Un nombre record d'expulsions locatives qui risque de s'aggraver

Alors que la trêve hivernale a débuté le 1er novembre, la Fondation Abbé Pierre rapporte une forte hausse des expulsions locatives en 2022 : 17.500 ménages, soit près de 38.000 personnes.

La trêve hivernale suspend du 1er novembre 2023 au 31 mars 2024 l'expulsion d'un locataire, notamment pour cause d'impayés successifs. En 2022, 17.500 ménages, soit près de 38.000 personnes, ont été expulsés de leur logement par les forces de l’ordre. Un chiffre "record", qui dépasse les 16.700 de 2016, après deux années plus modérées du fait de la crise sanitaire (8.200 en 2020 et 12.000 en 2021). "Dans un contexte inflationniste et de précarisation croissante, nombre de personnes sont exclues de l’hébergement et du logement", alerte la Fondation Abbé Pierre.

Or ce chiffre "risque fort d’augmenter encore en 2023 d’après les retours de plusieurs territoires et la hausse des impayés constatée par les bailleurs", estime-t-elle. Un constat partagé par le ministre délégué au Logement Patrice Vergriete sur France info : "Les expulsions ont retrouvé leur niveau d'avant Covid en 2022, et on craint que les chiffres 2023 soient un peu plus difficiles avec l'augmentation des charges liées à l'énergie". Il compte sur le plan "Logement d'abord" pour renforcer la prévention des expulsions locatives, avec plus de moyens humains et financiers.

Appel à la solidarité

La Fondation Abbé Pierre craint, elle, que la loi "Protéger les logements contre l’occupation illicite" du 27 juillet 2023 (loi Kasbarian, dite loi anti-squat) n'aggrave la situation, notamment par la réduction des délais de la procédure contentieuse locative. Elle constate d'une part un "respect très faible" de l’instruction du 3 avril 2023 enjoignant aux préfets de reloger ou d'héberger les personnes avant l’expulsion et déplore d'autre part le texte du ministère de l'Intérieur demandant aux bailleurs sociaux d'expulser les familles de jeunes condamnés à la suite de violences urbaines ou de faits de délinquance.

"Un cap a clairement été franchi : ces derniers mois, des familles avec enfants en bas âge, des personnes en situation de handicap, des personnes âgées ont été expulsées sans même une mise à l’abri hôtelière, solution pourtant loin d’être satisfaisante", signale Manuel Domergue, directeur des études de la Fondation Abbé Pierre. Cette dernière appelle donc l’Etat "à la solidarité envers les personnes victimes d’accidents de la vie : elles ne doivent pas être stigmatisées et pénalisées, mais aidées !".