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Transition énergétique et emploi : les conclusions de la mission de Laurence Parisot

En mars 2018, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique, composait le comité AcTE (Accélérateur de la transition énergétique) et confiait à Laurence Parisot une mission concernant les filières, les emplois et les enjeux de formation. L’ex-présidente du Medef a rendu ses conclusions le 19 février 2019, parmi lesquelles l’affinage de l’évaluation et l’amplification de la formation, sans oublier celle des fonctionnaires amenés à piloter les projets de transition énergétique des collectivités territoriales.

On parle de moins en moins de croissance verte, et le mythe de la décarbonation comme levier majeur de création d’emplois a vécu. Création d’emplois, certes, mais destruction aussi. Où se situe le solde ? Difficile à évaluer. En 2015, les estimations, selon les paramètres pris en compte, variaient de 300.000 à 3,8 millions d'emplois créés. Pour y voir plus clair et définir une vision prospective des impacts de la transition écologique en matière d'emplois et de compétences dans les secteurs concernés, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait un Plan de programmation de l'emploi et des compétences (PPEC). La mission avait été confiée en mars 2018 à Laurence Parisot, qui a rendu son rapport le 19 février 2019 aux ministres de la Transition écologique et solidaire, du Travail, de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
En premier lieu, Laurence Parisot met en avant la nécessité d’une vision générale, transversale et régulièrement actualisée de la transition énergétique. Parmi les recommandations concrètes : "créer un dashboard des emplois directs et indirects de la transition énergétique", à partir des données de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) et de l'Observatoire national des emplois et métiers de l'économie verte (Onemev). Pour composer ce tableau de bord et faire en sorte qu’il soit le plus proche de la réalité, le rapport propose d'élargir le champ d'observation aux activités de services et d'intégrer un suivi spécifique des start-ups. Une déclinaison régionale de ces informations est aussi recommandée, le tout en associant les branches professionnelles et les comités de filières. "Sans un tel outil, un pilotage ajusté de la transition est quasi impossible", indique le rapport. 

Formation initiale : une considérable marge de progression

Sur l’année 2015-2016, 25.000 étudiants étaient inscrits en "maîtrise de l’énergie et énergies renouvelables", soit environ 1% de la population étudiante. C’est peu au regard de l’ampleur du chantier de la transition énergétique. Pourtant, dans la formation initiale, "le processus d’adaptation est bien entamé", assure le rapport, qui préconise donc de se "poser la question de la visibilité et de l’attractivité des diplômes ayant une dimension transition énergétique", en intégrant à cette réflexion l’attractivité du nucléaire, qui, par la pérennisation de certaines centrales et le démantèlement d’autres, sera une filière particulièrement génératrice d’emplois.
Il faut multiplier l’enseignement des métiers d’avenir, avec des programmes révisés au rythme des évolutions technologiques, et non pas tous les cinq ans, précise le document, qui préconise aussi d’amplifier la formation pratique avec les entreprises, sur des cas réels.
De son côté, la formation professionnelle propose une "offre partielle à compléter, à rendre intelligible et accessible". Il faut réviser à un rythme plus soutenu les référentiels métiers, "favoriser les formations doubles alliant transition numérique et transition énergétique". France Compétences, qui vient de naître, aura son rôle à jouer. Le rapport suggère ainsi que la nouvelle agence ouvre un chantier spécifique à la transition énergétique.

Organiser le pilotage des projets

Le rapport aborde aussi la question de la formation dans la fonction publique territoriale mais aussi dans la fonction publique d'Etat en région. Il relève que les personnels "ne sont pas toujours en mesure d’assurer le pilotage technique des actions mises en œuvre par une collectivité pour la transition énergétique",  la formation initiale des différents corps de fonctionnaires d’État ou territoriaux n’incluant pas toujours la formation technique aux enjeux d’économie d’énergie, de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants, ou d’adaptation au changement climatique. La Mission recommande donc de proposer des modules "économies d’énergie", "production d’énergie dont énergies renouvelables et de récupération", "réduction des émissions de gaz à effet de serre, polluants et adaptation au changement climatique" dans les formations initiale et continue des fonctionnaires.
Par ailleurs, elle recommande la mise en place de formations techniques dédiées aux collectivités liées à la mise en oeuvre de la transition énergétique : "l’offre de formation déjà existante (Ademe, CNFPT,…) pourrait être étoffée par exemple par une journée technique autour des enjeux locaux de la transition énergétique en y associant l’ensemble des services concernés, détaille-t-elle. Elle pourrait comporter un volet emploi". Selon la mission, cela permettrait de faire un lien entre l’exercice national de planification - programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) en cours de préparation.
Outre cette nécessité d'une meilleure formation des "pilotes", il est proposé comme outil une instance de partage d’informations réunissant les ministères de l’Environnement, de l’Économie et des Finances, du Travail, les représentants du Conseil national de l'industrie (CNI), les organisations d’employeurs et les organisations de salariés, pour permettre de prendre en compte tous les enjeux de la transition énergétique. Cela s’accompagne de la nécessité de sensibiliser les branches professionnelles à en examiner régulièrement les impacts sociaux. 
Le document propose enfin d'inciter les régions et les grandes collectivités locales à "suivre très régulièrement en collaboration avec les organisations d'employeurs et les organisations de salariés les impacts locaux de la transition énergétique afin de mettre en place le plus en amont possible les meilleurs instruments permettant les transitions réussies".
La mission n’est pas terminée. Pour prolonger la réflexion, le gouvernement va faire appel aux associations environnementales et aux syndicats. Réflexion qui doit aboutir à une feuille de route opérationnelle définie au cours du printemps 2019.

 

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