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Energie - Transition énergétique : la commission du développement durable du Sénat retrouve l'esprit du Grenelle

La commission du développement durable du Sénat, saisie sur le fond d'une grande partie du projet de loi relatif à la transtion énergétique, a présenté ses amendements le 21 janvier. Défendant une vision "pragmatique", elle a apporté plusieurs modifications notables au volet mobilités et économie circulaire du texte. Dans le domaine des énergies renouvables, elle a aussi rétabli les zones de développement de l'éolien qui avaient été supprimées par la loi Brottes de 2013.

"Ce projet de loi pourrait s'intituler Grenelle III car il s'inscrit dans le droit fil du Grenelle de l'environnement initié par Jean-Louis Borloo", a affirmé Louis Nègre le 21 janvier, en présentant les principaux apports de la commission du développement durable du Sénat au projet de loi relatif à la transition énergétique, adopté en octobre dernier par l'Assemblée nationale. Rapporteur du texte pour cette commission, le sénateur UMP des Alpes-Maritimes parle en connaissance de cause puisqu'il avait été co-rapporteur de la loi Grenelle II. Selon lui, si ce projet de loi peut être inscrit dans la chronologie du Grenelle, c'est parce qu'"il en a adopté la méthode, même si la concertation a été moins large qu'en 2010", qu'"il en a retenu la nécessité du pragmatisme" et qu'"il dépasse (…) le simple cadre des textes énergétiques traditionnels". "Il ne s'agit pas d'un simple rééquilibrage du mix énergétique mais bien d'un changement de modèle complet, qui va de l'économie à nos comportements, à nos façons de nous déplacer et de consommer, a souligné Louis Nègre. C'est un projet global, comme l'est le concept de développement durable." Voilà pour le constat préalable. Hervé Maurey, président de la commission du développement durable du Sénat s'est, lui, félicité que, contrairement à l'Assemblée nationale, le travail préparatoire a été réparti au Palais du Luxembourg entre les deux commissions les plus directement intéressées, la sienne et celle des affaires économiques.

La méthode du pragmatisme

Autre point notable, souligné par Louis Nègre : contrairement aux députés, les sénateurs ont "un temps significatif pour travailler" sur un texte particulièrement touffu puisqu'il est passé de 64 articles à l'origine à 175 articles après son examen au Palais Bourbon. La commission du développement durable, saisie au fond de 83 articles (titre III sur les transports et l'air, titre IV sur l'économie circulaire, titre V consacré aux énergies renouvelables, titre VI sur la gestion du risque nucléaire plus l'examen des objectifs de l'article 1er), a examiné environ 450 amendements les 20 et 21 janvier. Un peu plus de 120 ont été adoptés, "la plupart à l'unanimité", a insisté Hervé Maurey. "Nous avons retenu la méthode du pragmatisme car il ne sert à rien de voter des textes que l'on ne pourra pas appliquer demain, a poursuivi Louis Nègre. Notre souci a été de rendre le cadre normatif de la transition aussi simple et lisible que possible pour faciliter l'action des acteurs économiques et locaux."


Sur les objectifs de transition énergique, les principaux ajouts de la commission sénatoriale concernent l'accentuation du cadre européen dans lequel s'inscrivent ces objectifs, l'inscription d'un lien plus étroit entre compétitivité de l'économie et transition énergétique, et l'ajout de la notion de polluants atmosphériques en plus de celle de gaz à effet de serre, et donc les particules fines.

Possible extension des limitations de vitesse inférieures à 50 km/h en agglomération

De nombreuses modifications ont été apportées en matière de mobilités (titre III du texte). Côté mesures nouvelles, un volet "développement des transports" devra désormais être inclus dans la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), du fait du poids du secteur en matière de consommation d'énergie (35%) et d'émissions de gaz à effet de serre (27%). Les maires auront désormais la possibilité d'étendre les limitations de vitesse inférieures à 50 km/h à l'ensemble de la voirie dans les agglomérations, et les autorités organisatrices de la mobilité devront "établir un schéma de développement des aires de covoiturage". Une étude sur l'utilisation des bandes d'arrêt d'urgence par les transports collectifs en heure de pointe devra figurer dans le rapport demandé au gouvernement sur l'opportunité de réserver des voies au transport collectif et au covoiturage. Un autre rapport devra faire le bilan des émissions de particules fines dans le secteur des transports, y compris au titre de l'abrasion – c'est-à-dire au cours du freinage. L'habilitation donnée au gouvernement à prendre par ordonnance des mesures sur les servitudes en sous-sol est remplacée par la définition d'un régime juridique pour ces servitudes, afin de faciliter les opérations du Grand Paris. "Ces servitudes ne pourront être instituées qu'à partir de 15 mètres sous terre et à la condition de ne pas rendre le bien inutilisable dans les conditions normales", précise l'exposé des motifs de l'amendement du rapporteur.

