Travaux en sites classés : vers un élargissement des autorisations à la main des préfets

Un projet de décret prévoit un nouvel assouplissement dans le processus de délivrance des autorisations de travaux en site classé en élargissant la compétence des préfets. En 2019, la mise en consultation d’un texte de déconcentration totale avait suscité une levée de boucliers. 

Le ministère de la Transition écologique organise une consultation publique, jusqu’au 17 juillet prochain, sur un projet de décret ajustant le régime applicable aux sites inscrits et classés au titre du code de l’environnement. Il s’agit en particulier d’introduire une simplification dans le processus de délivrance des autorisations de travaux en site classé, en élargissant le champ de la déconcentration tout en conservant l’autorisation ministérielle pour les projets susceptibles d’avoir un impact significatif sur le site.

Le texte donne ainsi aux préfets la compétence pour délivrer l’autorisation de travaux en site classé sur les demandes de certains travaux forestiers, de permis de construire modificatifs, de certains permis de démolir, de travaux portant sur un immeuble classé ou inscrit au titre des monuments historiques et de travaux de faible ampleur soumis à déclaration préalable ou dispensés d’autorisation d’urbanisme. "Il est en effet apparu, au vu de l’expérience de l’administration sur le traitement des demandes remontant au niveau ministériel, que d’autres dossiers pourraient être opportunément traités au niveau préfectoral, sans affaiblir la valeur patrimoniale du site, qui bénéficie au territoire, et notamment à son attractivité touristique", souligne le ministère.

À l’heure actuelle, s’agissant des 2.700 sites classés, 75% (environ 3.000) de ces autorisations sont déconcentrées au niveau départemental concernant essentiellement des travaux soumis à simple déclaration préalable au titre du code de l’urbanisme, voire dispensés de toute formalité, et dont l’impact paysager est présumé faible ou modéré. Les autres travaux relevant du code de l’urbanisme (permis de construire, d’aménager ou de démolir) et tous les travaux en dehors du champ du code de l’urbanisme sont soumis à autorisation ministérielle. En 2024, le nombre d’autorisations délivrées au niveau ministériel s’est ainsi élevé à 992. "Cet équilibre, qui résulte d’une première vague de déconcentration en 1988, mérite des ajustements, afin de rechercher une meilleure adéquation entre le niveau décisionnel retenu et la nature des travaux envisagés sur le site", justifie le ministère.

La procédure ministérielle serait maintenue pour les types de travaux à "plus fort enjeu", dont l’impact sur le site est présumé fort et qui seraient donc de nature à avoir une incidence sur les raisons ayant justifié le classement du site. Une obligation d’information du ministre dans le cas des permis modificatifs est en outre prévue par le projet de texte, de manière à ce que celui-ci puisse, le cas échéant, exercer son pouvoir d’évocation. Au passage, l'article R. 122-23 du code forestier est modifié pour élargir le champ de la déconcentration aux accords sur les documents de gestion forestière (plan simple de gestion et documents d’aménagement) en site classé. 

Première alerte en 2019

L'Association des inspecteurs des sites et des chargés de mission paysage s’inquiétait en 2019 de la mise en consultation d’un projet de décret qui tablait sur une déconcentration de l’ensemble des autorisations de travaux au préfet (avec maintien du pouvoir d’évocation ministériel), pointant des "conséquences potentiellement dramatiques envers les sites classés et les projets de classement de sites exceptionnels". "Les préfets de département deviendraient les seuls à arbitrer entre des enjeux locaux et nationaux, entre l’intérêt général et les intérêts plus 'particuliers' des porteurs de projets", s’alarmait également Paysages de France. "Le maintien d’un contrôle national par le ministère chargé de l’environnement apparaît indispensable afin de garantir concrètement la protection de la biodiversité liée aux paysages classés de rang national et international, sauf à admettre que quelques aménagements légers puissent être gérés au niveau décentralisé avec l’expertise et l'avis des inspecteurs des sites", faisait de son côté valoir le Conseil national de la protection de la nature saisi pour avis. 

Rationalisation et accélération des procédures

Ce nouveau projet de décret met en cohérence la procédure de classement et d’inscription afin que soit systématiquement recueilli par le préfet l’avis des conseils municipaux des communes dont le territoire est concerné par ces projets. Il modifie certaines dispositions du code de l’environnement relatives à la procédure d’instruction de l’autorisation déconcentrée, notamment en introduisant des délais d’instruction et en rendant obligatoire l’avis du service régional des sites en fonction de la nature du projet, et précise la procédure applicable aux autorisations spéciales de travaux ministérielles. Le texte précise la composition des dossiers de demande d’autorisation spéciale de travaux en site classé lorsque celle-ci n’est pas adossée à une autre procédure au titre du code de l’environnement, du code de l’urbanisme ou du code forestier. 

L’ensemble de ces nouvelles dispositions est mis en cohérence avec le code de l’urbanisme. Le texte prévoit le même niveau d’exigence pour les projets situés dans un site classé ou en instance de classement que pour les projets situés en sites protégés au titre du code du patrimoine (abords monuments historiques et site patrimonial remarquable). Lorsque le projet est situé en site classé, il introduit l’obligation d’analyser, dans le dossier d’autorisation d’urbanisme, les choix retenus par rapport aux objectifs de classement.

Enfin, il modifie le décret n° 2011-833 du 12 juillet 2011 fixant la liste des instances consultatives ayant vocation à examiner les politiques d’environnement et de développement durable afin d’actualiser le nom du conseil national du paysage devenu la commission supérieure des sites, perspectives et paysages (CSSPP).

L’entrée en vigueur du décret est fixée au 1er janvier 2026. 

 

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