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Unesco - Une campagne de crowdfunding pour inciter les collectivités à sauver dix propriétés privées "Patrimoine minier en danger"

Ce n'est pas la formule du loto du patrimoine qui a été retenue pour le bassin minier. Pour "sauver" dix sites privés "en péril", la fondation du Patrimoine et la mission Bassin minier Nord-Pas-de-Calais lancent une campagne de crowdfunding auprès de particuliers. Les dons à la fondation seront traduits en autant de "like" visant à inciter les communes et intercommunalités à engager des projets pour ces sites, à commencer par les acheter...

La fondation du Patrimoine et la mission Bassin minier Nord-Pas-de-Calais ont lancé, le 26 juin, au siège parisien de l'Unesco, la souscription nationale "Patrimoine minier en danger". Ce patrimoine est constitué de 353 éléments (1). L'ensemble, "indissociable", est inscrit depuis le 30 juin 2012 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, au titre de "paysage culturel évolutif vivant". Il concerne 89 communes sur 4.000 hectares.
"Parmi les 353 éléments identifiés, 343 sont la propriété de communes et leur état de conservation est satisfaisant", indiquent la fondation et la mission. En revanche, les dix autres éléments inscrits, qui appartiennent à des propriétaires de différentes natures (propriétaires privés, association diocésaine, établissement public foncier…) se trouvent dans un état de conservation "préoccupant".

Ne pas perdre l'inscription au patrimoine mondial de l’Unesco

L’objectif de la souscription nationale est que ces dix éléments soient acquis par les communes où ils sont situés, pour être "mis en sécurité au plus vite". En effet, une clause de revoyure est prévue en 2019 avec le Centre du patrimoine mondial. "Il est important de trouver des solutions avant cette date pour préserver l’inscription", alertent la fondation du Patrimoine et la mission Bassin minier.
La souscription "Patrimoine minier en danger" prend la forme d'une campagne de crowdfunding auprès des particuliers (2). "Chaque don sera considéré comme un like. Il permettra de mobiliser les pouvoirs publics et les incitera à se saisir de ces dix sites aujourd’hui à l’abandon, et à leur trouver un projet de valorisation." Ensuite, les fonds collectés abonderont les subventions publiques mobilisées et "accompagneront les projets de reconversion au fur et à mesure de leur émergence et de leur faisabilité".

Des projets de valorisation plus ou moins engagés

Les dix éléments menacés sont de diverses natures, avec des projets de valorisation, de reconversion ou de restauration plus ou moins engagés.
Il y a trois chevalements et leurs bâtiments, tous situés dans la communauté d’agglomération d’Artois Comm. La fosse n°2 à Anhiers, inscrite au titre des monuments historiques depuis juin 2009, est une propriété privée en indivision. Les propriétaires sont très vendeurs, mais aucune démarche n'est engagée à ce jour du côté des collectivités.
La situation est quelque peu différente pour la fosse n°6 à Haisnes-Lez-la-Bassée. La commune a engagé une procédure d’abandon manifeste sur cette propriété privée protégée depuis 2004. Tandis que la communauté d’agglomération d’Artois Comm a reconnu le site d’intérêt communautaire et engagé une étude de programmation en vue d'une reconversion autour de l'accueil d'activités de services, liées au tourisme, loisirs et gastronomie.
La fosse n°5 à Billy-Berclau est une propriété privée à l'abandon, protégée depuis 2009, dont les propriétaires sont vendeurs. La ville a prévu de rencontrer bientôt un promoteur et son architecte.

Une fosse située en bordure d'un parc naturel

Parmi les éléments menacés, on compte quatre bâtiments d’exploitation. Les vestiges de la fosse n°7 à Barlin, toujours dans la communauté d’agglomération Artois Comm, sont situés en bordure d’un parc naturel, aménagé sur l’ancien carreau. La salle des bains-douches est inscrite au titre des monuments historiques. Elle a été acquise, avec les ateliers, par l’établissement public foncier (EPF). La commune de Barlin envisage d’y développer un projet en lien avec le parc naturel, autour des "pratiques urbaines", mais aucune maîtrise d’ouvrage n’est définie à ce jour et aucune étude n’a été engagée.
Pour la fosse n°12 à Loos-en-Gohelle, dans la communauté d’agglomération de Lens Liévin, aucune démarche de préservation ni de programmation n’a été entrepris. La salle des bains-douches et les ateliers appartiennent au bailleur social Maisons et Cités (voir aussi notre article du 21 juin 2018).

Reconversion en "parc nourricier du XXIe siècle"

Classée au titre des monuments historiques depuis septembre 2009, la fosse Mathilde, à Denain, dans la communauté d’agglomération de la Porte du Hainaut, a été acquise en 2011 par l'EPF à des propriétaires privés. Après avoir envisagé un projet de réhabilitation, l’EPF s'oriente aujourd'hui vers l’implantation d’une ferme urbaine et d’un gîte de groupe orienté "accueil vélo". Les coûts d’intervention sur le bâtiment sont estimés à ce stade entre 1 et 1,5 million d'euros HT. Il est prévu "à terme" que le site soit acquis par la ville de Denain.
Les bâtiments de la fosse n°1 bis à Noeux-les-Mines sont protégés au titre des monuments historiques depuis juin 2009. Ils sont propriété de la communauté d’agglomération d’Artois Comm et le site est déclaré d’intérêt communautaire. Le terrain est partagé entre la propriété de Artois Comm et celle, beaucoup plus étendue, de Leroy Merlin, propriétaire historique du site. Une étude de programmation a été engagée par la communauté d’agglomération. Celle-ci s’oriente vers l’idée d’un "parc nourricier du XXIe siècle, sorte de laboratoire grandeur nature de l’agriculture urbaine (expérimentation des différentes formes de cultures, équipement pédagogique, site de vente…)".