Fin de l'obligation des plans de mobilité pour les entreprises

D'autres dispositions ont été complétées ou assouplies. Ainsi, la commission a décidé d'assouplir l'obligation pour les entreprises d'élaborer un programme d'action pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, en particulier par l'adoption d'une date point de départ avancée à 2010 plutôt que 2015 afin de ne pas pénaliser celles qui ont volontairement fait des efforts depuis la loi Grenelle II. L'obligation de réaliser des plans de mobilité pour les entreprises situées dans le périmètre d'un plan de déplacements urbains (PDU) est également supprimée. "Seul est maintenu leur caractère incitatif et la possibilité d'élaborer des plans interentreprises." Le préfet pourra les rendre obligatoires pour les entreprises de plus de 250 salariés dans les zones soumises à un plan de protection de l'atmosphère (PPA). "Les entreprises sont assaillies par des règlements, des contraintes, des normes, a fait valoir Louis Nègre. Mieux vaut une mesure plus limitée que l'on va pouvoir appliquer plutôt qu'une grande mesure qui restera sur l'étagère". La nouvelle obligation d'"écodiagnostic" (diagnostic thermodynamique du moteur et de ses émissions) pour les ventes de véhicules d'occasion est supprimée et transférée au contrôle technique obligatoire, qui, mieux contrôlé par l'Etat, est renforcé. La durée limitée de création des zones à circulation restreinte (ZRC) dans les villes est supprimée. "Nous redonnons plus de liberté et rendons la responsabilité d'agir sur le terrain à ceux qui sont en prise directe." Est aussi définie la notion de covoiturage, qui doit concerner "au moins deux passagers". La modulation de la dotation de solidarité rurale (DSR), créée par les députés au profit des communes favorisant les économies d'énergie, est supprimée. "Nous serions allés vers une usine à gaz, a justifié Louis Nègre. Cette contrainte supplémentaire a été supprimée à l'unanimité." Est également supprimée la réduction du délai donné aux collectivités pour modifier leur règlement relatif aux enseignes lumineuses et panneaux d'affichage, maintenu donc à 2018. "On appliquera la loi Warsmann, qui avait déjà fait l'objet d'un large débat", a souligné le rapporteur.

Expérimentation des mécanismes de consigne

Concernant l'économie circulaire (titre IV du texte), la commission propose aussi d'inscrire la définition de l'obsolescence programmée établie par l'Ademe dans le code de la consommation et le contrôle de son respect par la DGCCRF. "C'est cette définition retenue par l'Ademe, qui a l'air de faire consensus", a souligné Louis Nègre. Ils ont aussi inclus dans le cahier des charges des éco-organismes l'expérimentation des mécanismes de consigne. "Nous sommes prudents. Avant de se précipiter, il est opportun de faire une expérimentation", a poursuivi le rapporteur. La commission a supprimé l'affichage obligatoire de la durée de vie des produits dont la valeur est supérieure à 30% du Smic. "Cela fait encore une somme élevée, a justifié Louis Nègre. Il y a toute une série d'appareils ménagers moins chers, de qualité inférieure et de durée de vie très courte. Inversement, quand on regarde la durée de vie du diamant… Si on pousse le raisonnement jusqu'au bout, on en arrive là ! Il n'y a pas de consensus là-dessus." En outre, les sénateurs veulent généraliser le tri à la source des biodéchets mais en supprimant la mention du tri mécanobiologique (TMB). "Cela ne nous a pas paru être une voie d'avenir", a commenté le rapporteur. Les sénateurs ont aussi supprimé l'interdiction de la vaisselle jetable mais imposé le tri à la source de ce gisement à partir de 2018. "Par quoi la remplacerait-on ?", s'est interrogé Louis Nègre. "Du bois ? Du bambou ? Il va falloir le traiter, tellement que tant qu'à faire, autant rester à la vaisselle jetable. On la laisse persister, mais par contre on va imposer le tri pour récupérer ces plastiques."

Participation de la presse à la filière de recyclage papier

La suppression des sacs plastiques en 2016 a, elle, été maintenue mais celle des produits d'emballage des produits frais est reportée à 2018. Du côté des filières de responsabilité élargie du producteur (REP), la nouvelle contribution financière pour leur permettre de faire de la prévention en aval est supprimée et un système de bonus concerté mis en place. Les sénateurs veulent aussi que la presse - à l'exception de celle d'information politique générale - participe au financement de la filière de recyclage papier, actuellement à la charge des seules collectivités locales. Autres modifications : la maroquinerie est exclue de la filière textile - le reste de l'extension étant prévu au prochain réagrément de la filière -, le rapport sur le traitement des produits non soumis à REP est supprimé et l'article prévoyant un rapport sur la réversibilité des décharges est réécrit. "Nous avons besoin de savoir ce qu'il en est vraiment, si la réversibilité est économiquement soutenable", a précisé Louis Nègre.

Le retour des zones de développement de l'éolien

Au titre V concernant les énergies renouvelables, les sénateurs de la commission du développement durable veulent que la définition des territoires à énergie positive vise ceux qui produisent au moins autant qu'ils ne consomment d'énergie. Sur la méthanisation, ils ont adopté un ajustement sur les intrants autorisés. Pour les réseaux de chaleur, ils ont maintenu la consolidation de la compétence communale et le recensement des réseaux présents sur le territoire national. Enfin, les sénateurs ont rétabli les zones de développement de l'éolien (ZDE) qui avaient été supprimées par la loi Brottes d'avril 2013. "Depuis leur suppression, il y a beaucoup de projets sans concertation avec les élus locaux, a justifié Hervé Maurey. Il nous paraît important de remédier à une situation où les élus se voient imposer des éoliennes sur leur territoire."
Les titres II (bâtiment), VII (simplification) et VIII (gouvernance) du projet de loi seront examinés en commission des affaires économiques à partir du 27 janvier. L'examen en séance publique est prévu à partir du 10 février et doit durer deux semaines.