Une circulaire pour relancer le "1% artistique" en panne

Une circulaire du ministère de la Culture rappelle les maîtres d'ouvrage publics à leur obligation de décoration des constructions publiques. Le manque de diligence en la matière, notamment de la part des collectivités locales, est considéré comme un manque de soutien à la création contemporaine.

Par une circulaire du 3 janvier mise en ligne le 2 février, la ministre de la Culture apostrophe les préfets de région et les directeurs régionaux des affaires culturelles (Drac) afin de leur rappeler les règles relatives à l'obligation de décoration des constructions publiques, mieux connue sous le nom de "1% artistique". Un rappel qui concerne également les collectivités locales en tant que maîtres d'ouvrage publics.

"Les services de l'État ont plusieurs fois été alertés du non-respect de ce dispositif ou d'un manque de diligence des personnes publiques dans le respect de leurs obligations vis-à-vis des artistes ou de la conservation des œuvres", écrit Rima Abdul-Malak. Celle qui occupait encore début janvier le poste de ministre de la Culture d'ajouter : "La diminution notable du nombre des projets engagés ces dernières années nécessite un rappel de cette obligation qui incombe aux maîtres d'ouvrage publics."

Opérations immobilières relevant des compétences des collectivités

La circulaire rappelle donc que "l'obligation de décoration des constructions publiques dite du '1% artistique' est une procédure spécifique de commande publique d'œuvres d'art qui impose aux maîtres d'ouvrage publics de consacrer un pour cent du coût de leurs travaux à la commande ou à l'acquisition d'une œuvre existante d'un artiste vivant".

En ce qui concerne plus spécifiquement les collectivités, elles sont soumises au "1% artistique" pour les opérations immobilières (construction et extension, mais aussi travaux de réhabilitation lorsqu'ils se traduisent par un changement d'affectation, d'usage ou de destination de bâtiments publics) relevant des compétences qui leur ont été transférées par l'État à partir de 1983 et des lois de décentralisation, et notamment les écoles maternelles et primaires, collèges, lycées, bibliothèques de prêt et médiathèques ou encore archives. L'obligation s'applique également lorsque les collectivités ont recours à un mandat ou à une autre personne agissant pour leur compte. En dehors du cadre des compétences transférées par les lois de décentralisation, les collectivités peuvent prendre l'initiative de mettre en œuvre une procédure de commande publique artistique.

Artistes vivants, œuvres originales

Pour choisir la ou les œuvres de décoration, les maîtres d'ouvrage publics peuvent faire appel à tout artiste vivant, français ou étranger, engagé dans un parcours professionnel à jour de ses obligations sociales et fiscales. Les œuvres d'art elles-mêmes seront "nécessairement" des œuvres originales et pourront relever de divers champs : dessin, peinture, sculpture, gravure, lithographie, œuvres graphiques et typographiques, signalétique originale, photographies, œuvres utilisant la lumière, installations, arts appliqués (design graphique ou d'objet). Quant au prix, il fait l'objet d'une négociation entre le maître d'ouvrage et l'artiste.

La circulaire insiste par ailleurs sur l'obligation pour le maître d'ouvrage de réunir un comité artistique dès l'approbation de l'avant-projet sommaire (sauf lorsque le montant global dévolu au 1% artistique est inférieur à 30.000 euros hors taxes). Ce comité exerce un rôle de conseil du maître d'ouvrage, élabore le programme de la commande artistique, le soumet à l'approbation de l'acheteur et exprime un avis sur les projets artistiques.

Et afin de ne pratiquer "aucune forme de discrimination", le maître d'ouvrage veille, autant que possible, "à la parité entre les femmes et les hommes dans le comité artistique ainsi que dans le choix des candidatures".

Respect et conservation des œuvres

Le dernier point mis en avant par la circulaire relève du respect et de la conservation des œuvres. Ainsi l'entretien, la conservation préventive et la restauration des œuvres issues du "1% artistique" reviennent à leur propriétaire ou à leur dépositaire. En outre, les œuvres acquises deviennent et demeurent des dépendances du domaine public mobilier de la personne publique. Préfets et Drac sont d'ailleurs invités à procéder au contrôle de la légalité des décisions des propriétaires et dépositaires d'œuvres d'art relevant du domaine public et installées dans l'espace public.

"L'obligation de décoration des constructions publiques doit être un instrument pérenne et structurant du soutien aux artistes, de manière à ce que la politique nationale en faveur des arts visuels prenne toute son ampleur et son efficacité", conclut la circulaire.

Mis en place en 1951, le "1% artistique" poursuit un double but : d'une part, soutenir la création contemporaine, et à ce titre il constitue "un soutien essentiel aux artistes plasticiens" ; d'autre part, contribuer à l'enrichissement du cadre de vie, au développement du patrimoine national et à la sensibilisation du public à la présence d'œuvres d'art en dehors des institutions spécialisées. Ce dispositif a déjà permis d'engager plus de 12.300 projets en dehors des lieux dédiés à l'art.