Une école de formation aux métiers de l’agriculture urbaine et un restaurant d’insertion

L'un des premiers témoins de l’habitat patronal, le château des Douaniers, est une propriété privée qui fait l’objet d’un projet de sauvegarde et de valorisation portée par la municipalité de Fresnes-sur-Escaut et la communauté d’agglomération de Valenciennes Métropole, avec l’appui de la mission Bassin minier. Deux porteurs de projets ont été identifiés pour implanter sur le site une école de formation aux métiers de l’agriculture urbaine (Efamau) et un restaurant d’insertion, l’Efamau fournissant les fruits et légumes à "La Cantine de Joséphine" qui pourrait accueillir les personnes en formation pour les repas. D’autres projets sont en cours de conception autour des cours de cuisine et de l'accueil touristique. "Le modèle économique de ces deux projets repose sur la prise en charge du volet investissement immobilier par les acteurs publics", indique la mission Bassin minier.

Une chapelle en vente à l'euro symbolique

La cité de Camus Hauts d’Annay-sous-Lens est quant à elle un témoin de l’habitat ouvrier. A l'abandon depuis des années, en très mauvais état (structure béton apparente, corrosion des fers, infiltrations), le site fait l’objet de "visites clandestines". Il ne bénéficie d’aucune protection réglementaire, mais il fait partie du périmètre Bassin minier Patrimoine mondial. Propriété du bailleur social Maisons et Cités, le site fait l’objet d’une étude de réhabilitation concernant le bâti, qui a conclu qu’il "existait des solutions techniques et architecturales permettant de valoriser le bâtiment", mais que "l’équation budgétaire reste difficile à résoudre".
Le dixième site minier en péril appartient au patrimoine religieux. Il s'agit de la chapelle Sainte-Barbe à Somain, dans le périmètre de la communauté de communes du Coeur d’Ostrevent. Le bâtiment de 350 m2 est propriété de l'association diocésaine de Cambrai qui est prête à céder le bien au prix d’un euro symbolique pour un projet d’intérêt général. La municipalité envisage la création d’un centre d’insertion professionnelle.

(1) Parmi les 353 éléments patrimoniaux : 17 fosses et vestiges significatifs (dont les 4 grands sites de mémoire : fosse 11-19 à Loos-en-Gohelle, fosse 9-9 bis à Oignies, fosse d’Arenberg à Wallers, fosse Delloye à Lewarde - où est installé le Centre historique minier) ; 21 chevalements ; 51 terrils ; 54 km d’anciennes voies de chemin de fer (ou cavaliers) ; 3 gares ferroviaires ; 124 cités ouvrières (dont la cité des Électriciens à Bruay-La-Buissière devenue l’un des cinq grands sites de la mémoire minière) ; 46 écoles ; 26 édifices religieux (églises et chapelles) ; 24 équipements de santé (hôpitaux, dispensaires, centres de distribution de lait…) ; 6 équipements de loisirs (salles des fêtes, équipements sportifs, maison syndicale, …) ; 3 sièges de compagnies minières.

(2) Les dons effectués à la fondation du Patrimoine sont déductibles de l’IRPP (à hauteur de 66% du don et dans la limite de 20% du revenu imposable) ; de l’IFI (à hauteur de 75% du don dans la limite de 50.000 euros) ; de l’IS (à hauteur de 60% du don, dans la limite de 5‰ du chiffre d’affaires HT).

 

LA MISSION BASSIN MINIER NORD-PAS DE CALAIS

La mission Bassin minier Nord-Pas-de-Calais, association loi 1901, est un outil d’ingénierie, d’aménagement et de développement du territoire, créé dans le cadre du contrat de plan Etat-région 2000-2006, suite à une décision interministérielle, pour appuyer la mise en oeuvre d’un programme global de restructuration urbaine, sociale, économique et écologique du bassin minier : le programme de "l’après-mine".
La mission réunit au sein de son conseil d’administration l’État, la région, les départements du Nord et du Pas-de-Calais, l’Association des communes minières et les sept communautés d’agglomération et de communes du bassin minier. Depuis 2013, elle est co-gestionnaire, avec les services de l’État, de l’inscription du bassin minier au patrimoine mondial de l’Unesco, dans la catégorie “Paysage culturel évolutif vivant”.
Depuis 2018, elle est mandatée aux côtés de la délégation interministérielle pour le “renouveau du bassin minier”, qui s’articule autour de quatre piliers complémentaires : redonner de l’énergie au territoire, en faire un territoire d’excellence de la transition énergétique ; redonner du mouvement au territoire ; redonner de la fierté aux habitants et métamorphoser leur cadre de vie ; et enfin, réparer le passé et conforter la responsabilité du territoire.

 

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