI. Car si tous les départements déclaraient disposer de référents dans leurs services, la plupart d'entre eux avaient parallèlement délégué une partie de cette fonction à d'autres instances ? aux Ccas notamment, parfois aussi aux CAF et à l'ANPE.
Lorsque des référents existent ainsi dans plusieurs structures, l'orientation vers l'une ou l'autre d'entre elles "dépend principalement des caractéristiques du bénéficiaire, de son lieu de résidence, voire de sa situation sociale ou professionnelle", note la Drees (orientation des personnes isolées vers les Ccas, des familles vers les services du département, des SDF vers les associations, des jeunes vers les Paio ou missions locales?). En sachant que les référents relevant des services du conseil général sont très majoritairement des travailleurs sociaux. Et que parmi les départements proposant le CI-RMA, les choses se compliquent encore un peu plus? puisque le plus souvent, le suivi des personnes concernées est assuré, non pas par le référent RMI, mais par un autre agent du conseil général, un agent de l'ANPE ou d'une mission locale, voire un prestataire de services.


Claire Mallet

 

Pour aller plus loin

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis