Commande publique - Un critère social désormais moins contraignant à mettre en oeuvre ?

Dans un arrêt du 25 mars 2013, le Conseil d'Etat s'est prononcé sur l'utilisation du critère d'insertion professionnelle en matière de commande publique, lors de la définition des critères de sélection puis au stade de l'évaluation des offres par le pouvoir adjudicateur.
Dans les faits, le département de l'Isère avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de l'attribution d'un marché à bons de commande portant sur le renouvellement et le renforcement des chaussées, l'entretien des voies vertes et des abords des bâtiments du conseil général. Un candidat évincé a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble. Ce dernier a estimé qu'il y avait eu manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence en raison de l'absence de lien direct entre l'objet du marché et le critère d'insertion professionnelle. Suite à l'annulation de la procédure de passation, le département de l'Isère a alors saisi le Conseil d'Etat.
Ainsi, la question que devait trancher la haute juridiction administrative était celle de savoir si le critère de performances en matière d'insertion professionnelle pouvait constituer un critère de choix pour la sélection des offres, et plus particulièrement si ce critère était en rapport avec l'objet du marché en cause. En effet, l'article 53 I du Code des marchés publics prévoit que les performances sociales d'un candidat peuvent faire l'objet d'un critère à part entière pour la sélection des offres. Toutefois, et comme le rappelle le Conseil d'Etat dans cet arrêt, pour être valide, le critère d'insertion professionnelle des publics en difficulté doit être non discriminatoire et lié à l'objet du marché. Jugeant que le tribunal avait commis une erreur de droit, le Conseil d'Etat considère à l'inverse que ce type de marché "est susceptible d'être exécuté, au moins en partie, par des personnels engagés dans une démarche d'insertion".
Cette affaire est également l'occasion d'illustrer comment évaluer l'offre des candidats au regard de ce critère. A ce titre, l'arrêt du Conseil d'Etat relève que les "modalités d'accueil et d’intégration de la personne en insertion recrutée", "la présentation du référent avec son éventuelle formation", ou encore "de la progression et la formation de la personne en insertion recrutée" sont autant d'éléments valables pour apprécier que le critère d'insertion professionnel est rempli.
Cet arrêt semble faire partie des premières illustrations acceptant un lien direct entre l'objet d'un marché public de travaux et le critère d'insertion professionnelle.

L'Apasp

Référence: Conseil d'Etat, 25 mars 2013, n°364950

CG du Nord : généralisation de la clause d’insertion
Le conseil général du Nord indique avoir adopté le 11 mars une délibération "généralisant l’intégration de la clause d’insertion dans tous les marchés" qui prévoit que désormais, "chaque marché devra inclure une offre d’insertion probante". La clause existait déjà, depuis 2004, pour ses marchés d’entretien de bâtiments et, depuis 2006, pour ses marchés de travaux de voirie, rappelle le département dans son communiqué.

Le Medef s'y met aussi…
Récemment, le Medef (Mouvement des entreprises de France) a soutenu la politique d'achats responsables en publiant un guide "pour un développement équilibré des clauses sociales au service de l'insertion durable et de l'économie".  A destination des entreprises donneurs d'ordre ou qui répondent à des appels d'offres, le document préconise notamment de ne pas écarter certains publics fragiles et de ne pas restreindre l'éligibilité du public à une zone géographique. Le Medef fait un rapprochement entre la promotion de l'insertion sociale et la compétitivité d'une entreprise, d'où l'intérêt d'y attacher un certain intérêt. Enfin, il appelle à une coopération renforcée des entreprises avec les acteurs de l'insertion sociale et les opérateurs publics.