Transition écologique : des besoins en nouvelles formations plus ou moins marqués selon les secteurs

La transition écologique n’entraîne pas forcément des besoins accrus en nouvelles formations. Une enquête du réseau des Carif-Oref, menée au sein de trois régions françaises, invite à affiner l’analyse en se penchant sur plusieurs secteurs concernés par la transition écologique.

Si de nombreux secteurs économiques sont amenés à faire évoluer leurs activités en lien avec les questions écologiques, le besoin de renforcer les formations professionnelles pour accompagner cette transition apparaît très variable d'un cas à l'autre. Telle est l'une des conclusions du réseau des Carif-Oref*, qui a mené l'enquête dans le cadre d'une expérimentation confiée par le haut-commissariat aux compétences (dissous depuis). Ce travail, dont les premiers résultats ont été présentés dans un webinaire organisé par le Réseau emplois compétences et diffusé en janvier, avaient pour but d'analyser plus finement l'évolution des besoins en compétences liées à la transition écologique.  

"La transition écologique induit une évolution des métiers en termes de compétences à acquérir mais il n'y a pas forcément apparition significative de nouveaux métiers. L'expérimentation sur petits échantillons ne va pas vraiment dans ce sens", indique Cécile Réveille-Dongradi, chargée de missions au réseau des Carif-Oref. Plusieurs chargés de mission ont ainsi brossé les enjeux dans quelques secteurs concernés, comme la construction, la gestion des déchets, l'agriculture, la chimie ou encore les mobilités, au sein de trois régions françaises : le Centre-Val de Loire, les Pays de la Loire et la Normandie. Sur la question de savoir s'il faut territorialiser ou non le suivi des besoins en compétences autour de la transition écologique, le réseau ne souhaite pas se prononcer à ce stade : "Sur un même métier observé, il peut exister des nuances d'une région à l'autre en termes de compétences et connaissances mais l'expérimentation est trop petite pour trancher réellement sur la question des besoins différenciés", ajoute Cécile Réveille-Dongradi,

Photovoltaïque : des modules complémentaires pour les couvreurs et électriciens

Les travaux du réseau permettent néanmoins de se pencher sur les enjeux selon les secteurs d'activité. Le développement des énergies renouvelables, par exemple, n'entraîne pas une évolution des métiers de la construction, mais davantage des évolutions en compétences. 

Chargée d'études, Fanny Decaux note que s'agissant du développement du photovoltaïque, les couvreurs vont devoir maîtriser la pose et l'intégration de ces installations, tandis que les électriciens vont devoir être en capacité de réaliser une mise en service ou un raccordement au système électrique. "On est dans le cas de métiers existants qui vont devoir acquérir un nouveau geste", souligne-t-elle. Ce qui n'entraîne pas de nouvelles formations, mais plutôt "des modules complémentaires et connaissances supplémentaires sur les normes". 

Dans l'agriculture, l'utilisation de moins en moins tolérée des pesticides entraîne le développement de nouvelles techniques de désherbage qui impliquent là aussi d'ajouter des modules complémentaires aux formations de base, lesquelles existent déjà en Normandie. 

Véhicules électriques : des besoins en formation déjà pourvus 

Parfois, les entreprises prennent directement en charge la formation, comme dans le cas de Siemens Gamesa, qui produit nacelles et pales des éoliennes. "Nos recrutements se font sans qualifications, par la méthode de recrutement par simulation et on les forme nous-mêmes par la suite", explique son DRH, Arnaud Gommel. Dans la maintenance des éoliennes off-shore, en revanche, apparaît le besoin d'embaucher des professionnels "bons dans tous les domaines", comme la mécanique, l'électronique, ou l'hydraulique. Des formations spécialisées existent, les profils qui cumulent ces compétences "ne sont pas légion". 

Souvent identifiés comme étant exposés à de fortes évolutions ces prochaines années, les secteurs des services automobiles, des transports routiers et la logistique ont "vraiment anticipé les compétences et les besoins en formation liés à la transition écologique", affirme le chargé d'études Guy-Stéphane Akanza. Il prend l'exemple de l'éco-conduite, déjà enseignée aux conducteurs routiers, ainsi que des mécaniciens automobiles ou de camions, qui sont déjà formés pour intervenir sur des modèles électriques. Au sein des trois régions, "nous n'avons pas constaté de déficits en termes de formation sur le métier de mécanicien". 

Méthanisation et compostage en fort développement

Dans d'autres cas, ce sont bien de nouveaux métiers qui émergent. C'est le cas de l'agriculteur méthaniseur, qui devra apprendre à gérer une unité de méthanisation, de son approvisionnement jusqu'à sa valorisation. En Normandie, des acteurs se sont fédérés pour accompagner ce nouveau métier : une certification de responsable d'une unité de méthanisation agricole a été créée, indique Fanny Decaux.

Dans la gestion des déchets, c'est la réglementation qui stimule les besoins. La généralisation du tri à la source des biodéchets, imposée par la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire, entraîne le développement des métiers de maîtres composteurs et de guides composteurs. Ceux-ci "auront besoin de compétences qui permettront d'organiser la mise en place du tri au sein des collectivités", explique Guy-Stéphane Akanza.

Accompagner l'émergence du réemploi de matériaux 

En matière de réemploi, Frantz Daniaud, créateur de la première formation certifiante au réemploi de matériaux et à la valorisation des matériaux bio et géosourcés, insiste, lui, sur la nécessité d'un passage à l'échelle. La mise en place de la nouvelle filière REP des déchets du bâtiment (PMCB) en janvier 2023, "quelques CFA intègrent petit à petit des contenus très généraux sur l'économie circulaire", note-t-il. Cependant, il faut désormais former aux nouveaux gestes professionnels. "Utiliser les chantiers comme supports de formation est indispensable aujourd'hui car les plateaux techniques sont inadaptés pour la formation en réemploi de matériaux", indique le formateur. Cette formation sur site "complexifie la mise en place de certaines formations". 

*Les Carif-Oref regroupent les centres d'animation et de ressources ainsi que les observatoires régionaux spécialisés dans l'emploi et la formation.

 

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