Fonds structurels - "Un changement considérable et préoccupant"
Localtis.info : Quelles sont les attentes des petites villes pour la prochaine programmation ?
Martin Malvy : Les petites villes ont largement profité ces dernières années des financements européens et elles ont su les mobiliser dans le cadre de dynamiques de travail partenariales pour travailler à l'attractivité et au développement de leurs territoires. C'est pourquoi les négociations sur la préparation de la génération 2007-2013 de la politique de cohésion les interpellent directement.
La première attente concerne les priorités d'intervention. Alors que nos communes avaient pu jusque-là mobiliser les fonds européens sur des politiques publiques très variées (réhabilitation du patrimoine, construction et rénovation d'équipements culturels et sportifs, infrastructures de transport, aménagement de zones d'activités...), le resserrement des priorités d'intervention sur l'innovation constitue un changement considérable et préoccupant.
Localtis.info : Selon vous, les élus sont-ils préparés à cette évolution ?
Martin Malvy : Je suis convaincu qu'ils y sont prêts mais à deux conditions essentielles : qu'ils puissent bénéficier d'une véritable assistance technique d'une part, et que l'accent mis sur la compétitivité ne conduise pas à écarter de facto les petites villes d'autre part.
Le premier point rejoint la proposition plus globale de l'APVF d'intégrer dans chaque dispositif d'action publique, qu'il soit local, national ou européen, un financement de l'ingénierie territoriale. On ne peut pas en effet demander aux élus, déjà forts sollicités par leur mandat, de construire des projets de qualité et de s'inscrire dans une approche prospective sans leur donner les moyens véritables de cette ambition. Nos petites villes ont besoin de matière grise et c'est désormais un enjeu de cohésion territoriale que de les appuyer en ce sens.
En ce qui concerne le deuxième point, celui de l'échelle territoriale pertinente pour conduire des projets contribuant à la compétitivité et à l'innovation, nos petites villes attendent des fonds structurels européens de pouvoir être appuyées et confortées dans leur stratégie de développement comme bases arrières de la compétitivité nationale. Fort de cette conviction, j'ai adressé en mars dernier un certain nombre de propositions concrètes aux préfets et aux présidents de régions pour que ces caractéristiques puissent être pleinement prises en compte dans les programmes opérationnels régionaux.
Localtis.info : Comment accueillez-vous le recentrage des fonds structurels sur le soutien à l'innovation ?
Martin Malvy : Si la priorité à l'innovation semble favoriser les grands tissus métropolitains, il faut tordre le cou à l'idée que les petites villes sont, par nature, destinées à vivre uniquement de l'économie résidentielle. A cet égard, il me semble primordial que l'appui aux pôles de compétitivité dans le cadre du Feder (Fonds européen de développement régional) ne puisse être envisagé que dans une logique de dissémination territoriale très large, au risque sinon de fragiliser des tissus denses de PME disposant de savoir-faire reconnus et de mettre en péril des dynamiques de développement patiemment construites.
Dans la même optique, je suis convaincu que le rôle de la prochaine programmation des fonds européens sera de soutenir toutes les stratégies locales de structuration de filières économiques, à l'instar de la politique des systèmes productifs locaux, sans considération de taille critique. L'innovation doit pouvoir être déclinée à toutes les échelles territoriales, dans des complémentarités intelligentes avec les autres acteurs publics et privés (conseils régionaux, universités, organismes consulaires, etc.).
Localtis.info : Parvenez-vous à vous faire entendre de l'Union européenne et de l'Etat, notamment dans la préparation des programmes opérationnels ?
Martin Malvy : Au stade actuel de la préparation des programmes opérationnels, l'avenir des fonds structurels n'est plus un enjeu européen mais bien un enjeu franco-français. L'Etat a annoncé unilatéralement au début du mois de mars qu'il garderait la haute main sur l'ensemble des programmes. Cette décision nous semble contraire en tous points à l'esprit et à la lettre de la décentralisation.
A l'esprit tout d'abord puisque le rapport sur la cohésion adopté par la Commission en 2004 a sans ambiguïté mis l'accent sur la nécessité de décentraliser au maximum les dispositifs de gestion des fonds structurels européens en direction des autorités locales et régionales, les plus à même de mettre en adéquation les moyens financiers avec les besoins des territoires.
A la lettre ensuite puisque l'article 44 de la loi du 13 août 2004 sur les responsabilités locales mentionne "les conditions dans lesquelles la décentralisation des fonds structurels européens sera pérennisée".
Par ailleurs, l'exemple de la région Alsace, qui bénéficie d'une délégation de l'autorité de gestion depuis 2004, semble particulièrement convaincant, notamment en ce qui concerne la consommation des crédits et l'appropriation politique des fonds structurels par les élus locaux.
L'Etat a fait un autre choix, nous en prenons acte. Nous souhaitons désormais que l'élaboration des Programmes opérationnels régionaux dans le cadre du " partenariat régional " donne lieu à une véritable concertation et soit l'occasion d'une véritable négociation avec les territoires infrarégionaux. A défaut, c'est l'efficacité de l'intervention des fonds structurels comme les dynamiques de développement de nos petites villes qui risquent d'être durablement fragilisées.
Les échos qui nous remontent du terrain nous laissent malheureusement assez sceptiques quant aux résultats de cette négociation, faute de temps et de modalités de concertation formalisées au niveau national.
Propos recueillis par Pierre Pichère / Welcomeurope
Des financements axés sur les projets innovants
Le Parlement européen a adopté, le 4 juillet, le paquet des fonds structurels pour la période 2007-2013. L'enveloppe est de 308 milliards d'euros, soit 40 milliards de plus que pour la précédente période (2000-2006), mais à partager entre 25 au lieu de 15 auparavant. La part destinée aux régions françaises passe ainsi de 17,3 à 13,5 milliards d'euros. Les subsides seront réorientés vers l'innovation et la compétitivité conformément à la stratégie de Lisbonne : concrètement, l'argent ne servira plus à financer des équipements sur des zones prioritaires mais des projets répondant à ces nouveaux objectifs. Les régions se trouvent désormais en concurrence les unes avec les autres, d'où l'enjeu des négociations sur les programmes opérationnels régionaux qui devront être arrêtés à l'automne.