Un été sous haute surveillance dans le Luberon

A la suite d'un arrêté du préfet du Vaucluse visant à limiter l'accès dans les massifs en cas de risque incendie, le parc naturel régional du Luberon a recruté, avec l'aide des communes, des "agents de prévention et de surveillance des incendies de forêt" chargés de sensibiliser le public.

Parce que les trois quarts des incendies ont pour origine l'imprudence, il est parfois difficile de concilier les impératifs de sécurité avec ceux du tourisme vert. Une question qui s'est posée avec acuité dans le Vaucluse, où un nouvel arrêté préfectoral limitant l'accès aux massifs forestiers lors de risques élevés a été mis en place en 2003 ; annus horribilis pour le Sud-Est avec la canicule et 62.000 hectares de forêts partis en fumée. Les pires incendies que la France ait connus depuis 1973. Face à cette situation, le préfet instaure une échelle de trois niveaux de risque incendie évalués quotidiennement en fonction de la météo : sévère, très sévère, exceptionnel. Dans ce dernier cas, l'accès aux massifs est interdit. Pour un massif comme le Luberon, qui accueille des centaines de milliers de visiteurs chaque année, la mesure a été fraîchement accueillie. Alors, dès 2004, le parc régional du Luberon a misé sur l'explication de texte en lançant un nouveau dispositif visant à sensibiliser le public au nouvel arrêté.

Douze "assistants de prévention et de surveillance des incendies de forêts" (Apsif) sont recrutés en CDD pendant la période estivale, par l'intermédiaire des communes. Tous sont des étudiants originaires de la région qui connaissent bien le territoire du parc. Leur rôle ? Aller à la rencontre des randonneurs aux abords des sites les plus fréquentés pour les informer sur la réglementation, les risques incendie et leur donner des conseils pratiques.

10.000 visiteurs sensibilisés en 2004

Après une rapide formation organisée pas l'association des comités communaux feux de forêts (CCFF), les Apsif ont rejoint leurs quartiers d'été au point de départ des chemins de randonnée, avec une carte du massif sous le bras. Fin juillet 2004, le risque exceptionnel sera fréquemment atteint. "Les visiteurs, qui parfois viennent de loin, n'ont pas l'information à la base. Ils ont du mal à comprendre une telle mesure. Mais en leur expliquant les risques, en les aiguillant aussi sur des sites non-exposés, le message passe bien", témoigne Vincent Rivoire, qui a fait partie de cette première promotion d'Apsif. Titulaire d'un BTS forestier et d'un diplôme universitaire scientifique et technique Espaces naturels, il assurera à nouveau cette année la coordination de l'équipe. Plus de 10.000 visiteurs ont ainsi été sensibilisés en 2004. La méthode semble avoir porté ses fruits : "91% des personnes interrogées ont jugé l'expérience positive. La prévention a bien fonctionné. Nous n'avons jamais eu à déclencher de dispositif d'alerte et aucun départ de feu significatif n'a été à déplorer", se félicite Hervé Magnin, chargé de mission Espaces naturels au parc naturel régional du Luberon. Le travail des Apsif a en outre permis de faire remonter quantité d'informations en termes de fréquentation, de comportements, notamment auprès de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt (Ddaf), et d'obtenir en retour quelques assouplissements au texte.

"La vigilance est une obligation"

"On est passé du tout interdit au semi-autorisé, c'est une réelle valeur ajoutée en termes d'ouverture des sites, se réjouit Hervé Magnin On arrive aujourd'hui à intégrer le niveau de protection naturelle. Il y a par exemple des sites comme les gorges du Régalon ou de la Véroncle qui sont moins exposés que d'autres. On pourra les garder ouverts, tout en maintenant une surveillance." L'expérience va donc être renouvelée, avec des moyens supplémentaires à la clé. 67.000 euros seront déboursés, en grande partie par la région, qui vont permettre de porter le nombre des Apsif à vingt. Dotés de jumelles, de moyens radio, d'un 4x4 et de trois vélos tout-terrain, les assistants vont voir leur rôle accru en matière de surveillance. S'ils ne sont pas assermentés pour dresser des procès-verbaux, ils auront les moyens de prévenir les services compétents, notamment la gendarmerie qui, avec sa brigade équestre Pégase, sillonne le massif. "Cette année, on a un fort déficit hydrique cumulé, beaucoup de mistral. Nous devons donc nous préparer à un été sec, prévient Hervé Magnin. La vigilance n'est pas une précaution, c'est une obligation." Une vision partagée par le lieutenant-colonel Terrasse, responsable du groupement Sud Luberon du service départemental d'incendie et de secours (Sdis 84) : "Cette présence supplémentaire nous intéresse car elle va permettre de détecter plus facilement les feux naissants. Plus un feu est détecté rapidement, plus vite on peut intervenir et le circonscrire."

