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Normes - Un projet de loi pour freiner la sur-transposition des directives européennes

Souvent évoquée dans le débat public, la sur-transposition des directives européennes est devenue une sorte de marotte et l'on ne compte plus les rapports et circulaires consacrés à ce sujet. Un projet de loi, présenté ce 3 octobre, amorce une démarche plus concrète, en proposant de revenir sur des écarts injustifiés ou pénalisants pour l'action publique locale dans des domaines très divers.
 

La ministre des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, a présenté en conseil des ministres ce 3 octobre, un projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français, dont le dépôt a immédiatement été enregistré par le bureau du Sénat. La dénonciation de l'excès normatif revient comme un leitmotiv dans le débat public depuis quelques années. Cette préoccupation est au coeur du rapport remis le 13 septembre dernier par Alain Lambert, figure emblématique de la lutte contre le "fléau normatif" (lire notre article ci-dessous). La récente loi pour un Etat au service d’une société de confiance - dont l’article 69 prévoit la remise d’un rapport sur la sur-transposition des directives avant le 1er juin 2019 - s’inscrit également dans la lutte contre cette dérive législative. Le gouvernement, qui ne compte pas s’arrêter en si bon chemin, porte en effet une attention particulière au phénomène de sur-transposition des directives européennes. Un premier travail d’inventaire a été entrepris, il y a tout juste un an, par une mission inter-inspections (IGAS, IGA, CGEDD, IGF, CGE, CGAAER), pour identifier les sur-transpositions pénalisantes pour l'emploi, le pouvoir d'achat ou l'efficacité des services publics, confirmant la lettre d'une circulaire du 26 juillet 2017 relançant la chasse aux normes (lire ci-dessous notre article du 27 juillet 2017). Le présent projet de loi concrétise ce travail de recensement en se polarisant sur les écarts de transposition "injustifiés et pénalisants". Au total, prés d’une trentaine d’articles relèvent le défi dans des domaines extrêmement variés : droit des sociétés, commande publique, communications électroniques, environnement, transports, agriculture ou encore culture. Trois secteurs - déchets, eau et transports ferroviaires - inclus dans un chapitre du projet de loi dédié au développement durable ont plus particulièrement retenu notre attention.

Statut de déchets : par ici la sortie

L’article 15 du projet vise à faciliter les sorties de statut de déchet en supprimant l’obligation de traitement dans une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) ou une installation, ouvrage, travaux ou aménagement (IOTA) classée au titre de la loi sur l’eau. Cette condition -posée à l'article L. 541-4-3 du code de l’environnement - conduit" à une complexification administrative peu utile et génératrice de surcoûts", relève l’exposé des motifs, d’autant moins justifiée qu’elle ne figure pas dans la directive déchets de 2018. Dans les faits, la très grande majorité des sorties de statut de déchets sont déclarées dans des installations classées, la nomenclature ICPE reprenant explicitement différents modes de valorisation des déchets tels que la méthanisation, le compostage, la préparation en vue du réemploi. Si l’étude d’impact reste mesurée sur le chiffrage, dix fois plus d’établissements devraient pouvoir bénéficier des sorties de statut de déchets. Le ministère met également en perspective la feuille de route sur l’économie circulaire publiée en avril dernier, tablant sur  "l’émergence de nouveaux produits issus d’opérations de valorisation de déchets". 

Qualité de l’eau : vers un report des échéances post 2027

S’agissant des échéances d’atteinte du bon état des masses d’eau, la transposition en droit français apparaît là encore plus restrictive dans la mesure où seuls deux reports de délais (d’une durée individuelle de six ans, soit jusqu’en 2027) sont autorisés par le code de l’environnement (art. L. 212-1) sans possibilité de report supplémentaire alors que la directive cadre sur l’eau prévoit cette possibilité pour le motif de "conditions naturelles". Cet écart "n’a pour autant pas eu de conséquences jusqu’à présent", reconnaît le ministère, dans la mesure où les dérogations prévues en l’état du droit national sont possibles y compris pour le document de planification de l'eau applicable sur la période 2016-2021. La dérogation que l’article 17 du projet de loi propose d’introduire pourrait en revanche être mobilisée dans le cadre des plans de gestion à venir pour la période 2022-2027, permettant aux usagers de l’eau - en particulier les services publics de l’eau et de l’assainissement - d’éviter de nouvelles mesures coûteuses.

Services locaux de transports ferroviaires : alléger le poids des démarches

Sur le volet transport, c’est une forme similaire de sur-transposition qui est la cible du projet de loi. En l’occurrence, les options ouvertes par la directive dite "refonte" de 2012 établissant un espace ferroviaire unique européen n’ont pas entièrement été exploitées, dans la mesure où "le code des transports ne reprend pas toutes les exclusions permises par la directive". L'objectif affiché est de renforcer la compétitivité des opérateurs de proximité, en particulier dans le secteur du fret ferroviaire, en les dispensant de démarches administratives injustifiées. C’est notamment l’objet de l’article 19 pour les règles relatives à l'accès aux installations de service (gares, terminaux de marchandises, voies de garage, installations d’entretien, etc.). Sont ainsi visés par cette dérogation à la fois les lignes utilisées pour les transports de marchandises au niveau local et les réseaux urbains et suburbains destinés au transport de voyageurs. Autre illustration à l’article 21, qui propose de faire usage des possibilités là encore non reprises par le droit interne d’exonérer certaines entreprises ferroviaires - et notamment celles exploitant des trains touristiques sur des lignes locales ou régionales - de l’obligation d’être titulaires d’une licence.