Education - Un rapport pour lutter contre les stéréotypes filles-garçons
Dans son rapport de 236 pages rendu ce 15 janvier à la ministre des Droits des femmes, le commissariat général à la stratégie et à la prospective formule 30 recommandations pour lutter contre les stéréotypes filles-garçons, en couvrant, de l'enfance à l'adolescence, l'ensemble de leur vie quotidienne : école, orientation scolaire, pratique sportive et culturelle, santé...
"Les invitations à fermer le champ du possible"
Selon les travaux du rapport coordonné par Marie-Cécile Naves et Vanessa Wisnia-Weill, "la recherche d'égalité entre filles et garçons bute sur les attitudes et les rôles sociaux (…). Les positions sociales des hommes et des femmes ne résultent pas uniquement de choix de vie individuels et rationnels mais aussi, et très profondément, d'habitudes, de clichés, de traditions, qui n'influencent pas seulement les goûts des individus mais aussi les institutions et les ressources qu'elles constituent pour chacun et chacune". Des représentations stéréotypées qui commenceraient très tôt, dès la petite enfance, et qui sont renforcées au fur et à mesure du temps et du parcours scolaire par l'entourage de l'enfant et de l'adolescent (parents), mais également par l'institution éducative (enseignants, école, manuels scolaires…).
"Des invitations à fermer le champ du possible", résume joliment le rapport pour dénoncer selon lui des inégalités sexistes bien ancrées, notamment dans les milieux populaires ou défavorisés, qui cantonnent les garçons dans certains métiers et les filles dans d'autres. "L'assignation des femmes et des hommes à des fonctions sociales clivées conditionne encore largement leurs destins sociaux divergents", affirment les auteurs, rappelant que 99% des salariés des établissements d'accueil des jeunes enfants sont des femmes et que l'Education nationale compte 7% d'hommes parmi les instituteurs. Les auteurs suggèrent au passage un "plan national d'action pour la montée en mixité des métiers de la petite enfance".
Le père au centre de toutes les intentions
Les petits "sont très majoritairement pris en charge par des femmes et font très vite le lien entre pourvoyeur de soin ou d'éducation et activités féminines", affirment les auteurs qui recommandent alors d'agir à la racine, en créant des "dispositifs de préparation à la naissance" dans les maternités ou "d'accompagnement à la parentalité" qui fassent davantage de place aux pères et futurs pères.
Par ailleurs, en 2012, l'évaluation par la DEPP1 des résultats des élèves de CM2 et de troisième révélait des écarts significatifs entre filles et garçons : en français, les connaissances de base sont acquises par 85% des garçons et 92% des filles en CM2, mais par seulement 68% des garçons et 82% des filles en troisième. En mathématiques, dans l'OCDE, les garçons surclassent les filles de 12 points en moyenne. En France, l'écart est de 16 points. Pour lutter contre le stéréotype "les filles bonnes en français, mauvaises en maths", et inversement pour les garçons, le rapport incite les pères à partager des moments de lecture avec leurs fils, virilisant une activité à connotation féminine (il cite au passage le Québec et ses écoles qui, pour prévenir le décrochage scolaire, organisent des sessions de lecture, en soirée, où les jeunes garçons sont accompagnés de leur père ou d'un autre adulte de sexe masculin, afin de créer une émulation et de montrer aux enfants que la lecture peut être une activité masculine valorisante).
Les enseignants ne sont pas en reste dans la responsabilité de ces stéréotypes, affirment les auteurs. "Les enseignants (hommes et femmes), dès l'école pré-élémentaire, opposent très souvent le groupe des filles et le groupe des garçons et formulent des attentes différenciées vis-à-vis d'eux. Ils se comportent, quoique souvent involontairement, différemment avec les garçons et avec les filles, en raison de préjugés sur chacun des deux groupes". Ainsi, les filles sont considérées comme "naturellement" plus studieuses dans l'apprentissage, mais aussi comme plus laborieuses. Elles sont moins encouragées à travailler. On considère donc qu'elles nécessitent moins d'attention. Ces préjugés sont intériorisés par les filles, qui adaptent leurs comportements en conséquence.
Et si on disait une pompière ou une pilote d'avion ?
Le système scolaire, "loin d'être un lieu protégé de la société, est perméable aux normes dominantes", insiste le rapport. En tant que lieu d'éducation à la citoyenneté et aux valeurs républicaines, l'école a donc un rôle majeur à jouer dans la lutte pour l'égalité entre les filles et les garçons. Le rapport préconise par conséquent "des processus ciblés de prise de conscience des inégalités et des discriminations, des actions pérennes pour tenter d'atteindre une mixité plus réelle des cursus, et ouvrir ainsi aux jeunes des trajectoires plus diverses aussi bien pour les garçons que pour les filles", citant en exemple l'importance des livres, des manuels et programmes scolaires qui "restent fortement prisonniers des stéréotypes de genre". Les auteurs relèvent ainsi que sur les 2.538 personnages figurant dans les livres étudiés, 1.989 sont des hommes (78%) et 549 des femmes (22%), que les hommes exercent des métiers héroïques, prestigieux ou d'encadrement pendant que les femmes exercent des métiers d'aide, d'accueil, d'enseignement ou liés à l'apparence (hôtesse, secrétaire, assistante-dentaire, maîtresse d'école, mannequin), et qu'enfin, la grande majorité des métiers (82%) étaient énoncés au masculin. "Il est donc plus difficile, pour une fillette ou une jeune fille, de s'y projeter", en déduit le rapport qui souligne que ce manque "participe de l'invisibilisation du travail féminin". Le commissariat général à la stratégie et à la prospective propose de contractualiser avec les éditeurs de manuels scolaires pour qu'ils assurent un nombre équilibré de personnages féminins et masculins.
"Beaucoup des mesures préconisées dans ce rapport seront engagées dans le cadre de la stratégie nationale sur la mixité des métiers, d'autres méritent d'être soutenues pour généraliser les bonnes pratiques dans l'éducation, l'orientation scolaire, les pratiques culturelles ou sportives", a assuré à l'AFP ce 15 janvier Najat Vallaud-Belkacem.