Michel Tendil / Suretis pour Localtis

"Gérer le risque intelligemment"

Blaise Diagne est maire de Lourmarin, correspondant Espaces naturels au parc naturel régional du Luberon.

Comment avez-vous vécu l'arrêté préfectoral de 2003 ?

Assez mal, car Lourmarin vit d'un tourisme accès sur la nature. Une telle interdiction peut être mal comprise et a été mal communiquée. Je n'ai d'ailleurs pas affiché l'arrêté sur ma commune, car il est trop alarmiste. Avec le dispositif du parc, on essaye de gérer le risque intelligemment, car il n'est pas le même en tous endroits et à toute heure de la journée. D'ailleurs, je considère qu'il y a parfois plus de risques dans des endroits que l'on croit sûrs, au bord des routes par exemple.

Qu'est-ce que les assistants de prévention et de surveillance des incendies de forêt (Apsif) apportent par rapport aux comités communaux des feux de forêt (CCFF)?

Ce n'est pas tout à fait la même approche. Les CCFF sont composés de bénévoles qui ont leur propre activité d'agriculteur, d'artisans, etc. Là, on a une vraie couverture des endroits les plus fréquentés du Luberon, à toute heure de la journée. De plus, les assistants sont formés pour l'accueil touristique et peuvent apporter des renseignements pratiques, des explications sur la flore, la faune, etc. Et puis, par rapport au bénévolat, on peut se fixer des exigences.

Les Apsif ont un rôle de sensibilisation mais ne peuvent véritablement intervenir en cas d'infraction. Est-ce que ce n'est pas un handicap ?

Ce n'est pas leur rôle, de même qu'ils n'ont pas vocation à participer à la lutte contre les incendies. Ils sont un maillon supplémentaire dans la chaîne. Mais nous avons l'intention d'aller plus loin. Nous sommes en train de développer un projet de "gardes-nature" qui assureraient une présence tout au long de l'année sur le parc. Eux seraient assermentés pour dresser des procès-verbaux, pour les infractions à la réglementation forestière ou pour les problèmes de circulation motorisée.

La surveillance des massifs : qui fait quoi ?

Un premier niveau de veille est assuré par les prévisionnistes de Météo France qui émettent un bulletin quotidien. Dans le Sud, ils sont basés à Gardanne (13). En zone méditerranéenne, l'Office national des forêts (ONF) a, en outre, ses propres indicateurs de teneur en eau des végétaux et diffuse un relevé deux fois par semaine.

La surveillance des massifs relève ensuite du préfet du département qui décide de la mobilisation des moyens en fonction du risque. La surveillance terrestre comprend vigies et patrouilles. La surveillance fixe (vigies) est assurée par les pompiers et les services de l'ONF. Les patrouilles mobiles sont assurées par les pompiers, l'ONF, les comités communaux feux de forêts, les gendarmes et la direction départementale de l'agriculture et de la forêt. Enfin, la sécurité civile assure des rondes aériennes.

Les comités communaux feux de forêts

Les comités communaux feux de forêts (CCFF) sont une originalité des quatorze départements méditerranéens du Sud de la France. Ils sont institués par arrêté du maire et sont regroupés en association départementale. Constitués de bénévoles, ils apportent leur concours au maire en matière d'information et de sensibilisation du public, de débroussaillement, de surveillance et d'alerte, d'assistance et de secours contre les incendies de forêts, en appui à l'action des pompiers et des services forestiers (ONF). L'association des CCFF du Vaucluse regroupe quelque 1.000 bénévoles.
 

Aller plus loin sur le web

Le site du parc naturel régional du Luberon.
http://www.parcduluberon.com
 
La politique de prévention des incendies sur le site du ministère de l'Agriculture.
http://www.agriculture.gouv.fr/

L'Observatoire de la forêt méditerranéenne.
http://www.ofme.org
 
Le rôle des direction départementale de l'agriculture et de la forêt sur le site de la Ddaf du Cher.
http://ddaf.cher.agriculture.gouv.fr/foret/sommaire.htm
 
Les comités communaux feux de forêts.
http://www.comites-feux.com/

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